Le Ministre de la Communication est parti, hier, en croisade, contre les réseaux sociaux. Il a dit et martelé que les dérives ne peuvent plus continuer et qu’il est impératif de faire quelque chose. Il annonce, à ce propos, un projet de loi qui serait imminent. Son ton est empreint de fermeté. On sent une forte détermination. Mais le discours n’est pas nouveau.
Le Président Sall, le Grand Manitou, avait déjà abondé dans le même sens. D’ailleurs, les propos de Me Bocar Thiam trahissent la révélation d’instructions reçues. On sent que cette fois-ci, Macky tient à ce que quelque chose soit fait. Et le Ministre a tenu à le rassurer sur le fait que l’Etat a les moyens d’agir. Mais concrètement, qu’est-ce qu’on peut faire. Censurer internet. Ce serait une mauvaise démarche et dans tous les états attentatoires aux libertés fondamentales, notamment celles d’expression. Tous ses réseaux sont devenus en effet un instrument de dialogue, d’information, d’éducation même si, hélas, les dérives sont fréquentes. C’est le revers de la médaille. Ce sont les effets collatéraux de découvertes extraordinaires, d’un pas de géant que l’humanité a fait.

D’ailleurs, les journalistes sont les premiers à en bénéficier certes mais aussi à en pâtir car n’ayant plus le monopole de l’information. Il s’y ajoute ces fake news ou infox qui travestissent la vérité, font croire à de rumeurs, imposent de fausses convictions, portent atteinte à la vie des citoyens. Alors, que comptent faire les autorités. Le Ministre est on ne peut plus clair : ‘’ Il faudra qu’on passe par un organe de régulation qui peut faire du monitoring, vérifier, surveiller et surtout sensibiliser. Des spots de sensibilisation pour montrer aux populations comment il faudrait utiliser les réseaux sociaux. C’est un outil extraordinaire de lien social, mais c’est, également, un outil dangereux qu’il faudra maîtriser et connaître”. Quand l’Etat parle de ‘’vérifier et de ‘’surveiller’’ , ça fait peur. Cela signifie simplement verrouiller, censurer, punir.

Et c’est cela qui est inadmissible dans une démocratie. Si on se met à contrôler les comptes de chacun, on verse dans les abus, dans l’excès de pouvoir, dans l’autoritarisme. Or, il ne faut pas qu’une dérive en cache une autre. Il ne faut pas, en clair, que les dérives sur les réseaux sociaux aboutissent à des dérives de l’Etat. Mieux, pourquoi maintenant ? N’est-ce pas Macky qui a reçu Kalifone qui l’insultait à tout-va ?

Le régime ne peut-il pas être accusé de frapper l’opposition dans son arme la plus efficace, le contrôle de ses militants à travers les réseaux sociaux ? Le Ministre qui parle de ‘’sujet sensible’’ sait que c’est là une œuvre titanesque. Et que le Sénégal ne saurait s’inscrire dans une dynamique de censure aveugle au risque de remettre en cause tous nos acquis démocratiques. Après l’emprisonnement d’un journaliste, il ne faudra pas que l’on en rajoute…

Assane Samb