Je m’amourachais avec une fière allure de la  maturité politique de mes compatriotes qui se sont  largement abreuvés des sources jaillissantes des  grandes doctrines. Elle me ravissait mais  graduellement mon ardeur s’amoindrit et s’étiole  progressivement.

Conférences, débats, tables rondes et plaidoyers cèdent la place aux dérives verbales qui  s’amoncellent comme annonciatrices de terribles  orages. A terme, ils risquent d’éclater et d’inonder  le pays tout entier. Et ce sera le chaos si des  esprits forts de bonne volonté n’intercèdent pas.

Dans le processus d’évolution historique de notre  pays, des générations d’intellectuels politiques d’envergure mondiale ont donné au Sénégal ses  lettres de noblesse par la puissance de leur  réflexion dans leur domaine de compétence. Elles  n’étaient guère des esprits fumeux et superficiels  mais des politiques dont l’activité reposait sur  l’exercice de l’esprit. Ils étaient plus habiles théoriciens, formés dans l’art de convaincre et de  faire passer le message.

Le pays a vu évoluer beaucoup de personnalités  politiques de toutes obédiences qui se sont  distinguées sur la scène internationale par leurs  écrits ou leurs contributions. Suffisant alors pour  le hisser au panthéon de la réflexion et des  contradictions fructueuses, socles d’un  dynamisme théorique de la rhétorique  conceptuelle au service de l’action politique pour  nos populations.

A chaque fois qu’un symbole de la République  était éclaboussé, des voix s’élevaient pour effacer  la tâche hideuse de boue. De la même manière,  elles pouvaient aussi dénoncer des dérives  violentes qui pouvaient mettre en péril la stabilité  de la société. En définitive, elles étaient  pondérées dans les opinions et les jugements.

A y penser, des réminiscences me délectent de plaisirs. Leur passion était de défendre, avec la  dernière énergie, la victoire du droit dans la  décence et l’élégance du verbe.

Ce n’est pas si fréquemment que je m’étais laissé aller à un tel enthousiasme mais, il faut le reconnaître la politique était pour notre  génération une passion ridée par des charmes  immenses, même si parfois, il faut passer par des  amertumes.

Ce temps est maintenant révolu car des  énergumènes ont craché leur mépris sur la loi et  la morale pour servir l’anarchie et la violence.  

Aujourd’hui, il est établi que la charpente  intellectuelle qui soutenait l’échafaudage pour la  construction des valeurs démocratiques s’est  rompue et d’abominables individus, dont  l’intelligence semble médiocre, ont décidé de  piétiner dédaigneusement les fondamentaux qui  raffermissent ces valeurs. Délibérément, Ils semblent confondre liberté d’expression contrôlée  et anarchie.

Ahuris et meurtris par les menaces et les propos  outrageux, les hommes et les femmes politiques  de la Nation se sont précipités en catimini dans  leurs habitations pour loucher avec émoi les  monstruosités de la rue à travers des volets semi ouverts. Ils ont peur d’être happés par la frénésie tapageuse des assaillants et ont déserté  le champ politique. Cette absence inquiétante de  l’élite intellectuelle politique, symbole de l’art  oratoire, a permis à des esprits follets, des  farfadets et lutins d’occuper majestueusement la  scène politique en dressant des consciences  endormies contre des êtres bienveillants et purs.  

Ma vigoureuse protestation résulte du hurlement  de mon âme enflammée et volontairement, j’ai décidé de me départir de mon silence amer pour  indexer du doigt cette situation inconfortable dans  laquelle baigne mon pays. Ainsi j’essayerai de  projeter un brusque flot de lumière sur les visages hypnotisés d’une certaine jeunesse moutonnière et d’autochtones grégaires qui bravent encore la  tempête des gaz toxiques. Ils semblent vouloir  ressembler à des monstres que des adultes ont  fabriqués avec leurs regrets. Puisqu’ils ont osé,  j’oserai moi aussi car mon devoir est de parler pour ne pas être un acolyte.

Dès lors, mon devoir est de demander à mes  compatriotes et à la jeunesse de mon pays notamment de jeter un regard rétroactif sur le  passé de leurs aïeux en s’imbibant de règles et  principes qui édictent rigoureusement la conduite  et les mœurs appropriées pour être un bon  citoyen.

Or, l’attitude citoyenne doit être caractérisée par  ce désir ardent de protéger nos institutions qui  nous sécurisent. Alors, les fragiliser signifierait leur ôter toute crédibilité, toute autorité et éteindre  l’image qu’elles renvoient.

Ainsi, l’esprit, la foi, l’adhésion et le consensus  populaire qui les portent et les animent s’envolent  et il ne restera que pagaille, désobéissance,  dégradation, anarchie, révolte, violence et  incivisme car le verrou psychologique et affectif  qui sous-tend les rapports avec les institutions aura sauté dans nos mentalités et c’est le Sénégal  qui en pâtirait. Dès lors, ne faudrait-il pas un peu  de retenue ?

