Conformément aux recommandations de réorganisation de la prière du vendredi qu’il avait données il y a quelques jours, le Khalife général des mourides, Serigne Mountakha Mbacké, a accompli ladite prière ce vendredi 27 mars à la Grande Mosquée de Touba, dans des conditions assez particulières de limitation des fidèles et de respect des normes sanitaires.
En effet, dans un contexte de lutte contre la propagation du Coronavirus, les directives des autorités sanitaires de l’Etat du Sénégal portent, entre autres, sur l’interdiction ou la limitation de tout rassemblement humain ou activité à même de favoriser les contaminations de masse, allant même jusqu’à la fermeture de mosquées.
Pour rappel, dans sa démarche de soutien à l’action publique et d’autorité religieuse soucieuse du bien-être sanitaire, moral et spirituel des citoyens, le Khalife des mourides s’illustra d’abord à travers la première et jusqu’ici plus importante contribution financière (de 200 millions) pour soutenir cette cause nationale. Toujours dans sa dynamique de collaboration avec l’autorité publique dans son combat contre les grands regroupements socio-religieux, le Khalife émit, avec le soutien louable de la famille de Serigne Fallou Mbacké, le Ndigeul de surseoir à la célébration traditionnelle du Magal de Kazou Rajab, constituant le second plus important rassemblement du Mouridisme, après le Magal de Touba. Une recommandation inédite dans l’histoire du Mouridisme, à laquelle les disciples mourides se sont tous conformés avec une rare fidélité qui démontre une fois de plus la remarquable capacité de discipline de cette communauté. Et c’est dans cette même lancée, initiée par le Khalife, que tous les autres futurs magals et grands événements du Mouridisme sont en train d’être annulés, reportés ou célébrés dans des conditions différentes des éditions passées (Magal de Darou Mouhty, de Serigne Chouhaibou etc.) Parallèlement (ou à la place) de ces manifestations, le Khalife recommanda des séances de récitation de Coran et d’imploration du Pardon de Dieu, le Tout-Puissant, pour juguler ce fléau en face duquel les nations les plus puissantes n’ont pu résister.
A la suite de ces dispositions communautaires, Serigne Mountakha mettra ensuite à la disposition du district sanitaire de Touba des moyens conséquents (terrain pour l’hôpital militaire, denrées alimentaires pour les familles en quarantaine, espaces d’hébergement pour les renforts envoyés etc.) pour une prise en charge optimale des cas détectés dans la ville sainte et la prévention d’éventuels nouveaux cas. Tout en encourageant la sensibilisation des populations sur l’importance du respect des mesures d’hygiène et des gestes-barrières édictés par les autorités publiques (en souscrivant personnellement à se laver publiquement les mains avec un gel hydro-alcoolique dans la mosquée). Avec l’appui des organisations mourides, comme Touba Ca Kanam, qui contribua, à la suite du Khalife, avec un budget de 45 millions CFA en produits et matériels destinés aux structures sanitaires de Touba, aux daaras confinés, aux mosquées et morgues, aux autres services de l’Etat (police, sapeurs pompiers…) etc. A quelque chose, malheur étant quelques fois bon, l’apparition du Coronavirus à Touba est ainsi en train de créer un intéressant modèle de prise en charge communautaire des crises sanitaires et autres problématiques, méritant d’être mieux appréhendé.
Ces initiatives éclairées et éminemment responsables de l’autorité suprême des mourides, soutenues par les dynamiques communautaires, ont sans nul doute contribué au recul de la pandémie actuellement constaté dans la zone de Touba que beaucoup pourtant redoutaient, il y a juste quelques jours, comme principal « foyer local » du Covid-19 dans le pays (Dakar semblant constituer, en ce moment, le prochain foyer majeur, soulevant même la question d’une éventuelle mise en quarantaine de la capitale, selon les requêtes précédemment émises envers Touba par certains acteurs publics).
Lorsque la question de la fermeture des mosquées fut évoquée, le Khalife des mourides notifia clairement aux autorités publiques que, quoique cette prérogative relève de leur responsabilité régalienne exclusive (auquel cas, il s’y confirmerait de façon citoyenne), mais en tant que autorité religieuse, il proposait une alternative à la fermeture totale des mosquées (à laquelle il refusa catégoriquement de procéder personnellement, selon les témoins). Une alternative brillante et équilibrée à même de respecter à la fois les directives contre les risques de contamination suscités par les rassemblements religieux et de préserver en même temps le souci majeur de beaucoup de croyants musulmans (dont lui-même) de ne pas arrêter totalement le culte dans les mosquées.
