Il vaut mieux être seul que mal accompagné. Le PDS l’a peut-être compris en prenant ses distances avec la nouvelle coalition électorale de l’opposition. Mais que vaut aujourd’hui la formation libérale sur l’échiquier politique national ?
Deuxième à toutes les élections auxquelles il a participé depuis 2012, le Parti démocratique sénégalais a décidé de faire confiance à sa machine électorale, plutôt que de cheminer avec certaines composantes de Yewwi Askan Wi. Retour sur une dispersion qui n’a pas encore révélé tous ses secrets.
Il vaut mieux être seul que mal accompagné. Le Parti démocratique sénégalais (PDS) l’a peut-être compris, en prenant ses distances avec le Pastef, Taxawu Senegaal, le Pur et les autres partis membres de la nouvelle coalition électorale Yewwi Askan Wi. Lesquels partagent presque une même trajectoire, différente de la sienne depuis la période des Assises nationales. Et il suffisait d’écouter certains responsables proches desdites formations, pour se rendre compte du caractère incestueux de cette union multicolore, très hétérogène.
Pour le journaliste, analyste politique Pathé Mbodj, il n’y a aucune surprise. Il raconte : ‘’Les choses ne sont pas trop compliquées, dans cette affaire. Il y a trois grands qui étaient en train de négocier. A un certain moment, ils entendent qu’il y a un quatrième. Après, sans en informé le PDS, ils ont envoyé la charte fondamentale à Pape Diop et à Decroix. Le PDS leur a alors dit que ce n’est pas ce qui était convenu. Il y a un vrai problème de sérieux et de confiance qui s’est posé. Ce qui a amené le PDS à claquer la porte. Il leur a dit qu’il ne peut pas être dans une entité où on prend des décisions à son insu et où les règles de base sont violées au fur et à mesure. C’est aussi simple que ça.’’
Selon l’analyste politique, Sonko et Khalifa n’auraient pas joué franc jeu dans ce dossier. Il déclare : ‘’Je crois que Sonko et Khalifa ont un agenda qui n’est pas celui du PDS. Cela a causé des problèmes. Abdoul Mbaye l’a d’ailleurs brossé. Il y a des choses cachées qui font qu’ils ne peuvent pas rejoindre la coalition. C’est cela le véritable problème, à mon avis. Ils ont voulu noyer le PDS dans un conglomérat de petits partis sans signification. Le PDS ne peut pas l’accepter.’’ Et d’ajouter : ‘’Le PDS, diongoma la boo khamni niepeu ko sokhla. Cela résume tout. Comme disait l’autre, la Guinée est une belle femme. On lui fait l’amour, on ne lui fait pas la guerre. Le PDS est aussi une belle femme, désirée et désirable. Personne ne cracherait sur un soutien de Wade. Comme le disait Abdoul Mbaye en 2014, si Wade n’était pas là, ç’aurait été pire. C’est toujours une réalité.’’
Tout en s’acoquinant avec la machine libérale, certains tentaient de fuir comme la peste son leader de fait, Karim Wade. Proche du président du Pastef, Mody Niang l’exprimait en des termes on ne peut plus clairs sur Seneweb. ‘’C’est sûr que si Ousmane Sonko s’affiche avec Karim Wade, cela va le nuire. Mais dans cette coalition, il ne s’agit pas de Karim Wade, c’est le PDS et ses responsables à la base. Karim Wade n’a rien à voir ici. Mais les gens ont fait exprès de les mettre ensemble dans une photo. Je suis sûr que cela vient de la majorité et de certains membres de l’opposition qui n’ont pas intérêt à ce que ces entités soient unies. Ceux qui l’ont fait ont juste voulu porter préjudice à Sonko et c’est réussi… J’espère qu’il va sortir pour clarifier les choses’’, clamait-il.
La dislocation n’avait pas encore lieu. A entendre le détracteur des Wade, proche du leader du Pastef, il n’est pas interdit de s’allier avec le PDS pour remporter les élections locales. Ce qu’il faut éviter, c’est une quelconque fréquentation de Karim Wade. ‘’J’ai reçu tellement de messages venant surtout de la diaspora, pour me demander que fait Sonko avec Karim Wade. Encore une fois, les gens doivent savoir qu’il s’agit d’élections locales. Karim Wade n’a rien à voir avec ça. Mais le seul fait de les mettre ensemble dans une photo, c’est un problème. Mais c’est l’œuvre des adversaires’’, s’est-il répété, non sans reconnaitre que l’unité de l’opposition est une nécessité pour aller aux Locales et empêcher à la majorité de réaliser ses projets.
Cela augurait déjà des difficultés pour les ‘’4 grands’’ à se mettre ensemble. Finalement, pour ne pas subir la loi des autres, le PDS décide de baliser sa propre voie.
Aller aux locales avec qui ?
Mais, s’empressent de préciser certaines sources, il n’est pas question d’aller seul aux Locales. La question qui se pose est alors de savoir avec qui le parti de Maitre Abdoulaye Wade compte aller aux prochaines joutes électorales ? Selon nos interlocuteurs, des négociations très avancées sont en cours et sous peu, les Sénégalais vont être informés des tenants et aboutissants.
En attendant, ils refusent d’en fournir plus de détails. ‘’La seule chose que je peux vous dire, c’est que le parti n’ira pas seul aux élections. Bientôt, on fera une communication officielle pour exprimer notre position et notre stratégie. A partir de là, nous pourrons commenter’’, précise un de nos interlocuteurs. Tout au plus, il se borne à révéler qu’une réunion a été tenue à cet effet, récemment, et d’importantes décisions, qu’il ne veut pas dévoiler, ont été prises.
