Ancien directeur de l’Office national de l’assainissement du Sénégal (ONAS), Lansana Gagny Sakho est revenu lors de l’émission, Grand Oral, sur les raisons de son départ à la tête dudit office. Sur les ondes de la 97,5 Rewmi FM, il a indiqué que son limogeage a été précipité par son embrouille avec son ministre de tutelle, Serigne Mbaye Thiam.
Quel bilan tirez-vous de votre passage à l’Onas (office national d’assainissement du Sénégal)?
Quand vous intégrez une organisation, l’objectif c’est de la prendre à un point A pour l’amener à un point B. Octobre 2017, l’Onas c’était une organisation que les bailleurs de fonds fuyaient. Certains étaient partis parce qu’il y’avait beaucoup de problèmes. Octobre 2017 il y avait des problèmes d’organisation. Octobre 2017 également, il y avait des projets majeurs comme le projet de la baie de Hann qui a entendu pendant 20 ans, comme le projet de dépollution de Cambérène. Cambérène où les gens de l’Onas étaient interdits d’accès. Personnel pas très motivé. Moi je suis parti en janvier 2021 et je peux dire que j’ai rendu la fille sexy. J’ai fait ce qu’il fallait faire. J’ai fait ce pourquoi j’étais là. Les bailleurs de fonds courent aujourd’hui pour dire que nous voulons travailler avec l’Onas. Je pense que c’est ce que vous aviez oublié de dire. Il y’a la forte place du secteur privé aujourd’hui dans le domaine de l’assainissement. On ne peut pas continuer à travailler dans les domaines de performance sans impliquer le secteur privé. Je pense qu’à ce niveau-là des avancées significatives ont été faites et ce même travail va continuer à être fait un peu en Afrique.
L’assainissement est un secteur très difficile surtout quand il y’a des pluies. Avez-vous le sentiment d’être victime de la complicité du secteur?
Non pas du tout. Je suis très fier de ce que j’ai fait. Je pense que si on devait faire un bilan depuis l’existence de l’Onas en 1996, je peux dire que j’ai passé cette société d’un point A à un point B. Naturellement l’administration publique vous avez des difficultés parfois qui sont dues à des problèmes de trésorerie, qui sont dues à des problèmes de complexité, parfois des problèmes d’organisation. Mais notre rôle en tant que manager, ce n’est pas de poser les problèmes et de trouver des solutions. Je pense que les 3 années 4 mois que j’ai fait à l’Onas, je pense avoir fait ce qu’il fallait faire pour mettre ces réalisations sous orbite. Maintenant le reste c’est quand on met une entreprise d’un point A à un point B c’est qu’il faut c’est de le mettre d’un point C. Et la satisfaction ce n’est pas forcément quelque chose qui vient des autorités publiques mais plutôt des usagers. Je crois qu’il y’a des choses importantes qui ont été faites dans ce domaine. Je suis très fier mais à un certain moment il faut savoir partir. Vous savez il y’a des choses qu’on ne comprend pas forcément très bien. Parfois on s’accroche à des positions mais moi j’estime que quand vous restez 5 ans sur une position vous ne voyez plus rien. Vous tombez dans la routine et il faut savoir partir. Naturellement dans la fonction publique c’est un peu différent. Il faut aller relever d’autres défis et laisser la place d’autres. Sinon, vous rentrez dans une sorte de sclérose où vous ne voyez plus rien et vous n’êtes plus capable d’innover.
Avez-vous été frustré par votre limogeage ?
Je ne peux pas être frustré simplement parce que sur 15 millions de sénégalais, j’ai été choisi par le président de la République. Avoir une fonction de directeur général ce n’est pas un privilège mais un sacerdoce. C’est des difficultés. C’est tous les jours des demandes incessantes que vous devez régler sans forcément avoir les moyens. Mais c’est surtout parfois des relents de politique politicienne. Je ne suis pas du tout satisfait mais bien au contraire je suis très content de partir. On approche de la saison des pluies et ma fille me dit Papa al hamdoulilah. Je suis très content d’être parti d’autant plus que ce qui a été fait à l’Onas 2017, 2021 de façon objective, je crois que des pans importants ont été faits à tous les niveaux.
Vous l’avez dit, l’assainissement au Sénégal c’est un secteur difficile. Avez-vous justement eu à rencontrer des difficultés entre 2017 et 2021 ?
Il y’a des choses dont je ne peux pas parler parce que je dois avoir de la réserve. C’est bien que l’opinion sache pourquoi Lansana Gagny Sakho est parti. Lansana n’est pas parti parce qu’il a voulu recevoir Ousmane Sonko. Moi je pense qu’il faut recevoir Sonko parce que c’est un homme sénégalais qui a le droit de demander des informations comme tout le monde. C’est un patriote qui aime son pays même si nous avons des divergences. Je ne suis pas parti également à cause de ce que j’appelle l’incidence de Touba. Je précise que je ne regrette absolument rien de l’incendie de Touba. Si c’était à refaire, j’aurais refait exactement la même chose. Je ne suis pas parti également à cause des inondations de l’année dernière qui ont été très difficiles pour les populations. Je suis parti pour d’autres raisons. Je suis parti parce que simplement je ne m’entends pas avec Serigne Mbaye Thiam. Je suis très mal placé pour donner des conseils au président. Mais quand les gens pensent qu’un poste est acquis, ils ne font aucun effort. Moi j’ai 20 ans dans le secteur privé et le ministre il vient et il demande aux dg d’envoyer leurs CV. Je riais sous cape parce que moi je suis passé ailleurs et je sais comment ça marche. Et je sais que c’est parce qu’on est dans un gouvernement que lui il est ministre parce qu’il fait partie d’un quota. Dans une organisation normale, je ne pense pas qu’il aurait pu être mon patron. Le président parle de la modernisation du capital humain mais à un certain niveau il doit renvoyer certains de ses ministres à l’école. La pire des choses qui peut arriver à une personne c’est d’avoir l’impression qu’on comprend des choses alors qu’on ne comprend absolument rien.
Donc le problème ce n’est pas les directeurs généraux ?
Il y’a des secteurs qui sont stratégiques qu’on ne doit pas donner à n’importe qui. Parce que l’eau c’est aliment pour le bétail, l’eau c’est intrant pour l’agriculture mais l’eau c’est également facteur technique de production et l’assainissement la même chose. On a des problèmes majeurs qui sont en train d’être déroulés et je crois qu’on va droit dans le mur. L’assainissement le président a mis 250 milliards de Fcfa et on est à près de 450 milliards de Fcfa. Sur l’hydraulique vous êtes d’accord avec moi qu’il y’a des problèmes. Ce ne sont pas les directeurs généraux le problème. Vous savez un manager il faut être capable de mettre la musique pour que vos gars se donnent à fond pour faire avancer la machine. Vous construisez votre image pendant 20 ans, vous n’allez pas laisser un politicien le détruire. Pendant 4 mois j’écrivais des correspondances au ministre sans réponse. Donc pour moi, la meilleure décision était de partir au lieu de bloquer les chantiers de l’Etat.
Cheikh Moussa SARR
Rewmi