Partis de Dakar le 16 février dernier, 18 Sénégalais panafricanistes ont marché 1360 km pour arriver à Bamako. Une arrivée après 40 jours de marche célébrée par des Maliens avec des chants.

Pour ces Sénégalais, c’est une manière de soutenir le peuple malien qui subit actuellement les lourdes sanctions de la Cedeao et de l’Uemoa.

Ils ont été reçus par le président malien Assimi Goïta et son Premier ministre Choguel Maïga ; et déclarés citoyens d’honneur du Mali.

Dans une déclaration lue à la mythique place de l’Indépendance à Bamako, l’activiste Dj Keeman a affirmé que « cette décision de faire, à la sueur de leur front, la jonction entre le Sénégal et le Mali était une puissante manifestation de leur idéal panafricaniste ».

In extenso sa déclaration

CHER PEUPLE AFRICAIN DU MALI
MONSIEUR ASSIMI GOITA PRESIDENT DE LA TRANSITION
Monsieur le Ministre de la Jeunesse et de la Construction Citoyenne;
-Mesdames, Messieurs les Ministres ;
-Mesdames, Messieurs les responsables de la commission Nationale d’accueil ;
-Mesdames, Messieurs les représentants des organisations ;
-Madame le Maire de la Commune III du District de Bamako
-Monsieur le Président du Conseil National de la Jeunesse du Mali
-Mesdames et Messieurs les chefs de services ;
-Mesdames et Messieurs les délégués régionaux de l’organisation;
_ Mesdames, Mesdemoiselles et messieurs les journalistes
-Honorables invités, Mesdames et Messieurs.
-Chers jeunes du Mali et d’Afrique;
Le 16 février 2022, un groupe de jeunes Africains, constitué de femmes et d’hommes, à pris la décision historique de couvrir à pied les 1362 kilomètres séparant Dakar de Bamako. Cette décision de faire, à la sueur de leur front, la jonction entre le Sénégal et le Mali était une puissante manifestation de leur idéal panafricaniste. L’initiative ne paraîtra saugrenue qu’à ceux qui ignorent à quel point ces deux pays sont liés par l’histoire et la géographie. Bien qu’étant deux états distincts, le Mali et le Sénégal sont un seul et même peuple et descendent des mêmes Ancêtres. Du reste, au-delà du voisinage immédiat, nous aurions pu remonter des siècles, voire des millénaires en arrière, pour nous émerveiller de l’immense apport négro-africain à l’humanité. Mais ce qui nous importe aujourd’hui, c’est de rappeler qu’une fois les premières civilisations fondées par les Nègres d’Afrique, la dispersion a eu lieu dans le reste du continent et que se sont formés peu à peu les premiers empires dont celui du Mali. Ces empires avaient su être puissants sans être injustement guerriers, en quoi ils étaient l’expression achevée de l’idéal de paix et de justice de la Maat.
Comme le démontre Aimé Césaire dans Discours sur le colonialisme, l’infâme commerce triangulaire et, plus tard, la conquête coloniale, sont venus bouleverser nos sociétés en y instaurant le règne de la terreur ainsi que de nouvelles logiques de survie individuelle fondées sur le larbinisme, la cupidité et la haine de soi.

Nous le savons tous, cette funeste entreprise ne pouvait réussir sans une falsification éhontée de l’Histoire. L’Europe ne s’en est pas privée au point de faire disparaître chez beaucoup d’Africains le sens, pourtant inné chez l’être humain, de la liberté. Celui qui est trop longtemps maintenu dans les fers finit par ressembler à cet esclave du XIXème siècle dont parlait Cheikh Anta Diop lors de sa fameuse conférence de Niamey: libéré, il va jusqu’au pas de la porte de son maître puis revient à la maison, puisqu’après tant d’années de servitude, il ne sait plus décider par lui-même, il ne sait même plus où aller…

C’est cet esclave que nous ne voulons plus être. L’heure de la libération du peuple africain et de l’Afrique a sonné. L’Afrique veut être libre, mentalement, politiquement, économiquement et spirituellement. Et son émancipation ne saurait en aucune façon se négocier. Notre présence ce jour parmi nos sœurs et nos frères en terre africaine du Mali signifie que pour nous la résistance doit d’abord être culturelle. C’est pour cela que l’illustre Cheikh Anta Diop lançait à la jeunesse africaine :  »Formez-vous. Armez-vous de science jusqu’aux dents et arrachez votre patrimoine culturel. » On oublie souvent que dans le même discours, il a fait avec insistance l’éloge de ce qu’il appelait « la connaissance directe ». Cela veut dire que, sans délégitimer le travail de laboratoire, il attachait le plus grand prix à l’action concrète sur le terrain des luttes populaires.

