Il faut sauver la nation sénégalaise à tout prix. Elle en a besoin. Elle est à un moment critique de son histoire, tout ce qui brille n’est pas de l’or. La révolution brille mais ce n’est pas de l’or.
C’est une vulgaire pierre, de la camelote, du toc ; les gens aiment indexer le système, ils aiment les ruptures, mais où sont les révolutionnaires que nous admirons et leur projet ? Un parti appelé Pastef au Sénégal a émergé et me replonge dans le passé de l’Afrique, dans le passé de mon propre pays. Il me rappelle le parti de la révolution populaire de Thomas SANKARA (PRP) : c’était le même enthousiasme, la même mobilisation, les mêmes rêves et puis finalement une fois au pouvoir…. des désastres, des échecs, des déceptions, des pleurs, une montagne qui accouche d’une souris. En Syrie, Lybie, au Yémen les révolutionnaires ont refait le coup : séduire puis des guerres civiles prolongées, des instabilités politiques, des migrations de populations pour fuir le chaos. Pourtant, il parait que c’était la volonté du peuple de tout changer, mais le peuple parfois ne sait pas ce qu’il doit vouloir, ce qui est bon pour lui et comment l’obtenir.
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C’est le peuple qui a élu Hitler n’est-ce pas ? Nous admirons tous Sékou TOURE mais quel a été son bilan ? A cause de ses politiques radicales : un isolement diplomatique et économique et des difficultés pour attirer l’argent extérieur, ce qui a limité les possibilités de développement en Guinée puis une crise sans fin.
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Nous admirons tous Thomas SANKARA mais quel est son bilan ? A cause de ses politiques radicales : esseulement diplomatique du Burkina et des difficultés pour obtenir des soutiens extérieurs, ce qui a limité sérieusement les possibilités de développement de mon cher pays.
C’est le même refrain. Nous admirons Thomas SANKARA et on l’admire d’ailleurs toujours, mais hélas l’admiration ne se mange pas. Les révolutionnaires ont tous de grandes ambitions mais elles sont tout sauf réalistes, c’est ce qui conduit à leurs échecs. Le système ce n’est pas le gouvernement seulement, c’est la société elle-même et ce n’est pas un seul homme et sa cohorte qui peuvent changer une société, une société se change elle-même. Je n’ai pas dit que les révolutionnaires ne sont pas bons. Les radicaux sont indispensables à une Nation. Ils y ont leur place, ils ramènent l’équilibre, ils rappellent à l’ordre, ils sont des alertes, des contrepouvoirs pour les gouvernements qui oublient parfois leur peuple.
Mais ces partis, ces courants radicaux, j’ai compris par la suite, qu’ils doivent se limiter à des alertes, à la sensibilisation, à la conscientisation, car une fois qu’ils sont au pouvoir, le radicalisme ne marche plus. Que devient le Mali en chassant la France ? On nourrit la fierté des Maliens mais ce n’est pas cela qui nourrit l’économie, il faut que nous soyons plus intelligents que cela. Il faut sauver la Nation sénégalaise avant qu’elle ne soit sur le chemin, que dis-je, l’impasse du Burkina, du Mali, de la Guinée. Les radicaux ne réussissent que rarement une fois au pouvoir. Je l’ai vu ailleurs, je l’ai vécu dans mon pays, on me l’a raconté de source sûre. Ils ont leur rôle dans la sphère politique, ils représentent challengers aux partis classiques, les ramènent dans le droit chemin s’ils s’en écartent, mais ce sont ces derniers qui assurent la durabilité d’une Nation dans le temps. Mais le radicalisme politique en tant que tel est un feu de paille, il n’éclaire qu’un instant et le reste du temps il consume. Le Pastef, si je peux me permettre, doit être une lumière qui éclair, s’arrêter à éclairer le chemin des gouvernements s’ils oublient les pauvres, les jeunes tapis dans l’ombre, mais il peut être un feu brûlant qui embrase si on veut lui donner plus.
J’ai dansé plusieurs fois sous la musique de l’orchestre Antonio, du Volta Jazz, sous le son du goumbé, dans les bars de Ouagadougou, tellement nous admirons SANKARA et on l’admire toujours d’ailleurs, mais l’admiration ne se mange pas. Si vous pensez que le Pastef peut faire davantage qu’éclairer que challenger c’est que vous n’avez rien vu de ce que nous avons vécu au Burkina et de ceux que les Guinéens ont vécu en Guinée. Nous pensions tous que ce qui est arrivé aux autres ne nous arriveraient pas, qu’on était différent, jusqu’à ce qu’on regrette. La révolution, la rupture contre le système c’est ce qui est arrivé en Tunisie, en Egypte, on jubilait partout, on fêtait la victoire de la révolution, on chantait le printemps arabe. Mais aujourd’hui, ils ne peuvent plus chanter, l’hiver du désenchantement a refroidi leurs gorges. Il faut sauver la Nation sénégalaise, nous qui avons suivi la tentation des partis radicaux comme le PRP de SANKARA nous le regrettons aujourd’hui, même si on l’admire, ils étaient si tentants mais leurs fruits sont si amers une fois au pouvoir, nous avons encore aujourd’hui du poison dans le ventre.
Lassane EDRAOGO
Citoyen burkinabé 79 ans,
amoureux du Sénégal.