Dans une décision aux implications profondes, la Cour suprême du Sénégal a prononcé, par son ordonnance n°16/2025 rendue le 12 juin 2025 et notifiée ce lundi, la suspension de l’arrêté ministériel n°0011059/MCTN du 22 avril 2025, émanant du ministre de la Communication, des Télécommunications et du Numérique. Cet arrêté ordonnait l’arrêt de diffusion, de parution et de publication de plusieurs médias sénégalais.

La décision de la haute juridiction vient ainsi donner gain de cause à la journaliste Aïssatou Dio Fall et à ses médias — Public SN TV, Le Public (quotidien) et le site public.sn — victimes d’une mesure jugée arbitraire et non conforme au Code de la presse.

Une victoire pour la liberté de la presse et l’État de droit

Par cette ordonnance, la Cour suprême réaffirme les principes fondamentaux de la liberté d’expression, du pluralisme médiatique et du respect de l’État de droit. Elle rappelle, avec fermeté, que les décisions administratives affectant les droits fondamentaux doivent obéir aux règles de légalité, de proportionnalité et de motivation.

Un contexte de pressions sans précédent sur les médias privés

Depuis l’arrivée au pouvoir de la nouvelle équipe dirigeante, la presse privée vit sous des pressions politiques, économiques et juridiques croissantes. Parmi les mesures contestées figurent :

  • La suppression des allègements fiscaux précédemment accordés,

  • Le non-paiement des créances de l’État vis-à-vis des entreprises de presse,

  • La résiliation unilatérale des contrats publicitaires par les structures publiques,

  • La suspension des subventions étatiques pour les années 2024 et 2025,

  • L’augmentation brutale des frais de diffusion sur la TNT, provoquant l’interruption du signal de plusieurs chaînes privées.

À cela s’ajoute une volonté manifeste de recentraliser le paysage médiatique autour d’une liste arbitrairement établie de « médias reconnus », remettant en cause l’existence juridique même de plusieurs organes de presse.

Une industrie en détresse : alertes sociales en cascade

Conséquences directes de cette hostilité institutionnelle : les entreprises de presse sont au bord de la faillite. Les dettes s’accumulent, les salaires ne sont plus payés, la couverture sociale s’effondre, et des plans de licenciement massifs sont en cours. Des mouvements de grève sont imminents dans plusieurs rédactions.

Un appel solennel à la responsabilité collective

Les appels du chef de l’État, formulés lors des Conseils des ministres des 13 août 2024 et 7 mai 2025 en faveur du dialogue avec la presse, doivent enfin se concrétiser. Le Sénégal ne peut se permettre de sacrifier son patrimoine médiatique, acteur clé des trois alternances politiques et garant de sa stabilité démocratique.

Nous appelons solennellement le président de la République, son gouvernement, les citoyens, les syndicats, la société civile, les confréries religieuses, l’Église et l’ensemble de la classe politique à défendre et préserver la liberté de la presse. Celle-ci est la pierre angulaire de toute démocratie durable et de tout développement économique et social.