Quand le Président Bassirou Diomaye Faye recevra les comptes de l’Etat après son installation, il pourrait sursauter, tellement la situation macro-économique est tendue. Certaines dépenses importantes pourraient contrecarrer son projet de rupture savamment élaboré par le Pastef.
Le Président Diomaye Faye sera un peu plus circonspect quand il verra la situation des mines, domaine réservé aux étrangers. Même si les entrepreneurs locaux peuvent obtenir 25 pour cent des capitaux. Par contre, l’Etat reçoit gratuitement 10 pour cent des capitaux. Ce secteur qui représente 32,5 pour cent des exportations du Sénégal connait un chiffre d’affaires de plus de 1 500 milliards de francs CFA. En termes d’impôts, il contribue à hauteur de 150 voire 2 000 milliards de francs et contribue en termes d’impôts près de 150 milliards de francs CFA. Un montant réduit du fait des exonérations fiscales qui peuvent aller jusqu’à 25 ans.
La production totale des produits miniers est portée par la production d’or (512 milliards de francs CFA), le ciment (341 milliards de francs CFA), l’acide phosphorique (298 milliards de francs CFA), les phosphates (79 milliards de francs CFA), les zircons (62 milliards de francs CFA).
Le président élu devrait aussi s’interroger sur la masse salariale de la fonction publique projetée dans la loi de finances de 2024 à un peu plus de 1 400 milliards francs de CFA pour un effectif qui est passé de 95 779 en 2012 à 171 634 en 2023, soit un accroissement net de 75 855, sur la même période. C’est le secteur de l’Education et de la Formation professionnelle qui reste le premier poste de dépenses avec un montant de 174,87 milliards de francs CFA, soit 57 % du total. En revanche, le président Faye devrait se demander comment la masse salariale des forces de défense et de sécurité a atteint ce niveau élevé (70,85 milliards de francs CFA), devançant de loin la santé (18,83 milliards de francs CFA seulement).
Le président Faye sera sans doute très préoccupé par l’étude de la Banque mondiale datée de juin 2023, qui montre que le taux de vulnérabilité était plus élevé que l’incidence de la pauvreté. 38 % des individus vivaient sous le seuil de pauvreté national en 2018, 55 % étaient vulnérables à la pauvreté.
La Banque mondiale souligne que le déclin du bien-être devrait également entraîner une augmentation du nombre de pauvres de 429 000 personnes, dont les deux tiers vivent dans les zones rurales. On comprendra parfaitement l’accentuation de l’exode rural, le chômage des jeunes ainsi que la reprise phénoménale de l’émigration irrégulière.
Faut-il compter sur la production du pétrole et du gaz pour effacer les déficits publics ? Selon les prévisions faites par le ministère de l’Economie et des Finances, dans les trois années (2024 – 2026), c’est une manne financière de 753,6 milliards de francs CFA qui devrait rentrer dans les caisses de l’Etat. C’est trop peu par rapport aux pays pétroliers qui gagnent des montants importants de la vente du pétrole. Mais peut-être qu’une renégociation des contrats permettra de relever significativement ces montants.
En jetant un regard sur la gestion des sociétés parapubliques, le président élu se rendra compte que certaines d’entre elles sont sorties des clous depuis longtemps. Le ministère de l’Economie note ainsi que Dakar Dem Dikk et Le Soleil sont dans une situation de risque élevé, du fait des déficits enregistrés sur plusieurs exercices (entrainant des capitaux propres négatifs de plus 27 milliards de francs CFA).
Que dire de La Poste qui est en quasi faillite.En effet, sur la base des dispositions des articles 664 et suivants de l’Acte uniforme de l’Ohada relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE, lorsque les capitaux propres sont inférieurs à la moitié du capital social, il doit être procédé à leur reconstitution dans les deux exercices, suivant la décision de l’assemblée générale ordinaire des actionnaires ayant décidé de continuer l’exploitation.
Or, La Poste dont le capital social est de 3,325 milliards connait un déficit de 86,872 milliards de francs CFA. Normalement, il était obligatoire de procéder à une augmentation de capital par conversion de la créance de 174,2 milliards FCFAque l’Etat détient sur la Sn La Poste. Jusqu’ici, l’Etat n’a pas procédé à une recapitalisation, laissant la patate chaude à la nouvelle équipe gouvernementale.
Quel accueil l’Etat réservera au Fonds monétaire international ? Le FMI et le Sénégal ont conclu un accord entré en vigueur en juin 2023 et qui se termine en juin 2026. Il est articulé autour de quatre piliers : le renforcement de la gestion des finances publiques, le renforcement de la gouvernance financière et l’amélioration du dispositif anti-blanchiment des capitaux et la lutte contre le financement du terrorisme, la réalisation d’une économie plus résiliente et inclusive et le renforcement de la résilience aux changements climatiques. Y aura-t-il rupture ou continuité?
Il faut savoir que dans les clous de cet accord, il est prévu un ajustement à la hausse de certains prix de l’énergie, notamment la révision de la formule de tarification des carburants et de la structure des tarifs de l’électricité ainsi que la réduction de l’enveloppe des subventions pour qu’elle ne dépasse pas 1 % du PIB (budget 2024) : pour l’électricité, les tarifs de l’électricité seront ajustés et la grille tarifaire modifiée sur la base des résultats de l’étude menée en collaboration avec la Banque mondiale.
Parallèlement, le gouvernement publiera les résultats de l’étude de la formule de calcul du Rma et mettra en oeuvre des mesures pour renforcer l’efficacité de la Senelec. Élimination des subventions (d’ici à 2025).
Dans la lutte contre l’inflation, il s’interrogera aussi sur la libéralisation de l’économie qui ont entraîné une cascade de faillites.