Après son ‘’Nemmeeku Tour’’, la « Caravane de la liberté » d’Ousmane Sonko, lancée depuis Ziguinchor, a été écourtée, ce dimanche, par les forces de sécurité qui ont appréhendé le leader du Pastef avant de le déposer manu militari à son domicile de Dakar. Une mesure « sécuritaire » vue par certains observateurs comme une continuité de la stratégie de l’État de déjouer les plans de l’opposant politique.
«Le délit d’Ousmane Sonko ? C’est sa popularité !». C’est la réponse servie avec ironie par Me Khoureychi Ba, membre du pool d’avocats du maire de Ziguinchor, dans un entretien avec notre consœur Ngoné Saliou Diop. Mais est-ce suffisant pour écourter sa caravane ? Non, répond le constitutionnaliste Mouhamadou Ngouda Mboup qui, citant l’article 14 de la charte fondamentale, éclaire que «un citoyen a le droit de se déplacer et de s’établir d’où il veut dans le pays. La Constitution doit être une référence absolue».
Le président de la haute autorité de régulation de Pastef rappelle, plus loin, que «l’article 106 du Code pénal prévoit et punit l’attentat à la liberté».
De son côté, le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique a expliqué que la responsabilité de l’État était engagée, après la mort d’un homme à Kolda, vendredi dernier, tué dans des échauffourées entre forces de sécurité et manifestants.
Antoine Félix Abdoulaye Diome a également affirmé que le cortège d’Ousmane Sonko n’avait pas les autorisations nécessaires et qu’il y avait «des risques de troubles à l’ordre public».
Au sein de Pastef, l’on regrette également la «mort» des concerts de casseroles, initiative initiée en 2022 par leur leader, après «une campagne de diabolisation» du camp présidentiel.
Le ‘’Nemmeeku Tour’’ a aussi subi le même sort. Suspendu depuis les incidents de Tchiky, dans le département de Mbour, il avait été repris quelques semaines plus tard, notamment dans la zone des Niayes. Mais c’est également sans compter avec la détermination des forces de sécurité qui ont une nouvelle fois dispersé les foules faisant usage de grenades lacrymogènes.
À rappeler, également, que Fadilou Keita, membre du Pastef et coordonnateur du «Nemmeeku Tour», a été arrêté, début décembre dernier, sur ordre du procureur de la République, suite à un post fait sur sa page Facebook accusant l’État du Sénégal dans la disparition du gendarme Didier Badji et de son ami le sergent Fulbert Sambou, dont le corps sans vie a été repêché près des falaises du Cap Manuel. Le fils de Nafi Ngom Keïta, ancienne présidente de l’Ofnac est, jusque-là, dans les liens de la détention, pour «diffusion de fausses nouvelles», conformément aux articles 80 et 255 du Code pénal.
«Cela est la continuation de la stratégie mise en place par le régime pour contrer et déjouer les plans d’Ousmane Sonko, dont la popularité n’est plus à démontrer», a commenté un journaliste analyste politique. Ce dernier estime que «pourtant, au moment où Ousmane Sonko était interpellé, d’autres responsables et leaders de formations politiques étaient en train de mener des caravanes», rappelant, par ailleurs, les marches bleues de Me Wade, à la fin des années 90, et la tournée nationale de l’actuel chef de l’État en 2011.
Déjà condamné dans l’affaire l’opposant à Mame Mbaye Niang, Ousmane Sonko, dont le verdict dans le procès ‘Sweet Beauté sera connu ce 1er juin, est toujours «isolé» dans son domicile à la cité Keur Gorgui, le poussant à reporter sa déclaration de presse annoncée tard dans la soirée. Ce, après que son service de communication a été interdit d’accès.
Dans une note parvenue à Seneweb, le député Guy Marius Sagna, proche du maire de Ziguinchor, a invité «tous les élus (députés, maires, conseillers) de la République à rallier, ce lundi à 16 h, la cité Keur Gorgui, écharpe en bandoulière et autour de la taille». Les membres du Comité exécutif de la F24 ont également décidé de rendre visite à l’opposant politique chez lui à 15 h.
Interrogé la semaine dernière par Seneweb sur l’avenir politique d’Ousmane Sonko, l’enseignant-chercheur Adama Sadio, Docteur en sciences politiques, soulignait qu' »en politique, ce sont les rapports de force qui font l’histoire et non parfois le droit ». Il a ajouté : « Si Ousmane Sonko parvient à contrer une certaine résistance sur le terrain – et d’ailleurs, il me semble qu’il a très bien compris – s’il le réussit, il pourra bel et bien être candidat en 2024.»