Dans nos sociétés traditionnelles, garder sa virginité jusqu’au mariage est une valeur à préserver. Ce moment où la nouvelle mariée devait se livrer à son mari était attendu par tous. Il a un caractère plus que sacré. Tout un honneur pour la famille. Les tantes, les belles-mères sont toutes dans l’attente. Elles attendaient ce drap blanc qui sera sortie du lit nuptial et tacheté de sang. Une preuve que la mariée est vierge, qu’elle n’est pas une fille aux mœurs légères. Ainsi, elle va honorer toute la famille. Dans ce reportage, Seneweb pose le débat sur ce qui reste de cette valeur sacrée dans les sociétés traditionnelles sénégalaises.

Ndèye Fatou Diop (nom d’emprunt), secrétaire dans une direction de la place et son mari, un agent des impôts et domaines ont commencé à vivre leur sexualité alors qu’ils n’étaient pas encore unis par les liens sacrés du mariage. Au micro de Seneweb, le couple accepte de se confier.

« Je n’étais pas vierge parce que je me suis donné à mon mari avant notre mariage sous consentement bien sûr. Se rendant compte qu’il m’a déviergée, il m’a promis le mariage parce qu’on s’aimait. J’avais peur qu’il me tourne le dos après. Mais il m’a fait savoir que ça lui importait peu que je sois vierge ou pas. Tout ce qu’il me demande c’est d’être une épouse remarquable. Lorsqu’on est parti à l’hôtel, c’était une division au sein de sa famille qui voulait qu’on passe notre nuit nuptiale à la maison familiale. Chose qu’on a refusé parce qu’il y avait trop de monde et je savais déjà que je n’étais pas vierge », explique Ndèye Fatou Diop. Celle-ci d’ajouter : « Je ne crois pas à cette histoire de virginité et ça ne doit freiner aucunement l’union d’un couple. C’est des futilités qu’on doit effacer de la société. Les choses ont changé et il fait avec ». Le mari de Ndèye Fatou Diop abonde dans le même sens. Selon lui, beaucoup d’hommes souhaitent épouser une femme vierge. Mais à ses yeux, cela importe peu. « Pour moi, l’essentiel est que la femme soit belle, bien éduquée, pieuse et respectueuse. Ces qualités doivent primer sur tout. Ma femme n’était pas vierge, mais je n’ai pas regretté de l’avoir épousé car j’ai vu en elle des qualités qui me conviennent. J’avoue que j’ai été irresponsable pour avoir entretenu des relations sexuelles avec elle bien avant le mariage. Ce serait injuste de lui tourner le dos. Ce n’est pas parce qu’une fille n’est pas vierge qu’elle est mauvaise », fulmine le jeune inspecteur.

Selon lui, la nuit nuptiale est une étape strictement privée. « C’est à nous d’aider nos femmes à garder ce secret, à ne pas le divulguer parce que je pense que ce qui se passe entre toi et ta femme le jour de la nuit de noce sur le lit, si tu ne décides pas d’en parler personne ne le saura. Ce n’est pas honteux pour moi d’épouser une femme sans virginité, mais ce serait honteux de divulguer ce secret qui régit un couple. A la limite c’est irrespectueux », ajoute-t-il.

La risée de la belle-famille

Cependant, même si leur couple a réussi à s’unir en banalisant le caractère sacré de la virginité, Ndèye Fatou précise que les choses n’ont pas été aussi faciles du côté de la belle-famille. Cette dernière, issue d’une famille toucouleur, est encore très ancrée dans la tradition. Pour elle, on ne badine pas avec la virginité.

Après avoir appris que Ndèye Fatou n’était pas vierge, elle ne pouvait plus la supporter. Chaque jour, elle lance des piques à sa belle-fille. « Ma belle-mère ne me supportait plus à cause de ça. Elle ne cessait de me répéter que je suis une honte pour sa famille. Ne pouvant pas supporter les moqueries, j’ai décidé de vivre seule avec mon mari pour être tranquille », explique-t-elle.

« Ma mère était catégorique sur la question de la virginité. J’ai pris mes responsabilités en cherchant un appartement pour qu’on puisse vivre en paix. Aujourd’hui elle a approuvé ses bonnes qualités de femme de par ses devoirs qu’elle remplit envers ma famille. Elle avait même pris la décision de retourner à la maison familiale, mais je ne juge pas prudent qu’elle y retourne », raconte le mari.

