Dans une lettre adressée au président de la République, le professeur Aliou Diack, responsable du Département de Génie Civil à l’École Polytechnique de Thiès et ancien président de la Communauté rurale de Mbane, tire la sonnette d’alarme sur une situation foncière explosive dans la région de Dagana, au nord du Sénégal.

Il dénonce un accaparement illégal et massif des terres par des acteurs de l’agro-business, notamment la Compagnie Sucrière Sénégalaise (CSS), au détriment des droits des populations locales et de l’équilibre environnemental.

Un accaparement « en toute illégalité »

Le professeur Diack fustige la gestion « désastreuse » des terres dans la commune de Mbane, qu’il décrit comme un « dépeçage organisé ». Il affirme que plus de 12 000 hectares de terres, spoliées depuis 1986 aux populations de Ndombó Sandjiry, sont aujourd’hui illégalement exploitées par la CSS dans la zone du Bardial.

Il accuse l’entreprise d’avoir violé les termes d’un décret autorisant la diversification des cultures :
« Au lieu de produire du maïs ou des tomates comme convenu, la CSS continue de cultiver de la canne à sucre, en toute impunité. »

Des décisions opaques et des intimidations violentes

Le professeur Diack met aussi en cause la transparence de la gestion foncière locale. Il révèle que 1 026 hectares ont été octroyés « en catimini » par le conseil municipal de Mbane à la CSS, et que cette dernière exploiterait aujourd’hui plus de 30 000 hectares dans le département de Dagana — soit près de 40 % de la superficie de Richard-Toll — dans une opacité totale.

Il dénonce également des pratiques abusives, voire intimidantes :
« Un maire armé, accompagné d’un employé également armé, est venu délimiter des terres en plein jour, sous la protection d’un sous-préfet », affirme-t-il.

Il cite même des cas de « ventes de terres » par des chefs de village à des prix dérisoires, mettant en cause la complicité de certains agents de l’administration.

Violation de la loi et appel à une intervention présidentielle

Le professeur rappelle que ces pratiques sont contraires à la loi n°64-46 du 17 juin 1964, qui interdit toute transaction sur les terres du domaine national situées en zone de terroir. Il appuie son argumentation sur les recommandations de la Commission Nationale de Réforme Foncière (CNRF), qui exige un audit foncier préalable à toute affectation.

En conclusion, il appelle solennellement le président Diomaye Faye à agir :
« Je vous demande, Excellence, de faire en sorte que le Gouverneur de Saint-Louis refuse d’approuver la délibération du conseil municipal de Mbane, et d’ordonner un audit exhaustif de la gestion des terres dans tout le département de Dagana. »

Cette sortie d’Aliou Diack met en lumière une problématique foncière de plus en plus explosive au Sénégal, où les conflits entre intérêts économiques et droits des communautés rurales deviennent sources d’instabilité sociale et politique.