La bataille pour le contrôle de la capitale aux élections locales du 23 janvier 2022 a démarré au sein de l’Alliance pour la République. Analyse des forces et faiblesses en vue sur le terrain

La bataille pour le contrôle de Dakar refait surface au sein de l’Alliance pour la République à moins de sept mois des élections locales du 23 janvier 2022. Certains responsables « apéristes » du département de Dakar font tout pour se positionner en leader incontestable et espérer porter le capitanat au niveau de la capitale. Le Témoin tente d’analyser les forces et faiblesses des leaders les plus en vue sur le terrain…

A Dakar, la bataille pour le contrôle de la capitale, aux élections locales du 23 janvier 2022, a démarré depuis longtemps au sein de l’Alliance pour la République (APR). Chacun des potentiels chefs de file déploie dans la discrétion des stratégies pour espérer diriger la liste départementale, devenir de facto le prochain maire de la capitale et mettre fin aux 13ans de règne des Khalifistes qui trônent à la tête de la capitale depuis 2009. C’est donc le temps des grandes manœuvres.

Abdoulaye Diouf Sarr, un «capitaine légitime»

En 2014, Abdoulaye Diouf était le seul responsable apériste de Dakar à avoir su résister à la razzia opérée par Khalifa Sall et ses troupes. L’actuel ministre de la Santé avait, en son temps, évité à son leader une humiliation générale dans le département englobant la capitale de notre pays. Ce, en gagnant Yoff, seule commune remportée dans cette circonscription stratégique par l’Alliance pour la République et ses alliés de Benno Bokk Yaakar (Bby). Sa victoire à Yoff, qui compte près de 60.000 habitants, lui assure une certaine légitimité dans cette guerre des chefs. Son expérience politique et sa réputation de gestionnaire efficace joueront sans conteste en faveur du ministre auréolé par la manière dont il a géré la crise sanitaire du Covid-19. Par contre, son coup de force avorté contre Khalifa Sall à la veille des élections du Haut conseil des collectivités territoriales (Hcct) avait quelque peu terni le leadership d’Abdoulaye Diouf Sarr. Cette tentative de débaucher des conseillers municipaux de Taxawu Ndakaru s’était d’autant plus retournée contre lui qu’elle allait à l’encontre des directives de Macky Sall qui avait demandé de ne pas présenter de liste à Dakar. Le choix de confier à Mimi Touré l’animation et la redynamisation du parti dans la capitale était perçu comme un désaveu du maire de Yoff. Son ancrage dans la communauté Léboue ne lui garantit pas un succès à Dakar. Même si certains le considèrent comme un « monstre froid » et un « opportuniste » capable de tout pour arriver à ses fins, Abdoulaye Diouf Sarr a entretemps gagné des galons au niveau de son parti en devenant le coordonnateur de la Convergence des Cadres Républicains (CCR). Entré au gouvernement en 2012, Abdoulaye Diouf a occupé avant le département de la Santé, le portefeuille du du Tourisme et des Transports aériens, puis, en juin 2015, celui de ministre de la Gouvernance locale, du Développement et de l’Aménagement du territoire. En 2017, il remplace Eva Marie Coll Seck à la tête du ministère de la Santé et de l’Action Sociale. Des postes qui lui ont sans aucun doute possible permis d’avoir une assise financière et les moyens de sa politique. Il faut également souligner que le maire de Yoff a remporté toutes les élections qui se sont succédé depuis 2014 au niveau de sa commune en sus notamment des élections HCCT, il a fait gagner son parti aux législatives de 2017 et à la présidentielle de 2019 au niveau de sa commune. Il serait sans doute un bon capitaine pour l’APR lors des locales du 23 janvier 2022 au vu de ses performances politiques…

Amadou Ba, un leader charismatique aux moyens balèzes et qui peut porter l’équipe