Cheikh Mouhamadou Mountakha suggéra ainsi aux autorités, en prenant comme modèle la grande mosquée de Touba (sans nécessairement en réclamer de même pour les autres), de continuer à y faire l’appel à la prière, d’y effectuer les prières quotidiennes et celle du vendredi, sous de nouvelles conditions conformes aux règles requises, en ces termes :
« La prière du vendredi pourrait désormais se faire avec le quorum de douze (12) fidèles minimum (préconisé dans l’école malékite) qui respectant les distances réglementaire et les autres mesures sanitaires. Le quorum légal des prières canoniques étant de trois (3) personnes minimum. De tels quorums pourraient d’ailleurs être facilement réalisés avec le personnel qui gère la mosquée, notamment les agents du Dahira Moukhadamatoul Khidma dont moi-même me considère comme faisant partie [sans doute, en sa qualité de « gardien des lieux saints » du Mouridisme]. Les autres fidèles pourront ainsi rester et prier chez eux, dans la mesure où l’obligation cultuelle collective (fardu kifaaya) sera accomplie, au nom de toute la communauté, par un groupe d’entre eux qui en déchargera tous les autres. »
Cette position médiane du Khalife des mourides (incomplètement relayée, il faut le dire, par les grands médias, qui se contentèrent uniquement d’une partie de la proposition), qui justifie sa participation symbolique à la prière et à la préservation du culte rendu à Dieu (non moins importante à ses yeux, en ces moments d’épreuves, que les autres mesures matérielles) nous semble éminemment éclairée et justifiable dans le contexte actuel. En effet, dans d’autres domaines de la vie publique, l’Etat du Sénégal semble avoir fait le choix de la LIMITATION et de la RÉGLEMENTATION plutôt que celui de l’arrêt radical de toute activité dans lesdits domaines ou du confinement intégral. Il en est ainsi du secteur du transport dont les usagers et les conditions de circulation ont été simplement réadaptés au contexte. De même que du secteur administratif ou des entreprises (banques, sociétés, réunions officielles, commerces, marchés etc.) dont certaines règles d’organisation et de fonctionnement ont été juste modifiées. Au même titre que l’état d’urgence et le couvre-feu décrétés, qui ne vont pas jusqu’au confinement total des populations et ne s’opposent pas non plus totalement à la libre circulation des biens et des personnes (réorganisée sous de nouvelles dispositions réglementaires plus restrictives) etc. Une situation qui, d’ailleurs, n’a point manqué de susciter certains questionnements : comment comprendre l’empressement frappant de nos autorités à fermer tous les lieux de culte du pays, en n’envisageant aucune mesure alternative de réglementation, tout en ne faisant pas montre du même zèle envers les autres sources de rassemblements comme les marchés etc. ?
À travers l’approche proposée par le Khalife des mourides, l’on pourrait assurément tirer de remarquables enseignements sur un modèle de vie plus équilibré, à même de concilier harmonieusement nos CONDITIONS de vie à nos RAISONS de vivre ; le respect des règles sanitaires qui nous permettent de rester en vie et la conformité à nos valeurs fondamentales pour qui nous voulons rester en vie. En somme le Zaahir (éxotérique) au Baatin (ésotérique), la Sharia (règles extérieures) à la Haqiqah (Réalités intérieures).
Une excellente leçon de foi et de Tawhid (foi en l’Unicité absolue de Dieu) du Patriarche de Darou Minan, qui nous rappelait, il y a juste quelques jours :
« C’est Dieu qui choisit les personnes qui tomberont malades et celles qui seront épargnées par cette pandémie. Cette maladie ne décide pas de tout. C’est une simple créature de Dieu et elle ne fera que ce que Dieu voudra qu’elle fasse. Tout vient de Dieu. Tout ce qui arrive à l’être humain est juste la résultante de la volonté de Dieu. Cela ne veut pas dire que nous ne devons prendre aucune précaution. Au contraire. Car se conformer aux prescriptions des médecins est aussi un acte musulman… »
Puisse le Seigneur lui prêter longue vie pour le bien de l’Islam et de toute la nation, puis préserver notre pays et le monde entier de ce fléau.
Abdoul Aziz Mbacke MAJALIS