Il convient de se libérer de l’influence occidentale qui pèse sur la vie intellectuelle africaine, non pas nécessairement pour voguer vers des cieux asiatiques, mais pour penser par nous-mêmes, en fonction de nos aspirations

Le Sommet de Copenhague sur la démocratie a eu lieu les 9 et 10 juin dernier. Il s’est tenu dans le contexte d’une guerre russo-ukrainienne qui, parmi d’autres évènements, accentue les lignes de fracture au sein de la communauté des nations. Comme à l’époque de la guerre froide, l’affrontement est présenté comme fondamentalement idéologique. D’un côté, il est question, nous dit-on, d’un corps-à-corps entre « démocraties » et « autocraties » ; de l’autre, d’une croisade contre l’impérialisme occidental et en faveur de la souveraineté des peuples.

Ces débats peuvent paraître éloignés des préoccupations des pays africains, pourtant ils les concernent directement. Après tout, la vague de putschs qui a balayé des gouvernements d’Afrique centrale et de l’Ouest ces derniers mois a remis au goût du jour le sempiternel débat sur l’enjeu de la gouvernance. Par ailleurs, des manifestations antifrançaises continuent d’avoir lieu dans divers pays africains pour réclamer le respect, par la France, de la souveraineté des peuples d’Afrique.

Égalité, liberté d’expression, élections transparentes

La question reste donc posée à chaque Africain concernant le type de régime politique qui sied le mieux aux intérêts du continent. Il se trouve qu’elle a été soumise récemment à de nombreux jeunes (âgés de 18 à 24 ans) par la fondation sud-africaine Ichikowitz, dans une étude menée à travers une quinzaine de pays. Selon les résultats, 53 % des sondés estiment que « la démocratie à l’occidentale ne convient pas au contexte africain. Les pays devront [donc] concevoir leurs propres systèmes et institutions démocratiques pour se développer ». Pour 39 % des sondés, en revanche, la réplique du modèle démocratique occidental est la voie du salut. Près de 74 % des jeunes gens interrogés s’accordent néanmoins sur l’idée que « la démocratie est préférable à toute autre forme de gouvernement et devrait être recherchée ».

À quoi pourrait ressembler ce système politique dont le visage devrait être différent du modèle occidental sans pour autant trop s’en éloigner ? Difficile à dire. Mais peut-être le fait que la création d’emplois bien rémunérés soit « la priorité principale » pour ces jeunes, qu’en outre ils considèrent l’égalité des citoyens devant la loi, la liberté d’expression et les élections « libres et transparentes » comme « les piliers les plus importants de la démocratie », permet-il d’y voir clair. En fait, pas vraiment. Après tout, les piliers mentionnés constituent le socle des démocraties libérales occidentales. À quoi on peut objecter que les exemples abondent de régimes rompus aux élections « libres et transparentes » qui produisent des pouvoirs incapables de réduire le chômage et de créer des emplois à la mesure des besoins de leur économie ; à l’inverse, certains régimes peu convaincus des vertus de la démocratie élective s’avèrent redoutablement efficaces.

Les Chinois satisfaits de leur gouvernement

Les résultats de l’Indice de perception de la démocratie 2022 (IPD) – présentée comme « l’étude la plus exhaustive sur la démocratie au niveau mondial », même si elle réussit l’exploit d’ignorer l’Afrique – publiés par l’Alliance des démocraties, sponsor du Sommet de Copenhague, donnent des informations qui permettent de progresser dans notre réflexion. Le tableau d’honneur des pays dont les citoyens considèrent qu’ils sont les plus démocratiques comprend la Chine (83 %), le Vietnam (77 %), Taïwan (75 %).