Enfin, que la noce commence! Ce 02 Avril à minuit, exactement dans 28 jours, s’achèvera votre mandat à la tête du pays qui aura duré 12 ans. Un pays que vous avez hérité de Wade, de Diouf et de Senghor. 64 ans d’indépendance, et le Sénégal reste englouti dans le lot des 25 pays les plus pauvres au monde. Votre formule pour nous tirer de ce contingent n’a pas finalement marché et personne n’osera dire que vous n’avez pas essayé avec vos propres armes. Essayer ne veut pas dire échouer ou réussir. Essayer est un commerce. Essayer, c’est aussi prendre sa responsabilité face à l’action, de fait, face à l’histoire. Etiez-vous d’ailleurs préparé à nous extirper de ce lot? Aviez-vous les prédispositions pour conduire la destinée de notre pays avec la parfaite maîtrise de notre histoire collective?
Le 02 avril au soir nous ferons notre chemin sans vous. Et pourtant, l’heure n’est point aux plaintes et aux complaintes, car le seul défi que nous avons est de nous préparer à entrer dans ce nouveau cycle avec intelligence , un quinquennat mystique, un changement de paradigmes, une transition, une réorientation de la loi physique qui doit guider cet autre Sénégal dont nous rêvons, avec à sa tête, un homme capable d’essuyer les larmes des ses compatriotes, et engagé dans le chemin du pardon quelles que soient les vicissitudes traversées.
Je rêve que le prochain président ne brise point le miroir de son rétroviseur. Je rêve qu’il incarne pleinement son rôle de serviteur du peuple et non de dominateur de ce dernier.
Un Sénégal sans Dieu au préambule de sa constitution et au premier couplet de son hymne national, ne peut guère s’inventer. Vous n’êtes pas fautif, Mr le Président, car la formule, peut-être, ne vous était pas destinée!
Mr le Président de la République, saviez-vous qu’il y’a 500 multinationales qui frappent à la porte de l’Arabie Saoudite, et presque le triple qui lorgne le Sénégal? Le pays de la Teranga est intensément courtisé. Le monde pense à nous, car le monde a besoin d’un nouveau parrain, d’un vrai guide. Ce n’est pas pour rien que nous sommes la porte de l’Afrique.
Êtes-vous au courant que le prochain Président de la République entrera dans les anales de l’histoire africaine quelle que soit sa capacité de créativité?
Les 13 mois que j’ai faits en détention avec de lourdes charges, atteinte à la sûreté de l’état, acte de terrorisme par intimidation, association de malfaiteurs, offense au chef de l’état, acte à troubler l’ordre public, menace de mort sur vous, sur votre ministre de l’intérieur Abdoulaye Daouda Diallo et sur le commissaire de classe exceptionnelle Anna Semou Faye. Qui m’ont valu une traduction devant la chambre criminelle. Jusque-là, jamais de procès. Compréhensible car je n’étais pas coupable. Comment un ami peut nuire à ce point à son ami? Vous saviez que j’étais innocent mais vous m’avez laissé dans ce trou macabre oubliant même que nous avions un pacte devant Dieu et son Prophète (psl) que nous avions scellé chez moi, dans mon salon, quand vous doutiez de tout. Vous n’étiez pas encore Président! Et vous me l’avez rappelé lors du dialogue!
Pour ma part, malgré toutes ces cicatrices que votre régime a marquées de manière indélébile sur mon corps, et non dans mon esprit pour qui, la pérégrination fut son action favorite , je continue à m’attacher profondément au pardon, au dépassement et à la culture de la paix . Et j’appelle tous les concitoyens qui sont passés par ces mêmes épreuves abominables à faire preuve de hauteur et de surpassement . Car la haine est un poison mortel, et la vengeance une dangereuse raison. Vous pensiez que la prison était la meilleure formule pour nous punir, pour nous proscrire de la société et Dieu en a décidé de manière irréfragable, autrement, avec ses largesses inépuisables et sa haute mansuétude. Vous pensiez gouverner en restreignant toute forme de liberté à vos opposants, et le contraire s’est finalement produit comme si le temps et les ruses entreprises avaient joué en votre défaveur. Le pardon Mr le Président est un art lucide, il n’est pas abstrait, il accable la conscience à ceux-là qui ont suscité son appel. Pour pardonner il faut dialoguer, soit avec Dieu, soit avec sa conscience, soit en collège car la mort, Mr le Président, ne dialogue pas. Le dialogue est presque de la dimension céleste.
Il n’est pas question de faire sombrer un pays qui est sur le point de décoller, il n’est pas non plus question de tout saborder au prétexte que nos colères se sont coagulées au plus profond de nos chairs. Non! Non Mr le Président! Nous sommes plus grands que cela! Nous sommes une grande nation!
Oui Mr le Président, un peuple qui a faim mange son gouvernement. Et ce peuple une fois rassasié, boit l’alternance !
Durant cette décennie la plupart de vos proches collaborateurs vous ont rendu un mauvais service en vous isolant, en vous guidant vers le côté sombre de l’esprit où alternent vengeance, haine, désamour, persécutions et sanctions. En effet la superficie de la conscience est vaste comme une vallée et si ses fréquentations sont malsaines, les actes qu’elle pose frise l’inélégance sous sa forme la plus laide.
Vous devez partir Mr le Président en paix, comme un être qui vit ses dernières minutes sur terre, comme une femme qui met au monde un nouveau-né pour la première fois , comme une araignée qui tisse sa toile avec patience et précision.
Vous laissez derrière vous Mr le Président un pays malheureusement déchiré, aux fondamentaux percutés et aux règles et lois défiées et agressées. Ce n’est pas de votre faute non plus, car vous ne pouvez pas donner plus que le sentiment qui suinte de votre conscience, de votre histoire et de votre esprit dans sa limite inventive.
Les civils que nous sommes devraient cultiver l’intelligence du dépassement, de l’union sacrée autour des valeurs de la République pour ne pas s’aventurer à devenir des spectateurs dans la marche de notre pays. Nous n’avons pas le monopole de cette marche en tant qu’acteurs. Nous devons en toute responsabilité nous orienter vers la sagesse de l’heure, le pardon pour que la paix continue à préserver les reins de notre pays. Aimer est passionnant. Haïr est abjecte. Alors Mr le Président de la République choisissez de quel bord voudriez-vous vous situer dans les années à venir ! Peut-être voici la toute dernière fois que je vous parle en tant que chef de l’état, vous demandant Excellence Mr le Président de la République de me lire sans mépris, sans haine, car je suis en paix avec moi-même à l’heure où cette lettre vous est adressée, avec tout le respect dû à votre auguste rang. Adieu ! Dieu sait quand nous nous reverrons, disait Shakespeare!
Sheikh Alassane Sene
Guide religieux – Poète