À l’ère des réseaux sociaux, le phénomène des « insulteurs publics » prend une ampleur préoccupante. Jadis marginalisés, certains de ces profils sont désormais perçus comme de véritables figures médiatiques, parfois même encouragés, directement ou indirectement, par des responsables politiques.
Ce glissement interpelle. Si l’expression « insulteur public » s’était d’abord imposée comme une dérive virtuelle, elle semble aujourd’hui trouver une forme de légitimation sociale, voire institutionnelle. Des personnalités controversées comme Azoura Fall, souvent au cœur de polémiques, apparaissent désormais dans l’entourage de figures de l’État, suscitant incompréhension et malaise.
Ce phénomène n’est pas inédit. Sous le régime précédent, Macky Sall s’était affiché avec des profils tout aussi discutables. Aujourd’hui, le même scénario se répète avec d’autres figures connues pour leurs sorties virulentes sur les réseaux.
Mais la question centrale dépasse ces individus. Elle porte sur la posture de l’État face à la décadence du discours public. Pourquoi certains responsables politiques, garants de l’éthique républicaine, semblent-ils donner de la visibilité à ceux qui s’illustrent par l’invective et la vulgarité ?
Le contraste avec d’autres démocraties est frappant. En France, un combattant de MMA ayant insulté le président Macron en plein direct est reparti libre, sans poursuites. Au Sénégal, une telle déclaration aurait probablement conduit à une arrestation immédiate, alimentant un cycle d’indignation.
Plus que les dérapages verbaux eux-mêmes, c’est la réaction disproportionnée et l’incohérence des élites face à ces dérives qui posent problème. À force de côtoyer ces figures de la provocation, le pouvoir en fait des acteurs à part entière du débat public. Le véritable scandale réside là : dans cette confusion des rôles qui abîme la dignité républicaine.