Les joutes verbales, les conflits qui ont souvent mis en dualité les chanteurs Wally Seck et Sidy Diop, cachent une tout autre réalité. Une stratégie Marketing bien huilée qui se tisse dans les coulisses de l’industrie musicale.

C’est un duel de jeunes loups… Une guérilla entretenue par une escadre de brand managers aux dents longues, passés maîtres dans l’art de la provocation. Leur stratégie, monter en épingle l’illusion d’une rivalité entre deux artistes. Grâce à cette manœuvre, Wally Ballago Seck et Sidy Diop, des chanteurs au leadership confirmé, ont quelque peu réussi à se frayer un chemin sur l’échiquier musical. Entre piques acerbes, soif de reconnaissance, coups fourrés, ils ont exacerbé leur dualité qui n’en est pas vraiment une. Et le dernier acte de cette polémique a été posé avant-hier, avec la sortie d’EP (Extended Play) par les deux troubadours, à quelques heures près…

 

Joutes musicales

 

Il y a quelques semaines, le jeune Faramarène annonçait en grande pompe qu’il allait reprendre une des chansons du roi du Mbalakh. Chose promise, chose due, il met à exécution son projet et le matérialise par la sortie du tube «Boul ko tek misère», à travers un album de quatre morceaux, intitulé «Xippil khol». Un titre qui signifie textuellement, «Ouvre les yeux et regarde». Il n’en a pas fallu plus à celui que l’on surnomme le Golden boy pour qu’il mette à son tour sur le marché un autre opus. Même concept, même format, mieux, il y reprend la même chanson de Youssou Ndour, mixée à celle de Thione Seck, «Marodi». Un medley qui laisserait penser que les deux artistes se sont concertés avant de livrer au public leurs produits ou que l’un d’eux aurait copié l’autre. Ou serait-ce une pure coïncidence ? Plus surprenant encore, dans l’album de Wally Seck, figure également une reprise de la chanson «Marodi» de son pater. Et pour couronner le tout, Sidy Diop a nommé sa production «Guiss na». Traduit, cela donne : «J’ai vu». Une boutade comme pour répondre à l’exhortation de Wally Seck. Rien n’est moins sûr !

 

Jeu de dupes

 

En revanche, ce qui est constant, c’est qu’ils n’en sont pas à leurs premières joutes et ils n’en resteront certainement pas là. Avant celle-ci, il y a eu l’épisode des soirées aux Almadies. Wally Seck avait été le premier à faire l’annonce de son show et Sidy Diop avait saisi la balle au rebond pour, lui aussi, faire le lancement du sien. Seulement, ce dernier n’a pas hésité à lui déclarer la guerre par les mots. Pour jeter de l’huile sur le feu, il est allé jusqu’à faire des vidéos et des affiches où les images de son «rival» apparaissaient en bonne place. Un jeu de dupes à laquelle, il semble se livrer pour tirer profit de l’aura de Wally Seck et se mettre en lumière. D’ailleurs, la presse people «embarquée» dans cette soi-disant rivalité, s’amuse souvent à comparer et à mettre en concurrence les deux chanteurs qui ont pratiquement le même univers musical. De l’avis de beaucoup de spécialistes du milieu artistique, ce n’est ni plus ni moins qu’une tactique bien rôdée du camp de Sidy Diop qui a compris que, la musique marche aussi à coup de Marketing et de publicités en tout genre.

 

«Sans concurrence, pas de business»

 

C’est donc tout bénéf’ pour leur poulain de vouloir s’accrocher aux basques du prince des Faramarènes, d’autant plus que c’est son aîné dans le domaine. Selon Jules Faye, Directeur général du label Soubatel Music qui produit Sidy, «il n’y a pas de mal à ce qu’il envie Wally Seck, car c’est son grand frère. La concurrence est inévitable dans le milieu. Sans, il n’y a pas de business. C’est la musique sénégalaise qui y gagne.» Il avait, d’ailleurs à ses débuts, partagé des scènes avec lui. A plusieurs reprises, ils se sont affichés en mode «frères artistes». Comme quoi, au jeu du «je t’aime, moi non plus», il n’y a qu’un seul pas à franchir. D’amis, ils sont passés à «ennemis», embrouillés  par les «vices» de l’industrie musicale. «Ils ont pris chacun sa propre voie aujourd’hui et c’est le cours normal de la vie. Cela ne veut pas pour autant dire qu’ils se regardent en chiens de faïence. Ce sont plutôt les fans qui entretiennent ce genre de controverses», relativise M. Faye. Poursuivant ses propos, il révèle que l’histoire des EP est un hasard. «C’est le Pdg Matar Diop qui a eu l’idée du projet et nous avons choisi la date. Il y a eu un travail professionnel en amont. Nous n’avons aucune taupe au sein de l’entourage de Wally Seck, ce sont tout juste des supputations», assure-t-il.

