Le 2 décembre 2010 à Zurich, la Fifa a porté son choix sur le Qatar pour l’organisation de la coupe du monde de football 2022 au détriment des Etats-Unis. Pour la première fois dans l’histoire, la plus grande fête du football mondial sera organisé dans un pays arabe musulman. Ce qui constitue une excellence ouverture de la part de l’organisation faitière du football. La coupe du monde devrait véritable répondre à son appellation. C’est-à-dire une compétition qui appartient à l’ensemble des 211 associations nationales qui la composent au lieu de se cloisonner en Europe.

Le Japon et la Corée du Sud avaient uni leur force en 2002 pour offrir au monde entier leur savoir-faire. Les pays du Soleil Levant et du Matin Calme ont démontré si besoin en était que l’organisation n’est pas l’apanage de l’Occident.  L’Afrique du Sud de Feu Nelson Mandela, avait fait tomber les clichés en 2010. Ni l’hiver austral, encore moins son éloignement du vieux continent n’avaient altéré la bonne organisation de la seule et unique coupe du monde organisée en Afrique grâce à un système de rotation instauré par la FIFA où seuls les pays pouvaient être en course. Le Maroc va certainement tenter une 6ème fois en 2030 après 5 essais infructueux.

 6500 MORTS : INFO OU INFOX ?

The Guardian, le journal anglais, a sorti un chiffre qui fait le tour du monde, alimente les débats et autres polémiques parce qu’il fait froid au dos. Il s’agit de 6500 ouvriers qui seraient morts depuis l’attribution de la coupe du monde au Qatar dans les travaux de construction des stades. Il ne fait l’ombre d’aucun doute que le petit Emirat de 11.571 km² seulement, s’est engagé dans une coupe du monde de la démesure. Plus de 156 milliards d’euros auraient été dépensés pour construire 7 stades et réhabilité celui de Khalifa International Stadium, un aéroport et même une île aux larges de Doha, la capitale. Pourtant, le Bureau International du travail (BIT) ne partage pas les chiffres du Guardian. Disposant de chiffres plus fiables, il parle de 50 ouvriers qui ont perdu la vie. Pis, nos confrères ne détaillent pas toutes les causes des décès qui pourraient concerner des travaux du BTP, certes mais aussi des agents de sécurité voire des employés du bureau.  Dans leur article à charge, ils n’ont même pas jugé nécessaire de relever le fonds de solidarité mis en place par le Qatar pour «soutenir, assurer et soigner les travailleurs ; garantir leurs droits et leur fournir un environnement de travail sain et sûr».  Il est chargé en son article 5 de «fournir les ressources financières nécessaires et durables pour le soutien et l’assurance des travailleurs», de «payer les prestations des travailleurs, qui sont réglées par les comités de règlement des conflits du travail, puis réclamer ces montants à l’employeur», de «contribuer à la fourniture et à la mise en place de terrains de jeux, de lieux de divertissement ou de logements pour les travailleurs, en coordination avec les autorités compétentes».

 LE TURNOVER DE SEPP BLATTER

L’attribution de la coupe du monde au Qatar a soulevé une vaque de contestations. Les unes plus loufoques que les autres. Accusations de corruption par-ci, lobbies par-là. Mais, il ne s’agit là que d’un faux débat ou d’une tentative de noyer le poisson dans l’eau. Les attributions des organisations d’une coupe du monde et des Jeux olympiques voire des championnats du monde d’athlétisme ont toujours été entourées de lobbying qui est encore une fois un métier. C’est donc un faux procès qu’on voudrait coller au Qatar qui a battu les Etats-Unis.  En France, le fameux diner très copieux voire le dessert sucré entre le Président Nicolas Sarkozy, Michel Platini, alors tout puissant président de l’Uefa et le Prince héritier du Qatar, Cheikh Tamim ben Hamad Al Thani (actuel émir) est à mettre dans cette escarcelle. Et pour cause, le vote des membres est éminemment politique voire diplomatique.  Qui ne se souvient pas encore de l’attribution de la coupe du monde 2006 à l’Allemagne et cette partie de jeu de golf entre Charles Dempsey et Franz Beckenbauer ?  Le représentant de la Confédération de football de l’Océanie d’alors avait reçu comme consigne de voter pour l’Afrique du Sud. Son vote aurait alors placé l’Etat africain à égalité avec l’Allemagne (12 suffrages chacun) et signifié à coup sûr sa désignation puisque Sepp Blatter, président de la Fédération internationale, qui s’était engagé à le soutenir, dispose d’une voix prépondérante. La suite est connue de tous. M. Dempsey s’est abstenu au dernier tour de l’élection du pays organisateur du Mondial 2006 et l’Allemagne est passée. Il évoquera par la suite des «menaces dont sa famille et lui auraient fait l’objet». Mais, jusque-là, aucune enquête n’est parvenue à lever l’énigme. C’est en ce moment que Joseph Sepp Blatter et Issa Hayatou ont réellement compris de la nécessité d’imposer un turnover pour donner à l’Afrique une chance d’organiser la coupe du monde. Surtout que les sponsors avaient refusé que la compétition soit organisée sur le continent noir sous le prétexte plus que fallacieux que les Africains ont un très faible pouvoir d’achat. Ce que le pays de Madiba a démenti en 2010. Puisqu’en termes de recettes, il a battu le record de l’Allemagne. Aujourd’hui encore, les mêmes polémiques enflent sur le Qatar, sans pour autant qu’il y ait une investigation sérieuse pour l’accuser de tous les noms d’oiseaux. Sauf à y voir un délit de faciès.