Deux ans après sa nomination en 2013 comme ministre de l’Économie et des Finances, Amadou Ba s’est engagé en politique en rejoignant en 2015 l’Alliance pour la République. Il avait choisi les Parcelles Assainies comme sa base politique. Dans cette commune du département de Dakar, l’ancien ministre de l’Economie et des Finances s’est imposé jusqu’à « noyer » Mbaye Ndiaye, l’ancien ministre de l’Intérieur et membre fondateur de l’APR. Aux élections référendaires de 2016, législatives de 2017, l’ancien directeur général des Impôts et Domaines, qui est présenté par ses sympathisants comme le nouveau boss des apéristes de Dakar, a fortement pesé sur la victoire de la majorité présidentielle dans sa commune. En 2019, Amadou Ba, qui a été chargé par Macky Sall de conquérir Dakar pour les besoins de la présidentielle avec à ses cotés la première dame Marième Faye Sall, a permis à son leader de gagner la capitale après avoir fait basculer la commune de Mermoz de Barthélemy Diaz, la Médina de Bamba Fall et la zone de Grand-Yoff de Khalifa Ababacar Sall. Une performance qui lui a valu d’être surnommé par ses admirateurs le « nouveau patron de Dakar”, titre que lui contestent Yaķham Mbaye, Mame Mbaye Niang, Abdoulaye Diouf Sarr, Seydou Guèye, Mbaye Ndiaye, etc. Nommé au lendemain de la présidentielle de 2019 ministre des Affaires étrangères, ce qui était déjà une sanction, Amadou Bâ sera défenestré quelques mois plus tard, en 2020, exactement lors du remaniement de cette année-là. Mis au frigo, Amadou Ba est acculé de toutes parts par respectivement Abdoulaye Diouf Sarr, Mame Mbaye Niang, Mbaye Ndiaye entre autres responsables de l’APR qui sont en train de tout faire pour amoindrir ses chances de diriger la liste départementale de l’Apr. Toutefois, force est de reconnaître que l’ancien ministre des Finances réunit tous les atouts pour porter l’APR dans Dakar. Outre sa richesse fabuleuse, son image de technocrate compétent et sa grande popularité dans la capitale devraient lui permettre de s’imposer aisément comme le porte-drapeau naturel de la majorité présidentielle au cours de la « mère des batailles » que risquent d’être les élections locales de janvier prochain. Mais c’est peut-être justement cette popularité que craint le président de la République car, de maire d’une capitale à la magistrature suprême, il n’y a souvent qu’un grand pas à faire !…

Aboubacar Sedikh Bèye, le troisième larron ?

Inconnu dans le bataillon politique de Macky Sall, Aboubacar Sedikh Bèye a rejoint le Secrétariat exécutif national de l’Alliance pour la République. Discret et efficace, le sémillant directeur général du Port autonome de Dakar (PAD) a été nommé en 2018 adjoint de Mimi Touré lors du Sen qui avait validé la mise en place d’un dispositif cohérent de gestion de certains évènements dans la vie du parti durant toute cette année. Cerise sur le gâteau, Bèye avait été intégré dans la «Task force» qui animait le parti en préparation de la présidentielle de février 2019. Propulsé au-devant de la scène par sa nomination au Port autonome de Dakar, structure qui constitue un levier important de l’économie du pays, le 11 septembre 2017 en remplacement de Cheikh Kanté, l’ancien DG de l’Agence nationale de la Statistique et de la Démographie (Ansd) a déposé ses baluchons dans son fief de Dieuppeul Derklé. En 2018, il lance son mouvement Génération Sénégal émergent Ak Macky Sall pour œuvrer dans le social au profit des populations de Dieuppeul-Derklé. En 2019, Bèye a participé de manière décisive à la victoire de son « patron » dans la capitale. Dans sa commune, Aboubacar Sedikh a su s’imposer comme le leader incontestable de l’Apr. Ce, grâce à ses nombreuses actions en faveur des jeunes et des femmes. Sa proximité avec la famille présidentielle, notamment la Première Dame, est un atout décisif pour l’ancien chef du bureau économique de l’ambassade du Sénégal à Washington. Bèye. Au cas où ni Abdoulaye Diouf Sarr ni Amadou Ba ne dirigerait la liste du pouvoir à Dakar, l’ « Américain » pourrait espérer sur le soutien de l’amie de son épouse Ndeye Codé Ndiaye, Marième Faye Sall pour ne pas la citer, pour porter le capitanat et espérer devenir le futur maire de Dakar. D’ailleurs de fortes pressions pèsent sur le patron du Port autonome de Dakar pour qu’il se déclare candidat à la mairie de Dakar, mais surtout pour la mairie de Derklé Castors. Il jouit en tout cas d’un capital-sympathie énorme qui lui faciliterait le soutien de Dakarois qui n’ont jamais fait de la politique. Surtout que Dakar-Plateau ou Dakar-ville manque d’un leadership fort pour le parti présidentiel. Aboubacar Sédikh Bèye est attendu les prochains jours pour annoncer publiquement sa candidature à la mairie de Dakar ou celle de la commune de Dieuppeul englobant son quartier de naissance Castors Derklé.