Mariama Ba, une Étudiante, âgée de 27 ans, confirme que la virginité est une valeur conservée chez certaines ethnies au Sénégal notamment chez les Toucouleurs. « Chez nous, on ne badine pas avec. Ça instaure la confiance et le respect dans un couple. En tant que fille, c’est honteux de ne pas être vierge, pendant sa nuit de noce. Notre société et même notre religion incriminent les relations sexuelles avant le mariage donc on a qu’à s’abstenir. La fille n’a rien de plus cher que sa virginité », soutient-elle.

Etre vierge pour sauver l’honneur

La trentaine, Awa Diouf s’est mariée il y a deux ans. Elle était vierge jusqu’au mariage. Aujourd’hui, elle se dit fière d’avoir échappé à la question du ‘’qu’en dira-t-on’’? « Chez nous les Sérères, sommes très exigeants là-dessus. C’est pourquoi on nous apprend toujours à se méfier des hommes. Ça fait partie de notre culture parce que la virginité est le bijoux le plus précieux qu’une femme puisse offrir à son mari. Après ma nuit de noce, mon mari m’a remis une enveloppe de 100.000 francs et ma belle-famille était heureuse. Ça honore et ça rend fière. Tout le monde me respecte dans la famille. C’est vrai que la pratique a tendance à disparaître mais chez nous elle est toujours conservée. Les filles doivent comprendre que la virginité est très importante », conseille-t-elle

Le ‘’Labaan’’, une pratique ancestrale

Mère Thiam, animatrice de thèmes sociaux à Seneweb, fait savoir qu’il n’y pas de changement sur la pratique du “labaan”. « Il n’y pas de changement. Ce sont les comportements qui ont changé mais pas la vie. Une femme ne doit pas détacher son pagne avant le mariage. La virginité est une fierté, un succès pour toute femme. Aucun homme ne souhaite épouser le reste d’un autre homme. Le “laabaan” est une pratique qui honore les femmes et les hommes aiment les femmes vierges », témoigne-t-elle. Selon la traditionnaliste, cette pratique persiste toujours même si la modernité a fini par changer certaines choses. « De nos jours, les gens n’accordent pas trop d’importance au “labaan” comme cela se faisait avant. Nous sommes à l’ère de la modernisation avec les lunes de miel qui se font maintenant. Auparavant, la nuit nuptiale se faisait à la maison familiale avec tous les membres de la famille. Maintenant, les jeunes préfèrent le faire dans les hôtels sans même que personne ne sache”, regrette-t-elle.

La position de l’Islam sur le « labaan » ?

« Le ‘laabaan’ n’est ni reconnu encore moins recommandé par l’Islam », selon Oustaz Makhtar Sarr

Le prêcheur à Seneweb, Oustaz Makhtar Sarr rappelle que la pratique du ‘’labaan’’ qui était initiée pour inciter les jeunes filles à l’abstinence perd aujourd’hui sa vraie nature. Le religieux insiste sur la nécessité pour la fille de rester vierge jusqu’au mariage. Mais il conteste les festivités qui entourent cette nuit de noce communément appelée “laabaan”. « Le fait de vilipender deux personnes qui ont passé leur nuit de noce est un acte irrespectueux et ignoble que l’islam interdit », informe-t-il. Oustaz Makhtar Sarr estime que “ce qui s’est passé dans le secret de la chambre des mariés ne doit concerner personne d’autre”.

Reconstitution de l’hymen

Avec l’avancée de la médecine, beaucoup de filles qui perdent leur virginité arrivent à la retrouver. Une pratique que dénonce Mère Thiama. « Quand on choisit d’avoir des relations sexuelles avant le mariage, on doit l’assumer. Pour moi, le fait d’assumer ses actes est plus important que de recourir à cette supercherie trompeuse. Quand j’entends la reconstitution de l’hymen, ça me fait peur. C’est le monde en l’envers. L’hymen qu’on tente de réparer ne peut ressembler à l’hymen inné en une fille. L’hymen, on ne l’a qu’une seule fois dans la vie », précise l’animatrice. Celle-ci invite les jeunes filles à préserver leur virginité parce que « si une femme est vierge, elle sera traitée comme une reine par son époux de même que sa belle-famille ». « La virginité est l’une des plus grandes qualités dont une fille peut s’armer pour gagner et conquérir le respect et la confiance de son mari », renchérit-elle.