« Les confréries dans nos pays sont légitimes : en toutes circonstances, elles ont prôné le respect des institutions ainsi que les valeurs de paix, de tolérance et de respect mutuel. Elles prônent un Islam modéré. Jamais elles ne verseront dans l’extrémisme. D’ailleurs les Djihadistes les considèrent comme leur ennemi. Au Sénégal, vous avez près de 90% de la population qui est musulmane, et, pourtant, le premier président était chrétien et a été soutenu par les chefs religieux musulmans. Cela vous donne une idée de la tolérance qui prévaut au Sénégal et dans beaucoup d’autres pays musulmans. » Entretien avec Le Point, 16 octobre 2014

C’est en ces termes qu’Abdou Diouf, ancien président du Sénégal (1981-2000) qualifia le statut des confréries religieuses lorsqu’interrogé sur leur rôle présumé de rempart face aux mouvements de fanatismes religieux. De fait, les mouvements djihadistes gangrènent actuellement de nombreux pays d’Afrique, dont le Mali qui borde la frontière Est de ce pays. Le Sénégal jouit en effet d’une longue réputation de paix et de stabilité, aussi bien sociale (absence de conflits interethniques ou interconfessionnels, pas d’affrontements majeurs excepté dans le Sud, en Casamance depuis 1982) que politique (maintien continue de la démocratie et première alternance politique en 2000) au point qu’on a pu parler d’une « exception sénégalaise ». Bien entendu, plusieurs facteurs entrent en jeu dans la préservation de la paix de ce pays situé à la pointe occidentale de l’Afrique de l’Ouest. Sur le plan social, la parenté à plaisanterie est souvent évoquée (également présente dans d’autres régions d’Afrique) ou dans un autre registre, l’absence de conflits géopolitiques majeurs liés aux ressources naturelles (notamment le pétrole et le gaz qui n’ont été découverts que très récemment, respectivement en 2014 et 2017)1.

Les confréries religieuses tiennent une place considérable au Sénégal, bien que la République soit officiellement laïque depuis sa fondation en 1960. En outre, elles constituent l’une des caractéristiques de l’Islam « à la sénégalaise ». De fait, l’Islam qui y est majoritairement pratiqué appartient au Soufisme (branche mystique et initiatique) et gravite autour de 4 confréries : la Quadiriyya (XIIe siècle), la Tijanyya (XVIIIe siècle), la Layeniyya (XIXe siècle) et le Mouridisme (XIXe siècle). Les confréries Tidianes et Mourides sont aujourd’hui les deux plus influentes et celles regroupant le plus grand nombre de fidèles : sur les 95% de musulmans que compte le pays 49% sont Tidianes, 31% Mourides, 8% Khadres et 6% Layènes2. Les différents Khalifes généraux (chefs des confréries) demeurent des acteurs incontournables de la vie sociale, culturelle, économique et politique à tel point que les dirigeants sont contraints de composer avec eux tant leur influence est importante auprès des populations. La récente libération de l’ancien Maire de Dakar et membre de l’opposition, Khalifa Ababacar Sall, gracié par le Président en septembre dernier après plusieurs mois de polémique (emprisonné il y a deux ans pour « faux, usage de faux et escroquerie portant sur des derniers publics ») aurait eu lieu suite à l’intervention du Khalife général des Mourides auprès du Président Macky Sall, ce qui témoigne de cette autorité qui dépasse largement la sphère religieuse.

Emerge ainsi la question du rôle des confréries dans le maintien de la cohésion sociale au Sénégal, c’est-à-dire leur capacité à structurer et préserver les liens entre les différents acteurs du pays. Peut-on leur attribuer, au moins en partie, la relative stabilité politique et sociale dont jouit ce pays ? Quel rôle jouent-elles dans l’encadrement des populations ? Peuvent-elles réellement constituer un rempart contre les mouvements djihadistes ? Et si oui, quels sont les ressorts de leur pouvoir ?

Par Awa Ndiaye

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