La France, l’Algérie et les Etats-Unis ont ajouté mardi à la pression exercée par les Etats ouest-africains sur la junte malienne pour qu’elle se plie à l’exigence d’un retour rapide des civils au pouvoir

La junte, elle, tente de rallier les Maliens autour d’un discours patriotique et les appelle à manifester vendredi contre les sanctions infligées par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao).

La Cédéao a décrété dimanche la fermeture des frontières avec le Mali et un embargo commercial et financier, sanctionnant durement le projet de la junte de continuer à diriger le pays pendant plusieurs années.

L’effet de ces mesures de rétorsion sur la junte, mais aussi sur la population, ajoutent à l’incertitude des lendemains dans un pays au coeur de l’instabilité sahélienne, théâtre de deux putschs depuis 2020.

La France et les Etats-Unis, importants partenaires du Mali, ont pris le sillage de la Cédéao.Le président Emmanuel Macron a assuré que la France et l’Union européenne, dont son pays assure la présidence tournante, soutenaient la « position très claire et ferme » de la Cédéao face aux « dérives de la junte ».

Les Européens se préparent à renforcer à leur tour leurs sanctions, a-t-il dit.

Les Etats-Unis soutiennent également les sanctions ouest-africaines, a dit leur ambassadrice à l’ONU, Linda Thomas-Greenfield, lors d’une réunion du Conseil de sécurité.

Un délai de cinq années, comme l’ont demandé les colonels pour passer la main aux civils, « prolonge la douleur » des Maliens, plongés dans une profonde crise sécuritaire et politique depuis le déclenchement d’insurrections indépendantiste et jihadiste en 2012, a-t-elle dit.

– Appel à la raison –

Le voisin algérien, autre allié primordial, a encouragé les militaires maliens à « une attitude responsable et constructive ».Le président algérien Abdelmadjid Tebboune juge « raisonnable et justifiable une période de transition d’une durée ferme de douze à seize mois », ont dit ses services dans un communiqué.

Les autorités maliennes font, elles, assaut de pugnacité depuis dimanche et se drapent dans la défense de la patrie et de sa souveraineté, autour desquelles elles exhortent au ralliement.

« L’heure est au rassemblement de tous les Maliens sans exclusive pour réaffirmer nos positions de principe et défendre notre patrie », a déclaré lundi soir dans un discours à la Nation le colonel Assimi Goïta, porté à la tête du Mali par un premier coup d’Etat en août 2020 et intronisé président « de la transition » à la suite d’un second en mai 2021.

Le gouvernement installé par les militaires a pour sa part appelé dans un communiqué à la « mobilisation générale » sur tout le territoire vendredi.

Le colonel Goïta et le gouvernement ont à nouveau fustigé les décisions de la Cédéao, au « caractère illégitime, illégal et inhumain » selon le premier.

L’embargo imposé par la Cédéao, hors produits de première nécessité, suscite la crainte de l’inflation et de la pénurie dans un pays pauvre et enclavé, éprouvé par les violences de toutes sortes et la pandémie de Covid-19.

Les sanctions de la Cédéao ont suscité sur les réseaux sociaux de vives expressions de nationalisme ombrageux et d’hostilité contre la Cédéao.

Le gouvernement a accusé la Cédéao de s’être laissée « instrumentaliser par des puissances extra-régionales », référence claire à certains partenaires internationaux aux premiers rangs desquels la France, engagée militairement au Sahel mais avec laquelle les relations se sont sérieusement dégradées depuis 2020.

– « Plan de riposte » –

Jusqu’à mardi, très peu de voix significatives s’étaient élevées, au Mali même, pour critiquer la junte.

Une coalition de partis maliens, le Cadre d’échange, a rompu cette réserve en faisant porter à la junte « la seule et l’unique responsabilité » des sanctions.

Epreuve de force passagère ou durable, les intentions de la junte sont inconnues.

« Le Mali reste ouvert au dialogue avec la Cédéao pour trouver un consensus », a déclaré le colonel Goïta.

Mais ni lui ni le gouvernement n’ont pour le moment offert de perspective de sortie de crise.Le gouvernement a au contraire dit son intention d’élaborer « un plan de riposte ».

Les colonels s’étaient engagés en 2020 à rendre les commandes aux civils au bout de 18 mois.Ils disent à présent ne pas être en mesure de respecter l’échéance prévue du 27 février 2022 pour organiser des élections.

Ils invoquent l’insécurité persistante dans le pays et la nécessité de réformes préalables pour que les élections ne souffrent pas de contestations, à l’instar des précédentes.