Le gouvernement de Bassirou Diomaye Faye clame haut et fort sa volonté de bâtir une économie forte, fondée sur l’industrialisation du Sénégal. Toutefois, à l’heure actuelle, son administration semble bien loin d’agir pour protéger et sécuriser les industries locales, qui sont pourtant confrontées à de multiples menaces.

Le dernier communiqué du Conseil des ministres a mis en lumière l’intervention du président de la République, qui a souligné la nécessité de « bâtir une économie attractive et robuste, orientée vers la valorisation endogène de nos potentialités et ressources naturelles, et fortement créatrice d’emplois décents ». L’objectif affiché est de favoriser le développement de l’industrie sénégalaise, en exploitant les ressources locales et en générant des opportunités pour les entrepreneurs. Mais la réalité semble démentir cette ambition.

Alors que les autorités affichent leur soutien à l’entreprise privée, plusieurs secteurs, notamment l’agro-industrie, sont sous une pression constante de la part du ministère du Commerce. Le ministre, Serigne Guèye Diop, a récemment annoncé que les prix de certaines denrées alimentaires comme le riz, le pain, l’huile et le sucre allaient baisser. Cependant, cette annonce s’est faite sans aucune mesure compensatoire pour les producteurs et les distributeurs, mettant ainsi les industriels dans une situation délicate où ils se voient contraints de vendre à perte pour respecter les directives gouvernementales.

Les entreprises, telles que les meuniers, producteurs de sucre et autres acteurs du secteur agroalimentaire, sont constamment sollicitées pour réduire leurs prix, parfois sans aucune logique économique claire. La crise économique mondiale, exacerbée par la pandémie de Covid-19 et la guerre entre la Russie et l’Ukraine, a déjà entraîné une hausse des prix des matières premières. Or, plutôt que d’aider les producteurs à surmonter ces difficultés, le gouvernement impose des baisses de prix qui fragilisent encore davantage les industries locales.

Ce scénario a des conséquences désastreuses sur l’industrie sénégalaise. De nombreux producteurs de riz se retrouvent incapables de continuer leur activité sans s’endetter lourdement. La Compagnie Sucrière Sénégalaise, par exemple, fait face à une concurrence déloyale avec l’importation massive de sucre de contrebande, en grande partie favorisée par les autorisations délivrées par les pouvoirs publics. À l’approche de la fin de la campagne sucrière, l’entreprise détient encore une grande quantité de sucre invendu, et se prépare à une nouvelle baisse de prix imposée par l’État. Cette situation, qui touche de nombreux secteurs, met les industriels locaux en grande difficulté, avec pour conséquence une absence de marges bénéficiaires et une incapacité à maintenir leur production.

Une situation similaire se fait ressentir dans l’industrie de la farine, où les meuniers, sous pression pour baisser leurs prix, sont contraints de réduire la qualité de leur produit pour compenser les pertes. De plus, la pression sur les producteurs locaux pour faire baisser les prix ne se traduit pas par des mesures concrètes de soutien ou d’encouragement à l’investissement dans l’industrie locale.

Cette politique de prix, si elle est poursuivie, risque de conduire à un appauvrissement de l’industrie locale et à un renforcement de la dépendance du Sénégal vis-à-vis des importations étrangères. En effet, en favorisant les petits négociants plutôt que les véritables créateurs de richesse, le gouvernement prépare paradoxalement un Sénégal encore plus dépendant des importations, souvent à des prix imposés par des producteurs étrangers.

Ainsi, en privilégiant une politique de baisse des prix sans vision claire de l’accompagnement des producteurs locaux, l’État risque de miner les bases de l’industrialisation du pays. Les grands industriels sénégalais, comme les Omaïs, qui ont dû céder une partie de leurs parts à des intérêts étrangers, et la Sedima, qui semble suivre une voie similaire, illustrent cette triste réalité. Les véritables créateurs de richesse et d’emplois dans le pays sont progressivement éliminés, tandis que l’économie sénégalaise devient de plus en plus vulnérable face aux produits importés à bas prix.

Il est donc essentiel que les autorités revoient leur politique en matière de prix et d’encouragement à l’industrie locale, afin de garantir un développement économique durable et la création d’emplois locaux stables. La dépendance à l’importation ne peut être la solution à long terme si le pays veut réellement bâtir une économie solide et compétitive.

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