A en croire le docteur en communication et analyste politique Moussa Diop, c’est méconnaitre le PDS que de croire qu’il peut se laisser noyer dans une coalition. Il déclare : ‘’Le PDS a une longue trajectoire politique et son identité est fortement liée à l’histoire politique du Sénégal. Dès lors, il ne peut pas se fondre très facilement dans une coalition, comme s’il était un parti banal. Il ne faut pas oublier que, pour le parti, l’enjeu fondamental se situe en 2024, la candidature de Karim Wade, la succession du président Macky Sall. N’oublions pas le vœu de Wade : un Sénégal gouverné par les libéraux jusqu’en 2035 !’’.
Quoi qu’il en soit, la séparation ne sera pas sans conséquence pour les uns et pour les autres. En effet, même s’il a été abandonné par un bon nombre de ses responsables à la base, le parti a pu conserver un bon vivier électoral qui lui a garanti une 2e place à toutes les élections auxquelles il a participé, depuis la perte du pouvoir en 2012.
D’abord, aux Législatives la même année, avec un score de 298 846 sur 1 968 852 votants, soit 15,23 % des voix pour 12 députés. Ensuite, cinq ans plus tard, aux Législatives de 2017, le parti libéral et ses alliés grimpaient à 552 095 voix sur un total de 3 337 494 votants. En valeur relative, cela fait à peu près le même score qu’en 2012, plus exactement 16,67 %, pour un total de 19 députés.
La différence entre ces deux élections, c’est que si le PDS est parti presque seul, sous sa propre bannière en 2012, il était, en 2019, dans le cadre de la Coalition Gagnante Wattu Senegaal avec notamment Bokk Gis Gis, Tekki, AJ de Mamadou Diop Decroix, pour ne citer que ceux-là. Tous les ‘’grands’’ partis de l’opposition ayant préféré cheminer avec Khalifa Sall.
Malgré cette faiblesse et les départs en cascade, les libéraux ont su jusque-là conserver une certaine constance dans leurs performances électorales. Doyen Pathé Mbodj : ‘’Le PDS est venu aux négociations en mettant sur la table les 117 collectivités remportées en 2014. C’est vrai que certains responsables sont partis, mais ceux qui les ont élus sont encore là. La posture du PDS consiste donc à montrer que c’est un parti qui compte et qui a les moyens d’aller aux élections avec ou sans les autres. Quelle que soit alpha, sa position sera décisive.’’
Le Dr Diop insiste : ‘’Je pense qu’il n’y a pas de mal ou de pertes pour le PDS à ne pas s’arrimer à Yewwi Askan Wi. Dans tous les cas, si les objectifs et les intérêts convergent, ils pourront toujours se retrouver. Sinon, le PDS va prendre part à une autre coalition.’’
Tout va se jouer à la base
Pour parler d’élections locales, en 2014, le PDS avait remporté plus de 110 collectivités territoriales. A l’époque, la doctrine était claire. Il était alors fortement recommandé d’organiser les investitures sur la base des critères fondés sur la représentativité, l’engagement militant et l’ouverture par rapport aux organisations et partis alliés. Dans cette optique, informait le Comité directeur, ‘’le PDS sera présent dans toutes les collectivités locales du Sénégal. Dans toutes les collectivités où des partis de la coalition Booloo Taxawu Askan Wi sont présents, le PDS a pris l’option stratégique d’aller ensemble avec eux aux prochaines élections locales (2014). Et pour cela, des discussions doivent être entamées dès à présent et les comités électoraux élargis à leurs représentants’’.
Dans les localités où des partis de l’opposition ou non-alignés autres que ceux de Booloo Taxawu Askan Wi étaient présents, la directive était de confectionner avec ces derniers des listes gagnantes tout en tenant compte de la représentativité de chacun.
Si le même schéma est reconduit, il ne faudra pas s’étonner de voir des représentants du PDS accompagner des responsables de Yewwi Askan Wi. Par exemple, dans des zones comme Ziguinchor et Dakar, il est fort probable de voir les différentes parties taire leurs querelles pour faire face à la majorité. Bien que n’appartenant pas à une même coalition.
Quoique mis à rude épreuve, le trio PDS, Pastef, Taxawu suscitait de l’espoir, selon le doyen Pathé Mbodj. Qui les caractérise en ces termes : ‘’C’est quelqu’un qui maitrise Dakar, quelqu’un qui est sur la montante et quelqu’un qui a un bassin resté constant depuis 1978.’’
Mais que vaut aujourd’hui, le Parti démocratique sénégalais sur l’échiquier politique national ? Absent de la dernière Présidentielle, il est très difficile de faire une évaluation. Ce qui est certain, c’est qu’entre 2017, date de sa dernière élection, et maintenant, des figures importantes du parti ont quitté la barque. Si la représentativité de certains d’entre eux est sujet à controverse, d’autres ont une base incontestable. Il en est ainsi de l’ancien coordonnateur adjoint du parti, Oumar Sarr.
Aussi, pour beaucoup d’observateurs, le PDS avait intérêt à être dans une grande coalition pour conserver au moins certaines des localités sous son contrôle. Toutefois, le parti peut se consoler avec l’actuelle configuration de bâtir une coalition qui va s’articuler autour de sa machine électorale, une coalition où il sera l’alpha et l’oméga.