@Atlanticactu.com – Pour avoir révélé les financements d’un montant de 118 milliards de francs injectés par l’Union Européenne dans la lutte contre l’immigration clandestine et questionné sur les bénéficiaires, le président d’Horizons Sans Frontières, Boubacar Seye a été cueilli à sa descente d’avion la semaine dernière avant d’être placé sous mandat de dépôt pour diffusion de fausses nouvelles. L’UE revient sur les lieux du crime et révèle avoir financé à hauteur de 130 milliards quand la Fondation HENRICH BOLL STIFTUNG traque 200 milliards.
L’arrestation de Boubacar Seye a fait naître une véritable polémique sur les fonds injectés par l’Union européenne dans le cadre de la lutte contre l’immigration clandestine. Une arrestation qui ne rend pas service au président Macky Sall et à son gouvernement qui viennent de voir tour à tour l’Union européenne et le rapport de la fondation HENRICH BOLL STIFTUNG, noircir le tableau et donner raison au président de l’ONG Horizons sans frontières.
Si on se fie au document de l’UE, la jeunesse et l’emploi des jeunes sont, en effet au cœur de chacune des actions de l’UE dans le cadre de son partenariat avec le Sénégal. La publication de l’agenda européen en matière de migration, en 2015, et le nouveau cadre de partenariat avec les pays tiers en matière de migration, de juin 2016, ont permis à l’UE d’engager un dialogue intensifié avec le Gouvernement du Sénégal sur les questions liées aux migrations. En juillet 2016, le Sénégal est devenu l’un des 5 pays prioritaires du Cadre de Partenariat.
Après l’Union européenne, c’est la fondation allemande HENRICH BOLL STIFTUNG qui révèle plus de 200 de Fonds injectés dans des projets migratoires au Sénégal à travers un rapport d’une fondation allemande qui confirme Boubacar Sèye.
Sur commande de la Fondation Heinrich Böll Sénégal, une étude a été réalisée sur les projets et programmes migratoires au Sénégal de 2005 à 2019. Le document signé du Dr Mamadou Dimé, sociologue et enseignant-chercheur au Département de sociologie de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, fait part d’ « une avalanche de financements pour des résultats mitigés ». Comme pour confirmer les doutes du président de l’ONG Horizon sans frontière (HSF) sur l’utilisation de l’argent injecté par l’Union Européenne dans la lutte contre l’émigration clandestine au Sénégal.
Entre 2015 et 2019, le Sénégal reçoit par l’intermédiaire du FFUE au moins 170,8 millions d’euros (environ 112 milliards de francs CFA) pour une dizaine de projets. Au total, de 2015 à 2019, plus de 120 milliards de francs CFA (environ 182 millions d’euros) ont été, au total, décaissés pour la mise en œuvre des projets et programmes orientés vers la dissuasion des migrations irrégulières, soit une augmentation de 140% par rapport à la période précédente.
Selon ledit rapport parcouru, plus de 200 milliards de francs CFA (environ 305 millions d’euros) ont été investis au Sénégal, dans le domaine de la migration entre 2005 et 2019, principalement autour de trois axes. Il s’agit de la surveillance des frontières, favoriser les retours, et améliorer la situation socio-économique dans les zones de départ.
En plus, cette période est marquée par une augmentation massive des financements de l’Union européenne relatifs à la migration irrégulière. Durant cette période, l’Union européenne a lancé le Fond fiduciaire d’urgence en faveur de la stabilité et de la lutte contre les causes profondes de la migrations irrégulière et du phénomène des personnes déplacées en Afrique (FFUE) visant à appuyer la mise-en-œuvre de la déclaration politique commune de La Valette.
Malgré l’augmentation exponentielle des financements, des résultats mitigés, les résultats de ces projets et programmes sont « mitigés du fait que les montants dépensés ne sont pas à la hauteur des attentes et des objectifs pour lesquels les projets et programmes ont été mis en œuvre », relève Dr Mamadou Dimé.
L’auteur du rapport explique « ces résultats mitigés peuvent s’expliquer par différents facteurs, à commencer par un éparpillement des responsabilités institutionnelles dans la gouvernance des migrations ». Car, remarque-t-il, « il n’existe aucune structure au Sénégal ayant pour mandat d’aborder le fait migratoire dans sa transversalité (émigration, migration interne et immigration) ».
Cet éparpillement institutionnel, avance-t-il « contribue à faire de la migration un champ éclaté propice à la multiplication des initiatives sans un cadre de concertation apte à fédérer les actions et à contrecarrer le chevauchement et la duplication des programmes et des projets ». Il empêche aussi « l’émergence d’une ligne politique claire et cohérente dans la gouvernance des enjeux et défis posés par les migrations ».
Egalement, une note de recherche publiée par l’OIM en 2019 constate une recrudescence des migrations irrégulières du Sénégal vers l’Espagne par la voie maritime en 2018. Cette étude conclut que le « manque d’opportunités économiques » et « l’image positive de la migration » véhiculée par les proches continuent à pousser les jeunes Sénégalais à la migration irrégulière.
Un éparpillement des responsabilités institutionnelles et une absence de politique claire et cohérente. Des frustrations grandissantes quant à des projets et programmes qui ne bénéficient pas aux population
Des migrants de retour et candidats à l’émigration interrogés, ont exprimé leurs préoccupations et leurs frustrations. Ils ont mis en exergue le décalage entre l’ampleur des financements proposés par les bailleurs au Sénégal et les montants qui parviennent finalement aux populations. Les migrants ayant bénéficié de l’assistance de l’OIM dans le cadre de retours volontaires estiment souvent que les montants alloués sont « insuffisants et finissent par remettre en cause la pertinence de cette assistance ».
« J’ai tenté de partir en Europe en passant par le Mali puis le Niger et la Lybie. Je suis resté bloqué au Niger avec beaucoup d’autres jeunes Sénégalais. Nous avons connu la galère dans ce pays. Lorsque l’OIM nous a proposé de rentrer au Sénégal, moi je n’ai pas hésité car je n’en pouvais plus. Lorsque je suis rentré, on nous a proposé des montants insignifiants pour pouvoir faire quoi que soit.
Mieux, renseigne t-il, « Il ne se passe pas un mois sans que l’on ne parle à la télé de financements accordés à des migrants de retour. C’est beaucoup d’argent […]. On se demande où part cet argent et qui en profite. […] Dans mon entourage, chez mes compagnons avec qui je suis rentré, je ne connais personne ayant réussi à bénéficier d’un quelconque financement. L’argent destiné à aider les migrants de retour doit arriver jusqu’à nous. Nous avons beaucoup de projets mais nous n’avons pas les moyens de les réaliser.».
Atlanticactu.com