Et aujourd’hui en Afrique, singulièrement dans l’ex-empire colonial, quel champ de bataille peut être plus important et riche en symboles que le Mali ? Aucun, assurément. Voilà pourquoi, jeunes panafricanistes et fiers de l’être, nous sommes venus témoigner de manière pratique notre solidarité au peuple frère malien en lutte, sous la direction du Président Assimi Goita, pour sa deuxième et authentique indépendance. À travers nos modestes personnes, toute l’Afrique vous salue car elle a bien conscience que votre cause est celle de tout un continent. Nous avons marché jusqu’ici pour écrire avec nos sandales, sur les sables brûlants du Sahel, notre foi inébranlable en l’unité politique africaine. Nous avons marché pour servir la cause de l’intégration économique africaine. Il était temps de dire non, par des actes significatifs, aux frontières insensées qui ont dépecé l’Afrique à Berlin au XIXème siècle et laissent son corps aujourd’hui encore parcouru de vilaines cicatrices.

Par ses sanctions injustes et même criminelles, la CEDEAO entendait isoler votre pays. De jeunes Africains partis du Sénégal ont bravé les intempéries pour briser cet encerclement. Nous arrivons d’ailleurs chez vous à l’heure même où le Mali fête son éclatante victoire sur les chefs d’Etats africains larbins de Macron. En effet, si l’UEMOA a suspendu les sanctions, c’est que les ennemis de votre peuple cherchent à sortir de l’impasse sans perdre la face. Le pays qu’ils voulaient mettre à genoux est debout et plus fier que jamais et ils réfléchiront désormais plus sérieusement avant de prendre des décisions aussi inefficaces que stupides.

Nous voici parmi vous pour exiger avec force la levée immédiate et sans conditions des sanctions de la CEDEAO contre le Mali. Nous exigeons aussi qu’il soit mis fin au blocus qui frappe si durement les populations de l’Afrique de l’Ouest et ralentissent, plus largement, le processus de développement économique de l’Afrique tout entière.
Cher peuple malien, chaque année nous organisons une marche internationale entre Dakar, capitale du Sénégal et Thieytou le village natal de Cheikh Anta Diop où il repose depuis le 7 février 1986. C’est peut-être le Maître qui nous a soufflé à l’oreille : « Mes enfants, je ne serai vraiment en paix que si vous prouvez au monde par des gestes de haute portée politique et émotionnelle, que vous considérez toute l’Afrique comme votre patrie ! Chaque fois qu’un pays de notre bien-aimé continent aura besoin de vous sentir à ses côtés, sachez répondre présents ! » On ne saurait imaginer plus noble signification pour notre rencontre de ce mardi 29 mars 2022 qui restera, à n’en pas douter, dans les mémoires.

C’est avec émotion que nous vous adressons nos sincères remerciements pour l’accueil chaleureux qui nous a été réservé le long du trajet. Notre périple a été rythmé, d’étape en étape, par des témoignages de fraternité. Cela nous a fait chaud au cœur de voir nos deux peuples déjouer ensemble les complots visant à déstabiliser le Mali pour mieux le livrer, affaibli et appauvri, à notre ennemi commun.
Nous ne permettrons jamais que cela arrive et la Marche Dakar-Bamako déclare être prête à soutenir tout pays africain agressé injustement .Nous sommes désormais les marcheurs de l’unité africaine/héritiers de Cheick Anta
Vive le Mali en marche!
Vive le Sénégal en marche!
Vive l’Afrique en marche !
Vive l’avenir !