L’ancienne classe politique s’est retrouvée à l’Assemblée Nationale pour installer en mode fast track une commission d’enquête parlementaire.
Le Conseil Constitutionnel a exprimé publiquement sa ferme volonté de mener jusqu’à son terme le processus électoral. Ce qui signifie qu’il n’y aura pas de démission de ses membres.
L’Union des Magistrats du Sénégal a réaffirmé le principe de séparation des pouvoirs. Ce qui signifie qu’aucun magistrat n’ira répondre à l’Assemblée nationale à cette commission d’enquête parlementaire mise sur pied hier.
Que reste-t-il alors de cette volonté désormais clairement exprimée de reporter les élections ?
À vingt-quatre jours des élections présidentielles, à deux mois de la fin du mandat présidentiel, les membres de l’ancienne classe politique réclament de plus en plus l’usage de l’article 52 de la Constitution pour stopper le processus électoral dès lors qu’ils sont maintenant convaincus qu’ils ne peuvent obtenir l’arrêt du processus électoral par la démission collective des membres du Conseil Constitutionnel.
Heureusement pour notre pays, il n’y a pas pas de blocage des institutions.
L’exécutif, la justice, l’Assemblée Nationale, le Conseil Constitutionnel fonctionnent sans entrave dans le respect des prérogatives de chaque institution.
Il n’y a pas de menaces à nos frontières, il n’y a pas pas aussi de menaces de déstabilisation interne du pays.
C’est le calme plat et la tranquillité qui règnent dans notre pays et à ses frontières.
Il n’y a donc, naturellement, aucun fondement à une quelconque application de l’article 52 de notre Constitution par le Président de la République.
Aucune des circonstances de son application n’existe aujourd’hui au Sénégal.
Il y a les forces politiques unies, l’ancienne classe politique réunifiée à nouveau hier à l’Assemblée Nationale, qui veulent coûte que coûte stopper le processus électoral.
Elles veulent rien de moins qu’instituer un coup d’État institutionnel qui va aboutir à une situation politique inédite, le report des élections présidentielles du 25 février 2024.
Il est clair maintenant que le coup d’État pour aboutir a besoin obligatoirement, impérativement d’un coup de main final du Président de la République à soixante jours de la fin de son mandat.
Le Président de la République poserait alors un acte qu’aucun de ses prédécesseurs n’avaient posé auparavant.
Ni le président Léopold Sédar Senghor, ni le président Abdou Diouf et ni le président Abdoulaye Wade n’ont tenté de stopper un processus électoral pour l’élection présidentielle.
Les deux derniers présidents conduits à un second tour, perdu d’avance pour un président sortant, ont malgré tout poursuivi le processus électoral jusqu’à son terme et remis le pouvoir à leur successeur, notamment le président Macky Sall.
Le président Macky Sall acceptera-t-il d’être moins digne, moins élégant, moins chevaleresque que ses illustres prédécesseurs ?
Le président Macky Sall sera-t-il le président qui aura liquidé définitivement notre démocratie, ouvert les portes de l’arbitraire institutionnel et donné l’opportunité à l’armée de s’emparer du pouvoir pour restaurer l’ordre républicain bafoué ?
La décision d’user de l’article 52 de la Constitution pour dissoudre le Conseil Constitutionnel, suspendre le processus électoral, prolonger illégalement le mandat présidentiel ou remettre le pouvoir à l’ami d’enfance de la famille de la Première Dame sera un vrai coup d’État contre la République, la démocratie et la Nation.
Il faut dire à haute et audible voix les mots terribles qui siéent : ce sera un acte de haute trahison.
J’ose espérer que le Président de la République n’empruntera pas cette voie à quelques jours de la fin de son mandat.
J’ose espérer, qu’au dernier instant, dans un sursaut d’orgueil républicain, il se conformera à la raison et laissera le processus électoral aller à son terme.
L’Union européenne (UE) s’est impliquée dans le processus de contrôle externe de notre élection présidentielle.
J’ose espérer que cette mission sera une vraie mission de contrôle honnête, transparente et rigoureuse.
L’UE ne peut plus ignorer que l’Afrique d’aujourd’hui n’est plus l’Afrique néocoloniale d’hier.
Le peuple sénégalais ne lui pardonnera jamais plus si elle devait jouer un rôle de faire valoir, de godillot et d’observateurs complaisants face aux dérives autoritaires et antidémocratiques du pouvoir en place et de ses alliés de l’ancienne classe politique.
Les jeunesses sénégalaises et le peuple sénégalais ne diffèrent en rien à ceux du Mali, du Burkina Faso et du Niger.
À force de subir le comportement complaisant de l’Union européenne et de la France envers leurs gouvernants antidémocratiques et impopulaires, ils ont fini par jeter la France, l’Union européenne et même la CEDEAO dans la grande poubelle de l’histoire.
La responsabilité de la mission de l’UE est donc pleinement engagée comme d’ailleurs celle des missions diplomatiques présentes à Dakar.
Notre pays vit un tournant historique.
J’ose espérer que le Président de la République n’empruntera pas le chemin dictatorial des Républiques bananières d’Afrique et d’Amérique centrale.
Dakar, jeudi 1er février 2024