SAVOIR SE FAIRE RESPECTER

La Fifa est composée de 211 associations nationales. Elles sont toutes d’égales dignités. D’ailleurs, c’est pour éviter ou atténuer la corruption que ce ne sont plus les 23 membres de son comité exécutif qui décident quelle nation sera organisatrice d’une coupe du monde. Depuis l’affaire dite Fifagate dont les déflagrations retentissent encore, ce sont les 211 (une association, une voix) qui désignent les hôtes. Il importe alors de relever que l’Afrique compte 54 associations. Elle devrait donc pouvoir parler d’une seule et unique voix en tenant compte de ses intérêts au lieu d’être un bastion électoral, bon à élire le président.  Ce continent ne manque par de personnalités. Parmi celles-ci, nous citerons toujours le Président Issa Hayatou. On peut lui reprocher tous les pêchés d’Israël, mais on doit reconnaître qu’il forçait le respect. Nous profitons de cette tribune pour rappeler cette confidence faite par Gérard Dreyfus suite à une discussion entre Hayatou et le Président Barack Obama. «Il y a quelques années, Issa Hayatou avait été reçu, à la demande de ce dernier, par le Président Barack Obama dans le bureau ovale de la Maison Blanche (faites donc la liste des Chefs d’Etat africains qui ont un jour été reçus par le Président des Etats-Unis…). Barack Obama voulait lui parler de la candidature des Etats-Unis à l’organisation de la Coupe du monde. Au cours de la conversation, le Président de la CAF avait dit à son hôte : «Monsieur le Président lorsque les Africains sollicitent un visa pour se rendre aux Etats-Unis, ils se voient heurtés à un refus», confie l’ancien journaliste de Rfi. «J’ajoute qu’Issa Hayatou avait refusé le billet d’avion mis à sa disposition et que c’est la CAF qui avait pris à sa charge son déplacement, en signe d’indépendance. Je n’ai pas d’autre commentaire à faire sur le comportement de ce très Grand Monsieur», avait souligné le journaliste. Hélas, aussi grand soit-il, des africains ont accepté qu’il soit humilié par une interdiction totale de suivre à partir des gradins les matches d’une coupe d’Afrique des nations qui se sont déroulés chez lui. Au Cameroun !

LE BOYCOTT, L’AUTRE SAUPOUDRAGE

Le ridicule ne tuant plus, plusieurs villes européennes annoncent déjà le boycott du Mondial qatari. En France, Lille, Strasbourg et Rodez ont ouvert la voie. Elles seront suivies par Marseille, Nancy, Bordeaux, Reims et…Paris. Et dire que la Fondation PSG a encore un contrat avec la mairie de la capitale française. On comprendra aisément que ce supposé boycott est hautement politique et son seul but est de capter des électeurs écologistes.  Au Danemark, l’équipementier, Hummel, n’y ait pas allé avec le dos de la cuillère, avec les nouveaux maillots (dont tous les détails ont été atténués le plus possible) que portera la Danish Dynamite. Des confrères de certains pays scandinaves ont même reproché lors du dernier congrès de l’AIPS à Roma, le président Gianni Merlo d’avoir organisé des Awards à Doha. Diantre ! On aurait bien aimé aussi que la même énergie soit déployée pour mettre un terme au droit de véto détenu par cinq pays seulement depuis la fin de la deuxième mondiale (1939- 1945). Le Tchadien Moussa Faki Mahamat, président de la commission de l’Union africaine, disait qu’il «est absolument nécessaire de revoir la gouvernance mondiale». Il avait ajouté «qu’un seul membre parmi les cinq détenteurs du droit de veto peut bloquer des résolutions pour plus de 1,200 milliard de personnes». Ce conseil de sécurité présente toujours la même configuration de l’après-guerre. Aucun pays africain, ni de l’Amérique latine, ou encore moins du monde arabe n’y siège. A moins que la question des droits soit à géométrie variable !