L’Église et les familles religieuses n’ont pas voulu être les dindons de la farce des décisions du gouvernement. Après avoir accepté au plus bas de la pandémie, la fermeture des lieux de culte pour lutter contre la propagation du Covid-19, les guides religieux ont décidé d’apprécier d’abord, avant de se conformer au nouvel arrêté du ministre de l’Intérieur. Ouvrir églises et mosquées à un pic de cas positifs, les chefs religieux ont refilé la patate chaude à l’Etat.

Les décisions du ministre Aly Ngouille Ndiaye pour l’ouverture des mosquées et en direction de la Korité, se limitent pour le moment, à une mesure de distanciation sociale, l’octroi de 500.000 mille masques à distribuer dans les lieux de culte et du gel hydro-alcoolique.

Pour le ministre de l’Intérieur qui en a fait également l’annonce lors de la réception d’un lot de 500.000 masques, des autorisations vont être délivrées aux citoyens qui veulent se déplacer lors de la fête de Korité. Et d’ajouter, « nous invitons au maximum les gens à rester parce que la fête de Korité est, certes, importante, mais l’enjeu veut que les gens restent. Maintenant, s’ils ne veulent pas rester, ils peuvent demander une autorisation et très certainement, ils vont bénéficier d’assouplissement pour voyager ».

Une posture du gouvernement que ne comprennent pas certains guides religieux et enseignants. Car, alors que les cas se comptaient sur les doigts d’une seule main, l’Etat avait pris des mesures drastiques proches du confinement total. Ce qui du reste, était bien compris par la majorité des guides religieux et des enseignants. Quid alors de la nouvelle posture de l’Etat qui, avec plus de 2000 cas positifs officiels, revient à la période pré Coronavirus, juste pour satisfaire une demande sociale et non répondre à une logique médicale.

Les Guides religieux musulmans et l’Église refusent de partager les responsabilités d’une probable hausse de la contamination comme du reste, le Comité de gestion de la pandémie l’a fait, en déclarant ne pas avoir été invité à donner un avis.

D’ailleurs, dira à notre micro Oustaze Seyni Niang des Parcelles Assainies, « pourquoi aujourd’hui l’Etat voudrait nous accorder ce qu’il nous a refusé alors que le Sénégal ne comptait que 20 cas positifs », s’interroge-t-il. Pour cet imam, « l’Etat veut tout simplement nous associer à son échec car, en prévision de la hausse des cas, il lui sera facile d’imputer une part de responsabilité aux religieux qui auraient fait des pressions en menaçant l’ordre public ».

D’autres comme Imam Ahmadou Makhtar Kanté, se démarquent totalement de cette ouverture des lieux de culte. Pour l’imam de la mosquée du Point E, « si j’avais à m’adresser au peuple sénégalais relativement à la question des lieux de culte, j’aurais dis ceci : l’évolution de l’épidémie dans le pays est très inquiétante comme en témoignent les données que nos services travaillent à recueillir et à analyser sans relâche. Le taux de positivité est encore trop élevé, les décès s’accumulent et les prises en charge à l’extérieur des hôpitaux augmentent trop rapidement, même si par la grâce de Dieu et la ténacité de notre personnel médical, il y a beaucoup de guéris. Personne ne doit se croire à l’abri d’une contamination ».

A la suite de l’imam Kanté, le Serviteur de la communauté Omarienne a préféré jouer la carte de la prudence. Malgré l’arrêté du ministre de l’Intérieur autorisant l’ouverture des lieux de culte, le Khalife Thierno Madani Tall a opté pour la fermeture de la mosquée au public, rapporte « L’Observateu »r de ce 13 mai 2020.

« Cette décision non concertée avec le comité chargé de la riposte contre le Covid-19, est plus une sortie de crise pour le pouvoir », renseigne Aliou Bâ, sociologue. Toujours selon ce dernier, « le Président Macky Sall devait rapidement trancher entre une série de soulèvements et dédramatiser le Coronavirus, en mettant les gens devant leurs responsabilités. Son opération a presque réussi sauf que plusieurs foyers religieux et pas des moindres, ont décidé de ne pas exposer leurs fidèles ».

Pour Aliou Bä, « les religieux refilent la patate chaude à l’Etat qui a été déjà désavoué par le corps soignant impliqué dans la lutte contre le Coronavirus, qui a clairement pris ses distances d’avec cette décision ».

Cheikh Saadbou Diarra (Atlanticactu.com)