Le palais présidentiel de Kaboul, l’une des enceintes les mieux protégées au monde, encerclée de murs, de miradors et de postes de garde, n’a pas pu s’immuniser contre le nouveau coronavirus. Au moins 32 de ces employés ont été testés positifs ces dernières semaines, selon des responsables du gouvernement interrogés par l’Agence France Presse. Rien ne dit que le président Ashraf Ghani soit infecté.
«Il est isolé depuis le mois de mars. Il ne va quasiment pas aux réunions, il se connecte en vidéoconférence, explique l’un de ses conseillers. Il y a beaucoup de mesures prises dans le palais. Les gens portent des gants et des masques, tout est nettoyé sans arrêt. A mon avis, le nombre de gens infectés tient avant tout à celui de tests effectués. C’est sans commune mesure avec ce qui fait dans le reste du pays.»
Crise institutionnelle
L’Afghanistan a pour l’instant enregistré un peu moins de 1 000 cas, dont 30 morts, mais n’a effectué que 7 000 tests. Les premiers positifs datent de début mars, et se concentraient dans la province d’Herat, dans l’ouest du pays, à la frontière iranienne. Malgré l’intensité de la pandémie en Iran, les réfugiés afghans ont continué à rentrer chez eux, fuyant autant le coronavirus que l’effondrement de l’économie.
L’irruption du Covid-19, jusqu’au palais présidentiel, tombe d’autant plus mal que le pays vit une nouvelle crise institutionnelle et ne parvient pas à s’engager dans des négociations de paix avec les talibans.
Malgré des rumeurs récurrentes d’entente, le président afghan et son ancien chef de l’exécutif, équivalent de Premier ministre, Abdullah Abdullah, n’ont toujours pas réussi à se partager le pouvoir. Les deux revendiquent la victoire à la dernière présidentielle. Abdullah Abdullah ne reconnaît pas celle de Ghani, officialisée par la commission électorale.
En 2014 déjà, lors du précédent scrutin, il avait fallu l’intervention du secrétaire d’Etat américain John Kerry pour les forcer à mettre en place un gouvernement d’union nationale. Cette fois, Abdullah Abdullah refuse et exige une nouvelle répartition du pouvoir, avec une diminution de celui du président. Il aurait toutefois obtenu la garantie d’être nommé à la tête du Haut Conseil pour la paix. A ce titre, il sera chargé de superviser les négociations de paix avec les talibans.
Echange de prisonniers
Celles-ci auraient théoriquement dû débuter le 10 mars. C’est en tout cas ce que prévoyait l’accord signé le 29 février à Doha, au Qatar, entre les insurgés et les Etats-Unis, qui acte un calendrier de retrait des troupes américaines. Mais elles butent sur la question d’échange de prisonniers. Le texte signé prévoyait que jusqu’à 5 000 talibans seraient relâchés contre 1 000 policiers et soldats gouvernementaux, avant le 10 mars. Une option rejetée par Ghani qui estime que la question, et surtout l’identité des prisonniers relâchés, doit être débattue durant les discussions intra-afghanes.
Il a depuis fait quelques concessions, libérant 300 talibans à la mi-avril, contre 20 membres des forces de sécurité. Mais les insurgés refusent toujours de négocier avec Kaboul. Et il n’est plus question de trêve ou même de «réduction des violences», comme durant la semaine qui avait précédé la signature de l’accord avec les Etats-Unis. Dans la nuit de dimanche à lundi, les talibans ont mené des attaques dans trois provinces, tuant 23 soldats et policiers, et 9 civils.