Je voudrai dire aux détenteurs de suffrages qu’un  Président est le produit de son peuple souverain  qui l’a choisi. Le Président du Conseil  Constitutionnel l’installe et l’honore. S’il sort  triomphant des élections, c’est parce que le  peuple souverain a reconnu en lui, avec l’instinct  que lui donnait son sombre et mystérieux avenir,  l’élu du destin.

Dans notre pays, la période préélectorale est  véritablement cauchemardesque à cause des  rapports conflictuels entre le pouvoir et les partis  d’opposition et cela pour plusieurs raisons : le  problème du troisième mandat, précocement  agité et les problèmes de droit reprochés à  Ousmane Sonko gangrènent la vie politique au Sénégal. En ce qui concerne le troisième mandat,  ni le Président de la République, ni le Conseil  Constitutionnel ne se sont encore prononcés sur  cette lancinante question. Les deux camps  s’épouvantent et la nation est frappée de stupeur.  La société civile aussi est interpellée à son tour.

Le jacassement collectif et anticipatif des  acteurs politiques dépasse nos frontières et seul  le Conseil Constitutionnel, une juridiction  compétente pour apprécier la conformité des lois  et des règlements, pourrait arbitrer cette question et donner un avis irréfutable qui serait connu et  appliqué par tous. Le verdict final pourrait atténuer  cette effervescence qui s’est diffusée jusque dans  les hameaux les plus lointains. Mais il n’est pas  encore rendu !

En sus de cela, tous les candidats potentiels ne  sont pas encore connus. En dehors de quelques  têtes qui sont encore visibles sur la surface ridée  et écumeuse de l’eau, Ousmane Sonko, dans ses  errances juridico-politiques, cherche avec ses  avocats à sortir des mailles épaisses de la justice.  

Idrissa Seck, un prud’homme de l’immoralité, par  sa résurrection politique entre bruyamment en  scène pour tenter le diable.

Karim Wade, un exilé fantomatique tergiverse sur  sa candidature.

En dernière analyse, la décision qui sera rendue  par le Conseil Constitutionnel pour connaître ceux  qui seront arrimés sur le starting block sera suivie  de la sanction de l’opinion générale des  sénégalais qui auront à choisir leur Président. Il ne  sera pas n’importe qui car il va falloir dépasser les  considérations affectives, hâtives et superficielles  pour mettre en valeur les traits de caractère des  candidats pour savoir s’ils correspondent  réellement à ce que la nation attend d’eux. Il faut  le reconnaître, la fonction présidentielle est très  importante et si sérieuse qu’elle ne doit pas être occupée par n’importe quel citoyen. Les compétences réelles requises doivent pouvoir  être vérifiées et les qualités humaines évaluées.

Le Président de la République est à la fois Chef  de l’Etat, Chef des Armées et de l’Exécutif. Il veille  au respect de la Constitution et est garant de  l’Indépendance nationale, de l’intégrité du  territoire.

C’est pourquoi, en dehors de l’élégance qui est  essentielle, le Chef de l’Etat par sa notoriété  reconnue doit rendre son pays honorable au  concert des nations. Il doit être attentif, respectueux, soucieux du bien-être de ses  administrés notamment son équipe. Il doit être un  leader qui, au-delà de sa mission, serait un  véritable meneur d’homme. Ce n’est pas tout ! Le  Président doit être humble, modeste, avoir la force  de caractère avec l’aptitude de persuasion de ses  collaborateurs pour prendre une décision. Il doit  être intelligent, courageux et honnête. Un bon  Président doit avoir une vision, un programme,  une connaissance des sujets les plus essentiels  comme les problèmes militaires, financiers,  éducatifs et sociaux pour une meilleure  incarnation de la nation. Nous attendons entre  autres qualités et vertus d’un Président de la  République, qu’il ait le sens de l’écoute et un esprit  d’anticipation. C’est une exigence essentielle  avec les aléas de l’ère du Pétrole et du Gaz au  Sénégal.

Il ne semble pas évident que tous ces attributs  puissent se retrouver chez une même personne  mais il y a un minimum requis pour gouverner  convenablement un pays.  

Parmi ces quelques probables candidats en lice,  j’en connais un depuis novembre 1998. Je fus un  de ses proches collaborateurs depuis 2004 et il  s’appelle Macky Sall pour qui j’avais écrit un livre  en 2011 intitulé « Macky Sall, un combat pour la République ». N’étant ni courtisan suborneur, ni  flagorneur, je peux affirmer rigoureusement que  cet homme a un désir ardent pour le travail bien  fait. Il a fait dans ce pays beaucoup plus qu’on  espérait de lui. Comme un orfèvre, il a su pétrir de la boue pour en faire de l’or. Et c’est ce métal  précieux qui scintille partout en mer, sur terre et  dans le ciel.  

Ainsi, comme le disait Gandhi, « vouloir travailler  est un désir si rare qu’il mérite d’être encouragé.  C’est une condition de joie et de paix et nous  devons vivre dans la joie et dans la paix ».

DIENE FARBA SARR

Membre du Secrétariat National Exécutif de l’APR  Chargé des relations extérieures