Le Sénégal s’est réveillé ce mardi 25 février 2020 avec une mauvaise nouvelle: la démission de Khadim Ba du Conseil d’administration de la Société africaine de raffinage (SAR). Signe des temps, signal peut-être prémonitoire du destin, Dakar est, en cette matinée, enveloppée d’une épaisse poussière. Le temps est maussade et la qualité de l’air, catastrophique, comme l’indique une alerte de la Météo.
La SAR n’est pas n’importe quelle structure. Elle assure l’approvisionnement en pétrole brut et en fuel, et donc le fonctionnement en énergie du pays.
Khadim Ba n’est pas n’importe quel administrateur de la SAR. Patron de Locafrique, la plus puissante société de crédit du Sénégal, il est le garant, depuis plus d’un an, de la sécurité énergétique du pays. C’est lui qui a mis gracieusement au profit de la SAR une ligne de crédit de 250 millions d’euros pour garantir les importations de pétrole brut. C’est encore lui qui, fort de son crédit auprès des banques, a mis en place une caution personnelle de 130 milliards de francs cfa qui a assuré à la SAR l’approvisionnement en produits pétroliers depuis plus d’un an.
Dans sa lettre de démission adressée au président du conseil d’administration, Khadim Bâ n’a d’ailleurs pas manqué de lui signaler qu’il va l’approcher aux fins d’obtenir le retrait, « dans les meilleurs délais », de ces garanties.
Cette perspective est plus catastrophique que la catastrophe. La SAR, en proie à une mauvaise gestion qui a failli conduire à sa disparition, n’a aucune crédibilité à même de lui assurer une capacité de garantir ses opérations. D’ailleurs, une dangereuse échéance se profile le 3 mars prochain. Si Khadim Bâ sort du jeu, personne ne mise un kopeck sur la possibilité pour la SAR, à cette date, de poser sur la table une lettre de crédit pour éviter une rupture des approvisionnements.
Le patron de Locafrique, à en croire des sources proches du milieu pétrolier, a vu sa patience entamée par un mode de fonctionnement contraire aux lois de l’économie de marché: c’est lui qui garantit et paie, mais voit la décision lui échapper au profit d’une direction de la SAR au management fortement sujet à caution. Ce qui lui fait courir, au regard des sommes astronomiques engagées dans le cautionnement, des risques financiers suicidaires.
C’est pour éviter de couler le navire Locafrique que son capitaine a décidé de mettre fin à cette aberration – sans doute unique au monde – au coeur de laquelle celui qui paie ne commande pas.
En cette matinée du 25 février 2020, l’obscurité de l’atmosphère qui enveloppe Dakar annonce le noir dans lequel va être plongé le pays si le choc pétrolier en vue se produit.
Dans ce climat social tendu, nul doute que le président Macky Sall va prendre ses responsabilités pour enrayer la perspective cauchemardesque d’un Sénégal en rupture de carburant, de gaz, d’électricité, de vie tout court…
Cheikh Yérim Seck