En juillet 2022, à Tivaouane, en pleine campagne électorale pour les élections législatives, Ousmane Sonko, jette le micro de la Rts pour dénoncer le parti pris de ce média. Cependant, ce geste de protestation contre le manque d’équilibre de la télévision publique risque de rattraper le Pastef et son candidat. Il y a deux jours, le Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel (Cnra), en concertation avec les candidats, a fixé le calendrier de passage pour le temps d’antenne à la Rts. Bassirou Diomaye Faye se trouve à la 12è position dans l’ordre de passage.
Mais déjà se pose une question : le candidat de Pastef prendra-t-il son temps d’antenne à la Rts ? Autrement dit, Sonko va-t-il ramasser le micro qu’il avait jeté ? Jouir de son temps d’antenne serait contradictoire pour le principal opposant de Macky Sall. Pour rester cohérent avec sa ligne, Pastef devrait certainement renoncer à son passage à la Rts.
D’ailleurs, une telle posture renforcerait le positionnement du parti par rapport aux médias classiques. Ousmane Sonko et Pastef sont connus pour leur discours critique vis-à-vis de la presse. Pas plus tard que le mercredi 24 janvier dernier, Yoor Yoor, le journal du Pastef a consacré sa Une à ce qu’il considère comme une stratégie de déstabilisation du camp de Sonko par les médias qui ont évoqué des tiraillements entre les 3 candidats, Bassirou Diomaye Faye, Cheikh Tidiane Dièye et Habib Sy.
Mais le journal utilise le terme ‘’merdias’’ pour dire qu’il s’agit de médias de m… Affirmant qu’il n’y a aucun problème entre ces 3 prétendants, le quotidien accuse la presse de médiamensonges, de manipulations et de martelage médiatique.
Cette posture du journal indique à suffisance le discours du Pastef vis-à-vis des médias. Ce n’est pas pour rien si le parti s’est doté de ses propres canaux de communication, notamment Jotna tv. Les militants font plus confiance aux réseaux sociaux qu’aux médias classiques considérés comme des instruments de propagandes avec des journalistes corrompus.
Pastef a donc axé l’essentiel de sa communication par des moyens alternatifs. Pourquoi donc se plier aujourd’hui à un temps d’antenne d’un média ‘’rejeté par le peuple’’, si on peut se suffire d’autres moyens ? Seulement, la Rts n’est pas la seule victime du media bashing de Sonko et du Pastef.
Mettre fin au monologue du temps d’antenne
La presse privée a aussi été ciblée, notamment le groupe futur médias, la Rfm en particulier. Faut-il alors se passer de ces supports ? Certainement pas. De toute façon, Pastef envoie régulièrement ses responsables dans les plateaux de télévision pour porter le ‘’projet’’.
Pour en revenir au temps d’antenne, une renonciation de Pastef pourrait inaugurer une nouvelle ère. En effet, il y a lieu aujourd’hui de s’interroger sur la pertinence d’une telle disposition. Au temps du monopole de la Rts sur le champ télévisuel sénégalais, cette trouvaille était salutaire.
Mais à l’heure de la pluralité médiatique, l’opportunité d’avoir des temps d’antenne pour les candidats mérite d’être interrogée. Du moins pour les grandes formations politiques qui bénéficient d’une large couverture dans la presse privée. Le Sénégal doit évoluer dans ce domaine.
Dans les autres démocraties, l’heure est aux débats entre candidats et non à un monologue sous surveillance du Cnra. La confrontation permet sans doute de mieux dévoiler au public les forces et faiblesses des candidats eux-mêmes, mais surtout de leur programme.