C’est une exception africaine, et peut-être même mondiale. Comme toutes les compagnies aériennes, Ethiopian Airlines, groupe 100% étatique, a subi de plein fouet l’impact du Covid-19. Pendant le confinement, les frontières étaient fermées et selon l’IATA (Association internationale des transporteurs aériens) 7,5 millions de vols internationaux ont été annulés pendant les sept premiers mois de l’année. Mais alors que la grande majorité des acteurs avaient leur flotte clouée au sol, la compagnie éthiopienne a maintenu 10% de ses opérations, transportant masques, équipements médicaux, vivres et autres matériaux aux quatre coins du monde.

Les résultats, certes provisoires, parlent d’eux-mêmes. «Malgré les difficultés, Ethiopian Airlines n’a pas demandé de l’aide publique pour assurer sa survie, déclare non sans fierté Hailegebrel Tadese, directeur régional basé à Genève. Par-dessus tout, nous sommes particulièrement fiers de pouvoir maintenir toutes les places de travail des 14 000 collaborateurs.» En effet, les transporteurs aériens n’ont, pour la plupart, pas échappé à de vastes licenciements. Selon l’IATA, le Covid-19 a provoqué un manque à gagner de 419 milliards de dollars entre janvier et juillet.

Elle broyait du noir
En avril, la compagnie broyait du noir. Et son directeur général, Tewolde Gebremariam, se demandait, rapportait l’AFP, si elle allait survivre à la pandémie de Covid-19. «Je n’aurais jamais pensé qu’elle se répandrait à cette vitesse et avec une telle ampleur, se plaignait-il. Ça va juste trop vite, ça coûte cher et c’est au-delà de ce qu’on pouvait imaginer.»

C’est à ce moment que la compagnie a décidé de miser sur le marché du cargo, car il fallait bien transporter équipements médicaux, vivres et travailleurs humanitaires. Ne possédant toutefois que 12 avions dédiés, elle n’a pas hésité à déboulonner les sièges de 24 appareils passagers pour tripler sa capacité. A présent, c’est ce segment qui ramène l’essentiel des revenus. Par ailleurs, plusieurs pays, dont les Etats-Unis et le Japon, ont affrété ses avions pour rapatrier leurs ressortissants se trouvant en Afrique ces derniers mois.

Pas moins de 127 destinations internationales
Les téléspectateurs ont sans doute remarqué le milliardaire chinois Jack Ma, l’ancien patron et fondateur d’Alibaba, apporter des aides médicaux en Afrique et dans d’autres pays pauvres. Il a eu recours principalement aux services d’Ethiopian Airlines. Dans le même registre, Addis-Abeba, la capitale éthiopienne, a été désignée centre logistique pour le Programme alimentaire mondial et hub pour les travailleurs humanitaires pour l’Afrique. «Ce choix se justifie d’une part parce que nous avons les capacités de recevoir, stocker et réexpédier jusqu’à 1 million de tonnes de marchandises par an, dit Hailegebrel Tadese. D’autre part, la compagnie nationale dessert un réseau de 65 destinations dans 55 pays africains.»

Fondée en 1946, Ethiopian Airlines, membre de la Star Alliance qui compte également Lufthansa, United Airlines, Air Canada, SAS Group, Thai Airways, Austrian et Swiss, est devenue au fil des années le premier transporteur aérien africain. Elle a surtout déclassé South African Airways qui est à présent sous protection judiciaire. Cette dernière se trouvait déjà dans une situation financière fragile depuis quelques années, mais le Covid-19 lui a porté le coup de grâce. Idem pour Air Mauritius, qui est en liquidation. La dernière victime, Air Namibia, est tombée mercredi dernier. Au niveau mondial, Ethiopian Airlines dessert 127 destinations. En 2019, elle avait transporté 12 millions de passagers. Avant le Covid-19, elle comptait 35 vols hebdomadaires vers la Chine, pays avec lequel l’Ethiopie entretient de bonnes relations politiques et économiques.

Troisième hub diplomatique
«Nous sommes attentifs au développement du secteur aérien en Afrique, poursuit Hailegebrel Tadese. Nous sommes intéressés à développer des partenariats.» En effet, la compagnie éthiopienne compte déjà plusieurs participations, notamment chez Malawian, Tchadia Airlines, Ethiopian Mozambique Airlines. Elle est en discussion actuellement avec Zambia Airways et, selon des rumeurs, elle serait intéressée aussi à entrer dans le capital d’Air Mauritius. La compagnie offre également aux transporteurs africains des services dans les domaines de la maintenance, de la formation et des services à bord.

A terme, Ethiopian Airlines entend se développer davantage comme un hub entre le reste du monde et l’Afrique. C’est dans cet esprit qu’elle multiplie ses liaisons avec les villes européennes. En ce qui concerne Genève, elle a commencé la desserte en juin 2018, avec un vol hebdomadaire. A la fin du confinement, ce sont désormais deux vols par semaine qui lient les deux villes. «Nous allons poursuivre nos efforts pour attirer des touristes – l’Ethiopie compte 14 sites historiques protégés par l’Unesco – et des investisseurs suisses, fait noter Hailegebrel Tadese. Cette ligne est aussi attractive pour les diplomates et autres fonctionnaires internationaux.» En effet, Addis-Abeba, siège de l’Union africaine, est, après New York et Genève, le troisième haut lieu de la communauté internationale.»

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