Directeur de l’Emploi et responsable de la coalition Benno Bokk Yakaar (Bby), Pape Modou Fall s’oppose foncièrement contre ceux qui agitent l’idée d’une suppression du Haut Conseil des Collectivités Territoriales (Hcct). Il qualifie cette idée d’aberration. Dans cet entretien accordé à « L’As », il est également revenu sur les résultats des législatives et la quatorzième législature.
L’As : Depuis quelque temps, de nombreuses voix s’élèvent pour assimiler le Hcct à une institution budgétaire qui n’a pas sa raison d’être. Comment appréciez-vous cela ?
Pape Modou Fall : Le plus important, ce ne sont pas les moyens mis à la disposition de l’institution, mais plutôt l’apport qu’elle va apporter à la gouvernance locale. Dans les conclusions des Assises Nationales, il a été indiqué que concernant la gouvernance locale, deux choses doivent être retenues. D’abord, il s’agit de définir un cadre pour une politique de développement durable et une gouvernance de proximité afin de mieux répondre aux besoins des populations et aux exigences de développement. Pour ce qui est du Haut Conseil des Collectivités Territoriales (Hcct), le sens de ses débats et la pertinence de ses avis et recommandations sont essentiellement basées sur la gouvernance de proximité qui permettra non seulement d’avoir une politique participative et inclusive, mais surtout de tenir compte des réalités qui sont à la base pour pouvoir les remonter et les intégrer dans les programmes de développement économique et social. Le second point qu’on retrouve dans les conclusions des Assises Nationales et qui concerne la gouvernance locale, c’est le renforcement des capacités et l’autonomie des collectivités territoriales pour leur permettre de s’orienter efficacement vers le développement local et la promotion de la démocratie à la base. Si on regarde bien l’ensemble des documents et les différents rapports produits jusque-là par le Hcct, on va trouver des recommandations fortes visant à promouvoir la démocratie à la base et trouver les voies et moyens afin de contribuer efficacement au développement des collectivités territoriales. Aujourd’hui, le Hcct est en train de réussir sa mission.
Pour faire émerger le Sénégal, il faut partir des collectivités territoriales. Et on ne peut pas partir des collectivités territoriales sans au préalable recueillir le maximum d’informations à la base, et les gérer, les exploiter pour les intégrer dans le document de politique économique et sociale.
A vous entendre parler, la suppression de cette institution ne vous agrée pas.
Il est impertinent et illogique de vouloir travailler pour le territorialisation des politiques publiques, pour le renforcement des collectivités territoriales sans avoir une institution de réflexion afin de recueillir toutes ces informations venant des collectivités territoriales, aussi bien des communes, des villages, des quartiers, des départements, des régions, pour les compiler et avoir un document de travail permettant de faire développer les collectivités territoriales et définir un plan national de développement des terroirs. D’où la pertinence de cette institution. Compte tenu de l’acte 3 de la décentralisation, il serait regrettable de reculer en supprimant une telle institution. Surtout que nous devons aller vers une deuxième phase du code général des collectivités territoriales.
Nous devons rester cohérents et en phase avec nos réflexions d’hier. Parler aujourd’hui de suppression du Hcct est un non-sens, une aberration par rapport à la dynamique de territorialisation des politiques publiques, et du renforcement des collectivités territoriales.
Quels enseignements la mouvance présidentielle devrait –elle tirer de ces dernières élections législatives qui ont été particulièrement disputées ?
Le premier enseignement que la mouvance présidentielle doit tirer des dernières élections législatives, c’est d’accepter les résultats des urnes. Et partant de ces résultats, nous devons faire une analyse objective des chiffres et des voix sortis des urnes, collectivités territoriales par collectivité territoriale bureau de voix par bureau de vote et lieu de vote par lieu de vote. Ceci permettra à la coalition Benno Bokk Yakaar d’avoir une appréciation pour savoir dans quelle localité il faudrait intervenir davantage pour la renforcer, identifier les zones qu’on ne devait pas perdre et qu’on a tout de même perdues, connaître les zones que nous avions remportés aux locales et que nous avons perdues aux législatives, il faut faire une introspection nette pour pouvoir corriger avant les prochaines élections. Pour les zones que nous avons remportées, il faudrait trouver un moyen de les renforcer.
A mon humble avis, l’analyse se trouve à ce niveau et le Président de la République est très bien informé et bien outillé pour percevoir et décrypter le message des Sénégalais lors des législatives. Pour moi, il y a l’axe sur lequel le président de la république doit davantage intervenir, je pense que les départements de Diourbel, Thiès, Bambey, Mbacké, Kébémer, Tivaouane constituent une zone où il faut travailler davantage, voir où se situent les manquements et trouver des moyens de motiver les acteurs politiques sur place pour qu’ils portent le combat dès à présent et renverser la tendance aux prochaines élections. Nous sommes tous d’accord que l’électorat sénégalais se trouve sur l’axe Dakar- Thiès- Diourbel. C’est pourquoi je comprendrai si le Président Macky Sall décide de renforcer les nominations au niveau de ces zones pour que l’électorat est déjà acquis, le centre (Kaolack- Fatick) est aussi presque acquis, il en est de même pour le Sénégal oriental vers Tambacounda et Kédougou.
Le Président Macky Sall doit également renforcer le travail à la base. Dans le sud du pays, les responsables doivent descendre plus sur le terrain. Je veux parler de Kolda, Sédhiou et Ziguinchor.
Nous devons à tout prix éviter que cette zone soit le bastion de l’opposition. C’est maintenant que le travail doit se faire. Dans le cas contraire, cette zone risque de tomber dans l’escarcelle de l’opposition aux prochaines élections.
Aujourd’hui, il appartient au Président Macky Sall d’en tirer les leçons, parce qu’en dépit des nombreux leaders politiques qui ont rejoint la mouvance présidentielle, nous avons eu aux législatives moins que nous avions aux dernières élections locales. Ceci mérite une large réflexion et une profonde analyse.
Qu’attendez-vous des députés de la majorité pour cette quatorzième législative ?
Les résultats des législatives ont montré que nous avons eu une majorité relative. Cette majorité relative est passée à une majorité absolue, parce que le président Pape Diop de Bokk Guis –Guis nous a rejoint. Ce qui nous a permis d’avoir 83 députés sur les 165. Il faut tout faire pour conserver cette majorité et même la renforcer. D’ailleurs, je conseille aux députés de majorité d’être davantage plus solidaires, et ensuite de créer l’unité autour de l’essentiel, porter les combats du Président Macky Sall au niveau de l’Assemblée nationale d’être reconnaissant envers le Président de la République parce qu’ils ont été choisis parmi des millions de militants tout aussi méritants qu’eux, ils doivent s’engager à soutenir les réformes et politiques qui accompagnent les programmes politiques et économiques de l’Etat du Sénégal.
Les députés de la majorité doivent être plus combatifs parce qu’ils seront dans une assemblée très combative. S’ils sont suffisamment outillés, je crois que nous n’allons pas avoir de problème à l’hémicycle.
Entretien réalisé par Gora KANE