 

Du côté du Raam Daan, on ne tient pas à alimenter le débat. Ndiaga Euro, Manager du chanteur, se veut clair : «On n’en parlera pas. Nous poursuivons notre bonhomme de chemin, sans causer du tort à qui que ce soit.» Le mot est lâché… A tort ou à raison ?

 

Les précédents Pape Diouf et Youssou Ndour

 

Une certitude demeure, Wally Seck a été, par le passé, à la place de Sidy Diop. Il s’était alors servi de la notoriété de Pape Diouf qui faisait office de numéro 2 dans le Mbalakh, pour gravir les échelons. Entre eux, une rude concurrence s’était installée. De là à créer une vive polémique et une animosité sur les réseaux sociaux ! Leurs sympathisants s’en sont donnés à cœur joie. Après avoir pris l’ascendant sur le leader de la Génération consciente, Wally s’est par la suite attaqué à plus grand. La star planétaire Youssou Ndour a aussi été sa cible. Au-delà du fait de vouloir se mesurer à lui sur la scène musicale sénégalaise, il a osé l’affronter à l’international. Les péripéties de son spectacle à l’ex Bercy, devenu Accor Hôtel Arena, sont encore fraiches dans les mémoires. Un pari osé dans cette mythique au cœur de Paris, qui a abrité de nombreux succès du patron du Super Etoile. Et qui a servi de tremplin au jeune Faramarène pour faire un pied de nez à son «papa» You. L’histoire retiendra !

 

SIDY MBAYE, CONSERVATEUR DU PATRIMOINE CULTUREL : «C’est celui qui est en bas de l’échelle qui y gagne»

 

Homme de culture, Sidy Mbaye en connaît en rayon sur le sujet, particulièrement sur l’activité managériale dans le milieu musical au Sénégal. Thème sur lequel portait son mémoire en Licence à l’Ecole nationale des Arts où il a fait ses armes. Employé à la Direction du patrimoine culturel, il analyse ici la stratégie Marketing derrière la dualité entre artistes… 

 

«La stratégie de Sidy Diop peut marcher dans le sens où, c’est Wally Seck qui a le dessus sur lui. Ce dernier a lui-même, par le passé, usé de la même stratégie contre Youssou Ndour. On sait tous que Wally n’a pas accompli le tiers de ce que Youssou Ndour a fait sur le plan musical. Aujourd’hui, cet argument peut également être opposé à Sidy Diop. Toujours est-il que dans ces cas de figures où l’on essaie par tous les moyens de se mesurer à plus grand que soi, au point d’entretenir un semblant de rivalité, c’est celui qui est en bas de l’échelle qui y gagne. En usant de cette manœuvre, certains artistes parviennent à entraîner le public dans cette illusion. Les fans en viennent à comparer des artistes qui, en réalité, ne boxent pas dans la même catégorie. Même si cela peut s’avérer fructueux pour celui qui cherche à s’adosser sur le succès de son confrère pour se mettre en lumière, cette méthode ne sera efficace que pour un laps de temps. Pis, c’est la musique sénégalaise qui va en pâtir. A cause de ce genre de pratiques, elle s’appauvrit de plus en plus. Au regard de ce qui s’est passé entre Wally Seck et Sidy Diop, depuis trois jours, un débat stérile s’est posé. Il y a beaucoup d’amalgames. Les sorties de leurs projets ont été banalisées. Plutôt que s’interroger sur la qualité des produits, on s’est focalisé sur qui a copié l’idée de l’autre. La polémique est là et elle va peut-être s’étendre encore, avec des feuilletons et des rebondissements. Forcément, ça arrange Sidy Diop. Mais lorsqu’on analyse la qualité des chansons qui sont à l’origine de la tension, il ressort nettement que celle de Wally Seck a été mieux préparée. Toutefois, Sidy Diop a réussi son coup en banalisant le morceau de Wally. C’est comme s’il le tirait vers le bas, en lui mettant des bâtons dans les roues. Maintenant, la question qu’on peut aussi se poser est : au-delà de cette controverse, qu’est-ce que cela lui apporte ?»