Si rien n’est fait par la communauté internationale dans les prochaines heures, il va s’en dire que le pire pourrait subvenir. Le Premier ministre Aristides Gomes sans protection depuis mars dernier, dont la tête a « été mise à prix » pour avoir fait de la résistance contre l’illégalité de l’installation de Umaru Embalo sans le verdict de la Cour Suprême mais, surtout, pour avoir porté les coups les plus durs aux trafiquants de drogue, risque de disparaître de la circulation. L’Ecomib chargé de sa sécurité l’avait abandonné aux premières heures avant même la « fin officielle » de sa mission.

Aujourd’hui, le Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix en Guinée Bissau créé par la Résolution 1876 du Conseil de sécurité en 2009 pour promouvoir la stabilité, lieu de résidence actuel du Premier ministre Aristides Gomes, qui est en fin de mission le 11 décembre, ne pourra plus assurer la sécurité de l’homme. Et ce, au moment où les tenants du pouvoir actuel sont pointés du doigt dans la disparition ou la séquestration des dignitaires du gouvernement dirigé par Aristides Gomes.

Autoproclamé président de la Guinée Bissau le 27 février 2020 alors que la Cour Suprême, organe chargé de déclarer le vainqueur de la présidentielle n’avait pas encore terminé ses travaux, Umaru Embalo s’est engagé dans ce qui pourrait être considéré comme une véritable chasse  aux sorcières. Si le Premier ministre Aristides Gomes issu des accords consensuels de la CEDEAO et de la Guinée Bissau survenus après le coup d’état d’avril 2012, n’a pas encore subi les affres des geôles du nouvel homme fort de Bissau, ça n’est pas le cas pour le Ministre de l’Administration Territoriale, Odete Costa SEMEDO, agressée chez elle par les militaires et menacée d’expulsion de son logement pour sa position contre le nouveau pouvoir. Elle n’est pas la seule à subir violences et humiliations dans ce qui est appelé la nouvelle Guinée.

La Ministre de la Justice, Ruth MONTEIRO, est empêchée de quitter le territoire, son passeport lui est retiré pour l’empêcher de saisir la DEA américaine sur le dossier Navarra, un dossier  sur le trafic transnational de drogue qui touche plusieurs sommités Bissau guinéennes et de la sous région.

Premier ministre à trois reprises, de novembre 2005 à avril 2007, d’avril 2018 à octobre 2019 et de novembre 2019 à février 2020, Aristides Gomes qui a porté les coups les plus durs aux trafiquants de drogue, est désormais l’homme à abattre.

Diplômé de Paris VIII, de Sciences Po Paris et du Centre d’Etudes Diplomatiques et Strategiques de Paris, Aristides Gomes a toujours servi des complexes à l’oligarchie militaire et politique aux affaires en Guinée Bissau. Son raffinement et sa maîtrise des rouages de l’État lui ont valu beaucoup d’inimitiés. Mais, son malheur aura été de mettre la lutte contre le trafic de drogue au cœur de sa politique. D’ailleurs, c’est pour cette raison que l’Union européenne avait accepté de financer les accords de la cedeao et du gouvernement de Guinée Bissau sur la protection des institutions et des personnalités en 2012.

Pour Carlos Ferreira, « Ces accords dont l’application exigeait la présence des troupes ont été financés et régulièrement renouvelés. Ainsi, toutes les personnalités bénéficiaient de la protection des forces de l’Ecomib pour garantir une bonne marche des administrations ». Ce qui a valu à la direction de la police judiciaire de procéder aux plus grosses saisies de drogue et la tenue pour la première fois d’un procès contre les trafiquants. « C’ est Umaru Embalo qui a mis fin de manière unilatérale dès son installation sans negociations préalables, notamment sur les modalités de garantir la securité des personalités auparavant gardées par ces accords », selon Carlos Ferreira du parti pour le Renouveau Social de l’ex président Coumba Yalla.

Même point de vue d’un proche de la Représentante du SG de l’ONU à Bissau Rosine Sori-Coulibaly, « Le BINUGBIS ou UNIOGBIS a décidé de protéger le Premier ministre Aristides Gomes parce que sa vie était menacée. Mais, malheureusement nous sommes en fin de mission et nous ne pouvons plus le garder à partir du 11 décembre ».

Pourquoi la présidence de la CEDEAO dirigée par Mouhamadou Issoufou a laissé faire? Y’avait il un deal pour laisser l’Écomib assurer l’installation du président autoproclamé avant même que le contentieux electoral ne soit vidé par la Cour Suprême

Les harcèlements sur les membres du gouvernement de Aristides Gomes commencent et les soldats de l’Ecomib chargés de leur sécurité abandonnent leurs positions. Le 1er mars, nous confie Antoine, l’un des éléments de la garde rapprochée du Premier ministre, « Des soldats Bissau guinéens accompagnés de civils ont encerclé la résidence et exigé aux soldats de leurs laisser accéder à l’intérieur. Devant le refus, ils sont repartis en menaçant de revenir ».

Selon Antoine Sanha, « Les soldats ont envahi deux jours plus tard la résidence et sans sans présenter un mandat de leurs supérieur hiérarchique, ont pris des véhicules de protection ». Poursuivant, notre interlocuteur qui a trouvé refuge au Portugal de nous révéler, « Plus grave, ce soir là le Premier ministre recevait le représentant resident de la CEDEAO  Mr Blaise Diplo qui nous a conseillé de ne pas opposer de résistance ».

C’est le lendemain que les soldats de l’Ecomib m’ont accompagné au siège des Nations Unies car, m’ont ils soufflé, « On nous demande de quitter les lieux ».

 

Quelques semaines après son installation, le nigérien Mohamed Sidi Ahmed poursuivi pour trafic international de cocaïne et condamné en novembre 2019 à 15 ans de prison, voit sa peine réduite à trois ans

Aristides Gomes qui refusé de donner suite aux demandes de mise en liberté du nigérien Mohamed Sidi Ahmed détenteur d’un passeport diplomatique émanant de certains palais ouest africains, s’est mis dans le viseur des puissants Narcos. À l’approche du deuxième tour de la présidentielle de décembre 2019, la justice bissau-guinéenne a condamné, le lundi 18 novembre, le nigérien Mohamed Sidi Ahmed, à 15 ans de prison, pour « trafic de drogue portant sur plus de 800 kg de cocaïne », selon un communiqué du ministère de la Justice reçu à Atlanticactu. Mohamed Sidi Ahmed est « détenteur d’un passeport diplomatique nigérien », et selon la même source, il est présenté par les autorités bissau-guinéennes comme un conseiller en communication du président de l’Assemblée nationale du Niger, Ousseini Tinni. A l’époque des faits, des proches du cabinet du président du parlement nigérien, avaient nié toute proximité avec l’intéressé, membre d’un parti de la majorité, « qui n’avait aucune mission officielle », selon ces derniers.

Par courriel, la CEDEAO saisie depuis mardi n’a pas jugé utile de donner suite à notre requête. Toujours, est-il que la vie du Premier ministre Aristides Gomes dont la sécurité était garantie par des accords, est sérieusement menacée.

Pape Sané