De son vrai nom Babacar Ndiaye, Yaadikone Ndiaye, « le Robin des bois sénégalais » est né à 4 km de Nguekhoh plus précisément à Keur Gondé Dièye, en 1922. Fils de Coumba Diop et de Makha Ndiaye. Son surnom « Yaadikone » signifie celui qui était parti et qui est revenu en wolof . Il est appelé ainsi pour une raison.Chaque fois que sa mère mettait au monde un garçon, ce dernier mourrait. Quand elle eu son 6e fils, elle lui fit une marque, une marque qui selon la tradition permettait de stopper la malédiction. Après la mort du 6e enfant, un 7e fils naquit avec la même marque. On lui donna alors le nom de Yaadikoone. La marque se trouve au niveau de l’auriculaire. Dès son plus jeune âge, Ndiaye Yaadi, comme l’appelaient ses proches, a commencé à apprendre le Coran chez Serigne Thiam, au Campement Nguekhoh. Au fil du temps, l’envie de découvrir la capitale lui vint à l’esprit, il a alors fugué et s’est retrouvé à Dakar.
L’homme, comme le raconte la légende, fut arrêté 32 fois et s’évada autant de fois.
Comment Yaadi arrivait à s’évader de prison ?
Une question que s’était souvent posée son « ami », le Procureur Desprez. Ce dernier lui avait lancé un défi comme quoi s’il arrivait, à s’échapper une énième fois de prison, il le laisserait tranquille. Yaadikoone Ndiaye relèvera ce défi.
« Tu ne pourras pas t’échapper cette fois-ci. Si tu arrives à le faire, je te laisserai tranquille », lui avait dit le Procureur, après sa dernière évasion. Yaadikone, qui était un homme de défis, lui avait répondu ceci : « Je vais sortir de prison vendredi, en pleine journée, après la prière de 14 heures ». ‘Djinné’ – comme ses proches le surnommaient – était enfermé à la chambre 7 de la prison civile, actuelle prison de Rebeus. Il était enchaîné de partout et était sous la surveillance permanente des gardiens. Sa cellule avait deux portes. La première était en grille fermée avec d’énormes barres de fer et la deuxième en bois fermée avec trois cadenas. Yaadi avait dit au Procureur Desprez qu’il ne serait pas dans sa cellule après la prière. Quand les gardiens sont venus le voir après la prière du vendredi – aussi surprenant que cela puisse paraître – Yaadi n’y était plus. ‘Djinné’ vint de s’échapper pour la énième fois. L’histoire ne dit pas pour quels délits Yaadikone avait été arrêté tant de fois. On le présentait comme un » Robin des bois » qui volait aux riches pour donner aux pauvres, mais, cela ne reste qu’une légende.
À en croire Mor Mbinda Fall, un de ces amis, Ndiaye Yaadi était quelqu’un de bien. « Il était sympa. C’était quelqu’un d’extraordinaire et de surprenant aussi. Il n’avait pas de problème avec les gens, c’est juste qu’il n’aimait pas l’injustice. Il ne la supportait pas. Tout ce qu’il prenait chez les gens, il le donnait aux enfants. Lorsqu’il y avait une projection de film au cinéma et qu’il fallait payer pour y assister, Yaadikoone venait et défoncer toutes les portes pour que les enfants et ceux qui n’avaient pas d’argent pour payer le ticket d’entrée puissent entrer librement et regarder le film. Il en faisait de même avec les vendeurs. Et si tu résistes, il te frappe. C’était ça son seul tort, mais il n’était pas un bandit », indique son bras droit. «Yaadikoone et moi avons partagé le même lit pendant trois ans. On était toujours ensemble, côte à côte. On ne se séparait que lorsqu’il est arrêté. Il n’avait pas de secret pour moi. Chaque fois qu’il avait des problèmes avec la police et qu’il était contraint de se cacher, c’est moi qui sortais et qui allais chercher le journal, à l’époque, c’était le ‘Paris-Dakar’ pour pouvoir lire les informations et savoir ce que l’on a écrit sur lui. Il disait qu’il n’était pas un malfaiteur et que les gens se méprenaient à son sujet », fait savoir Mor Mbinda Fall.
Cependant, il faudra souligner que c’est parce que Yaadikoone faisait des choses que les « colons « considéraient comme un crime qu’on disait de lui que c’était un bandit. Mais, indique Mbaye Diagne de Thieudem, qui vient renforcer les propos de Mor Mbinda Fall, Ndiaye Yaadi n’en était pas un. «Yaadi n’était pas un voleur. Il ne volait pas, il ne fumait pas de chanvre indien, il ne se droguait pas. Ce n’était pas un agresseur. Il ne faisait pas de choses infâmes », témoigne Mbaye Diagne, lui qui dit avoir connu Yaadikoone en 1958, alors qu’il était tout jeune. D’après Mbaye Diagne, Yaadikoone n’a jamais toléré qu’on maltraite une femme, encore moins un vieillard ou un enfant. Il s’était retiré en 1960, en se livrant exclusivement à l’agriculture et la confection de talismans. Il mourut en 1984.
Cependant, il faudra souligner que bien malade, Yaadi n’en était pas mort. «Yaadi était malade, mais il n’est pas mort de sa maladie. Il est mort à l’âge de 66 ans, le jeudi 9 février 1984. Il marchait tranquillement à Dakar et puis, subitement, il est tombé par terre, raide mort», renseigne un de ces amis, qui ajoute qu’il était surpris quand on lui a annoncé que Yaadi est décédé.
«Le jeudi où Yaadi est décédé, cela m’a surpris. Il n’est jamais allé à Dakar sans pour autant passer me voir à Boukhou. Mais, ce jour-là, il n’est pas passé me voir. Auparavant, cela n’était jamais arrivé. J’étais au courant de tous ses déplacements. Mais ce jour-là, il ne m’a pas avisé. C’est un ami chauffeur qui est venu me voir à Boukhou et qui m’a dit que mon ami Yaadi est mort. Je n’en croyais pas un mot. J’ai dit que c’était impossible, tellement la nouvelle m’a surpris. J’étais anéanti», confie Mor Mbinda Fall.
Toutefois, le jour de son enterrement, une dispute entre mourides et khadres éclata. Les mourides et les khadres ont failli se battre parce que chacun voulait diriger la prière mortuaire. Les uns disaient qu’il était mouride et les autres disaient qu’il était khadre, ce qui occasionna une dispute. «Au moment où la dispute a éclaté, je n’étais pas encore arrivé. C’est un certain Doudou Falla ‘Madiodié’ qui les a ramenés à la raison en leur disant que Yaadikoone était mouride et qu’il avait le même marabout. Quand je suis arrivé, j’ai confirmé ce que Doudou Falla avait dit et je leur ai fait comprendre que c’est Serigne Saliou Mbacké qui était le marabout de Yaadi. Le problème résolu, nous l’avons prié en paix. C’était le vendredi 10 février 1984, après la prière de 14 heures ou ‘Jumma’», se souvient le lieutenant de Yaadikoone, celui-là même qui a hérité de son pouvoir mystique, Pape Mor Fall, fils de Seynabou Niang et de Ibra Fall.
Voilà que prend fin la fabuleuse et singulière histoire de Yaadikoone Ndiaye
Source (PA)