Mbaye Ndiaye, Cheikh Ahmet Tidiane Ba, Seydou Guèye, Abdou Karim Fofana parmi les outsiders…

Responsable de l’APR aux Parcelles assainies, le ministre d’Etat auprès du président de la République — et compagnon de la première heure de ce dernier — Mbaye Ndiaye croit dur comme fer que la mairie de cette localité lui est déjà acquise. Une commune qui ne serait pour lui qu’un tremplin pour gagner la mairie de Dakar. D’ailleurs, il n’a jamais caché ses ambitions pour diriger la liste de son parti dans la capitale lors des prochaines échéances locales. Il marque à la culotte son camarade parti et ancien collègue dans le gouvernement, Amadou Ba, qu’il ne manque pas de critiquer à chaque opportunité. Le moindre de ses reproches, c’est de le juger « illégitime » c’est-à-dire d’avoir rejoint Macky Sall après la victoire ! Malgré son souhait de devenir le prochain maire de Dakar, beaucoup pensent que les chances de l’ancien maire des Parcelles Assainies de conduire la liste de l’APR pour la ville de Dakar sont minimes dans la mesure où Abdoulaye Diouf Sarr, Amadou Ba, Aboubacar Sedikh Bèye et même Cheikh Ahmet Tidiane Ba sont mieux placés et leurs actions politiques et sociales au niveau du département de Dakar plus visibles et importantes. Parmi ceux qui peuvent légitimement prétendre diriger la liste de l’APR — ou, plutôt, de Benno Bokk Yaakar (BBY) — à Dakar, on peut citer l’actuel directeur général de la Caisse des dépôts et des consignations. Cheikh Ahmed Tidiane Ba dit CATB, président de la Cellule d’Appui au Triomphe du Benno (CATB comme les initiales de son nom) et devenu le chouchou de beaucoup de Médinois pourrait faire partie de ceux qui vont diriger la liste de l’APR à Dakar si les ténors sont écartés.

A défaut de diriger cette liste, il pourrait se lancer l’assaut de Bamba Fall pour lui prendre la commune de la Médina. Comme Amadou Ba, c’est un ancien directeur général des Impôts et Domaines même si, lui, n’a pas encore eu la chance d’entrer eu gouvernement. Même s’il n’a pas le même prestige politique, ni le même charisme encore moins les mêmes moyens financiers que les autres personnalités de l’APR à Dakar, Seydou Guèye aimerait bien, lui aussi, diriger la capitale. Mais, selon beaucoup d’interlocuteurs, faire de Seydou Guèye la tête de liste de l’APR à Dakar serait synonyme pour la majorité présidentielle de perdre avant même 18 heures les élections le 23 janvier prochain. Disons qu’il lui manque les moyens financiers, en tout cas la générosité, pour conquérir les habitants de son quartier de naissance, la Médina rejettent. Son leadership dans le département, n’en parlons même pas. Seydou Gueye est un homme qui n’est jamais en contact avec les populations, sauf lorsqu’il y a des rendez-vous électoraux, selon beaucoup. Pire, il serait un homme politique difficile d’accès. Toutes choses qui font que s’il arriverait qu’il soit propulsé tête de file de Benno lors des prochaines locales, les gens n’hésiteraient sans doute pas à voter pour l’opposition. L’ancien ministre de l’Urbanisme fait également partie des outsiders. Abdou Karim Fofana qui milite au Point E a entre temps pris des galons. D’ailleurs beaucoup expliquaient son départ de l’Urbanisme et de l’Habitat par le fait qu’il commençait à gagner du terrain au niveau de la capitale… Façon d’enjoliver les véritables raisons de son limogeage du Gouvernement !