Une Saoudienne au concours international de beauté Miss Univers 2024? Il y a quelques années encore, c’était impensable dans ce pays musulman ultraconservateur, où les femmes n’avaient pas le droit de sortir sans leur voile et leur longue abaya noire.
Miss Univers « mène actuellement un processus rigoureux de sélection d’un candidat potentiel pour la franchise en Arabie saoudite », a déclaré à l’AFP Maria Jose Unda, coordinatrice des relations internationales de l’organisation.
Une décision est attendue « très, très bientôt », et il est « possible » que la monarchie du Golfe ait une déléguée à la prochaine édition du concours, prévue en septembre au Mexique, a-t-elle ajouté.
Derrière cette annonce, une polémique lancée par une femme mannequin de Ryad qui a affirmé en mars avoir été sélectionnée comme candidate à Miss Univers, ce que l’organisation a démenti plus tard.
La participation de l’Arabie saoudite à ce concours de beauté international, si elle se confirme, s’inscrirait dans la volonté du royaume d’adoucir son image, pour séduire touristes et investisseurs.
Berceau du wahhabisme, une interprétation puritaine de l’islam, l’Arabie saoudite a lancé depuis quelques années, sous le jeune prince héritier Mohammed ben Salmane, des réformes sociétales, allégeant des restrictions imposées aux femmes et ouvrant son économie aux divertissements.
Le premier exportateur mondial de pétrole a longtemps été associé à la répression des femmes en raison des règles très strictes qui leur étaient imposées, comme l’interdiction de conduire et l’obligation de porter l’abaya et le voile.
Ces restrictions ont été levées il y a quelques années, mais la loi sur le statut personnel, entrée en vigueur en 2022, comporte encore des dispositions discriminatoires à l’égard des femmes.
Fin mars, Rumy al-Qahtani, mannequin de Ryad, a fait le buzz sur les réseaux sociaux en annonçant à ses centaines de milliers d’abonnés sur Instagram qu’elle était « honorée » d’avoir été choisie pour représenter le royaume à Miss Univers. La publication de cette femme de 27 ans était accompagnée d’une photo d’elle en robe moulante et décolletée, tenant le drapeau saoudien vert, couleur de l’islam.
Moins d’une semaine plus tard, Miss Univers a publié un communiqué qualifiant le message de Mme Qahtani de « faux et trompeur » et affirmant qu’aucun processus de sélection n’avait encore été mené dans le pays.
– « Commentaires négatifs » –
Dans sa maison à Ryad, où elle vit avec sa mère et sa sœur, Rumy al-Qahtani maintient avoir été approchée par les organisateurs du concours.
« Le comité de Miss Univers m’a contactée pour représenter l’Arabie saoudite (…). Nous sommes toujours en train de négocier, et j’espère que cela aboutira à une fin heureuse », a-t-elle affirmé dans une interview à l’AFP.
Mais selon la responsable de Miss Univers, la procédure prévoit qu’un concours soit organisé en Arabie saoudite par le représentant national pour choisir celle qui ira au Mexique.
« Nous ignorons la raison pour laquelle (Qahtani) a annoncé sa candidature, mais si elle veut participer au concours en Arabie saoudite, elle devra passer par le même processus de sélection que toutes les autres candidates », a déclaré Maria Jose Unda.
Mme Qahtani a affirmé à l’AFP avoir déjà participé à plusieurs concours de beauté au Moyen-Orient et en Europe, affichant les écharpes qu’elle dit avoir obtenues lors de ces compétitions.
Elle a également raconté avoir dû répondre à des questions parfois inattendues sur l’Arabie saoudite, notamment celle d’une concurrente européenne qui lui a demandé si elle avait des barils de pétrole chez elle.
Dans son pays, cette femme mannequin a dit avoir fait face à des critiques, notamment après s’être affichée enveloppée du drapeau saoudien.
« Il y a eu des commentaires négatifs », a-t-elle affirmé, alors que de « nombreux sportifs se prennent en photo avec le drapeau de la même manière ».
« Dans les concours de beauté aussi, chaque fille porte le drapeau de son pays, je n’ai pas du tout voulu être offensante », a-t-elle ajouté.
Malgré les critiques, sa mère a dit la pousser à poursuivre sa voie.
« Je lui dis toujours de continuer, et qu’elle a parcouru un long chemin pour une Saoudienne », a affirmé Fawzia Ayed: « Rumy a encouragé beaucoup de filles ».