Le compagnonnage entre Macky Sall et Moustapha Diakhaté a finalement volé en éclats. L’incompatibilité entre les deux membres fondateurs de l’Apr était devenue aussi flagrante que gênante. Et la dernière sortie du ministre-conseiller remixant le cd de Sory Kaba sur le « blasphématoire » sujet du 3e mandat, 1er acte de sa rébellion, n’était pas pour arranger les choses. « La manière dont Macky Sall veut mettre un terme à cette polémique est contreproductive. S’il veut limoger toute personne qui en parle (…) Il m’est égal d’être limogé ou maintenu à mon poste. J’ai rejoint Macky avant même qu’il ait un pouvoir de nomination. Si aujourd’hui il souhaitait me démettre de mes fonctions, je le remercierais », déclare-t-il sans ciller sur le plateau de Sen Jotaay.
« S’il dévie de son objectif, il me trouvera sur son chemin »
Pour le responsable de Diourbel qui tient à sa liberté de ton comme à la prunelle de ses yeux, pas question de se ranger derrière une quelconque ligne de conduite du parti, contraire à ses convictions. Quitte à perdre son poste. Comme on s’y attendait, le décret de limogeage tomba comme un couperet, le lundi 28 octobre 2019, avec un timing identique à celui du désormais ex-directeur des Sénégalais de l’extérieur.
S’ensuit une défiance qui a atteint son paroxysme le lundi 20 janvier 2020. Diakhaté qui critique l’illégalité dans le fonctionnement du parti qu’il assimile à un « Fans club Macky Sall », décide de lancer son courant « Mankoo Taxawu Sunu Apr » qui rappelle un certain « Wacco ak Alternance » qu’il avait lui-même lancé au lendemain de l’alternance de 2000.
La tournure des choses ne surprend nullement pour qui connait le personnage qui avait d’emblée annoncé la couleur en 2012, au lendemain de l’accession de Macky Sall à la magistrature suprême. Dans un entretien avec le quotidien La Tribune à la veille des législatives de 2012 à l’issue desquelles il devint le président du groupe parlementaire de la majorité, Moustapha Diakhaté mettait en garde Macky Sall: « S’il (Macky Sall) dévie de son objectif, il me trouvera sur son chemin ».
Libre comme l’air !
« Je ne serais jamais un courtisan », renchérit-il. Le tempo est donné ! Durant tout son passage à la tête du groupe de la majorité, le natif de Diourbel (23 janvier 1967, 52 ans selon le site de l’Assemblée nationale), refuse de verser dans une logique partisane et défend la vérité de quelque bord qu’elle soit. Ses prises de parole souvent en porte-à-faux avec les intérêts de la majorité sont encore retentissantes à l’hémicycle. Cette attitude de rebelle devenue un trait de caractère, prend sa source dans son passé de « délégué d’amphi » au département de Géographie et de secrétaire général du Syndicat des travailleurs et des banquiers des établissements financiers du Sénégal (Sytbefs).
Adn d’un rebelle
L’étudiant qui venait d’intégrer le monde professionnel à la Banque centrale, après l’obtention de son certificat de spécialisation en biogéographie, sera licencié pour ses « luttes syndicales » au sein du Sytbefs. Son attitude n’a pas varié d’un iota dans la scène politique qu’il a embrassé à 9 ans à l’école primaire à Gossas, puis au lycée Blaise Diagne où il a eu son Bac. Il milite dans les rangs du parti de Cheikh Anta Diop, le Rnd (Rassemblement national démocratique) et intègre le comité de vente du journal « Siggi « , avant de rejoindre le Pds en 1987.
Membre du comité directeur du MEEL (mouvement des élèves et étudiants libéraux) et inspecteur général du parti, Moustapha Diakhaté, fidèle à sa démarche, crée en 2003 le mouvement « Wacco ak alternance » sur les flancs du Pds pour rappeler au Pape du Sopi ses engagements qui étaient « de construire l’une des plus grandes démocraties africaines, mais pas d’abîmer la République « . Le chargé de mission du Palais finit par payer sa liberté de ton suite à une friction avec Wade-fils et quitte le Pds en 2008.
Le démissionnaire du Pds qui avait l’idée de créer son propre parti, décide finalement de rejoindre Macky Sall. La raison était toute évidente: « Je ne fréquentais pas Macky Sall. Mais, vu les injustices qu’il a subies dans le Pds de par sa conviction, je me suis dis que je vais le soutenir dans son combat. Je n’aime pas l’injustice », renseigne-t-il. Hélas, l’opprimé d’hier devient souvent l’oppresseur d’aujourd’hui ! Moustapha Diakhaté l’apprend à ses dépens