L’ascension politique d’un père peut devenir une chute silencieuse pour un fils. Le parcours d’Amadou Sall, autrefois très entouré, aujourd’hui oublié, offre une leçon précieuse aux nouvelles autorités sur la gestion familiale du pouvoir.
L’histoire récente du Sénégal nous enseigne que le pouvoir, mal géré dans l’entourage familial, peut devenir un piège. L’exemple d’Amadou Sall, fils de l’ancien président Macky Sall, est révélateur. Ce cas mérite une analyse sérieuse, surtout aujourd’hui où un nouveau pouvoir s’installe avec le président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko, deux figures très attendues par la jeunesse et les partisans du changement.
En 2012, lorsque Macky Sall accède à la magistrature suprême, Amadou est encore très jeune. Il étudie dans un établissement bilingue américain à Dakar, avant de partir aux États-Unis pour ses études supérieures. À son retour, il se passionne pour les voitures de luxe, allant jusqu’à devenir un vendeur réputé dans les milieux d’affaires sénégalais. Plusieurs hommes d’affaires, ministres et hauts fonctionnaires achètent leurs véhicules chez lui.
Très vite, Amadou Sall devient une figure fréquentée par un cercle hétéroclite : marabouts, chanteurs, politiciens, hommes d’affaires, et opportunistes de tout bord. Ce n’est pas un crime en soi de réussir dans le privé. Mais sa position de “fils du président” lui confère une influence particulière, qui attire les intérêts et les manœuvres. C’est précisément ce que Macky Sall aurait dû anticiper : en République, l’entourage familial du président est une cible constante de convoitise, et cela nécessite rigueur et retenue.
Le cas de Karim Wade aurait dû lui servir d’avertissement. L’ancien président Abdoulaye Wade a vu son fils au cœur de polémiques politico-financières qui ont terni son bilan. Macky Sall, pourtant arrivé au pouvoir en promettant une gouvernance de rupture, n’a pas tiré les leçons de cette expérience.
Aujourd’hui, Amadou Sall se retrouve isolé. Ceux qui se pressaient autour de lui au temps fort de son influence ne veulent plus être associés à son nom. L’histoire est cruelle, mais elle est juste : les amitiés fondées sur le pouvoir ne résistent jamais à la chute de ce dernier.
Cette réalité doit interpeller les nouvelles autorités. Le président Diomaye et le Premier ministre Sonko, très attachés aux valeurs d’éthique, de sobriété et de justice, doivent veiller à ce que leurs enfants et proches soient protégés des excès de visibilité et de l’influence malsaine que peut attirer le pouvoir. Dakar est un terrain glissant, où les relations sont souvent motivées par des intérêts personnels déguisés en loyauté.
Il ne s’agit pas d’enfermer ses enfants ou de leur interdire toute activité économique. Il s’agit de définir des limites claires, d’imposer la transparence, et surtout, de ne pas utiliser l’État comme tremplin familial. Car les Sénégalais ne pardonnent plus les dérives, et la mémoire collective, aujourd’hui nourrie par les réseaux sociaux, ne laisse rien passer.
Les erreurs du passé doivent servir de garde-fous pour l’avenir. Ce qui arrive à Amadou Sall aujourd’hui pourrait très bien arriver demain à un autre, si la leçon n’est pas retenue.
Serigne Fallou Mbacke Assirou