Sortons de nos habitudes. Cet article ne s’adresse pas aux lecteurs de Ajib.fr. Il s’adresse à nos amis, nos collègues de travail, nos camarades de classe, nos voisins, nos détracteurs, et tous ces inconnus qui nous lisent ou nous écrivent chaque jour.
Le nombre d’articles sur le Ramadan ces derniers jours était très important sur les médias les plus lus en France. Mais malheureusement peu d’articles traduisent vraiment la réalité de la façon dont ce mois est accueilli et vécu par les musulmans eux-mêmes. Le Monde, par exemple, parle d’un Ramadan « morose » et cite un témoin qui a priori aurait décidé de ne pas pratiquer le Ramadan cette année « en raison du confinement », ou d’autres qui rattraperont les prières plus tard. BFM cite en live les propos heurtants du Ministre qui parle « d’éviter les rassemblements sauvages ». Libération parle d’un « casse-tête » pour les mosquées et de prétendues retombées économiques catastrophiques, et regrette que « contrairement aux cultes chrétiens qui ont vu exploser la diffusion de leurs offices sur les réseaux sociaux, rien de tel en islam ». Une information qui semble à contre-courant des multitudes d’interventions en ligne d’imams, prédicateurs, ou instituts, et avec le lancement de multiples initiatives de cours en ligne, de récitation de coran à distance, de rappels spirituels, et de classes pour les enfants… Le Huffpost parle de « Triste Ramadan » et évoque une instruction officielle des autorités Tajiks qui auraient demandé aux fidèles de ne pas pratiquer le Ramadan en raison du COVID19…
Commençons donc par quelques lignes sur ce qu’est vraiment le Ramadan pour les musulmans et les musulmanes : une grande miséricorde.
Le Ramadan est une miséricorde. Une bonne nouvelle.
Un invité dans nos vies imparfaites pour nous rappeler à notre condition d’être charnel, soumis à la faim, à la soif, aux passions… mais aussi et avant tout à notre condition d’être spirituel, qui peut dépasser justement cette faim, cette soif, et ces passions, de son propre libre arbitre, pour les soumettre à une volonté supérieure. Car le jeûne, la privation matérielle, comme nous l’indique notre texte sacré le Coran, nous est prescrit, tout comme il a été prescrit aux nations avant nous, pour que nous atteignons la piété.
Priver le corps, pour nourrir le coeur. Ce coeur si affamé de nourriture spirituelle tout au long de l’année qu’il se réjouit pleinement de l’arrivée d’un mois entier qui va le nourrir abondamment dans ses jours comme dans ses nuits. Le coeur du musulman est donc heureux de recevoir cette miséricorde du mois de la piété, et confiné ou pas, ce plaisir est pleinement ressenti.
Il le sera peut être même d’avantage cette année, malgré les contraintes dues à cette crise sanitaire sans précédent dans nos vies, car jamais autant que ces dernières semaines nous avons ressenti tous autant que nous sommes, musulmans ou non, à quel point notre condition d’être humain est faible, impuissante, soumise, face au décret divin. Que ceux qui ne croient pas se posent vraiment la question au coeur de leur nuit, seuls, enfermés chez eux: n’est ce pas dans la privation et dans l’isolement que notre coeur se réveille et comprend enfin qu’il y a une puissance au dessus des hommes, bien au dessus des hommes, qui préside à un destin que l’on ne peut soumettre à nos volontés ou à nos desseins.
La deuxième caractéristique si importante du Ramadan, bien plus importante que celle communément citée du partage ou de la fête familiale, c’est la spiritualité. Et cette spiritualité se nourrit abondamment du texte sacré, le Coran, qui est honoré par tous les musulmans en ce mois béni. Dans tous les foyers, le Coran est honoré à longueur de journée et de nuit, par l’écoute de la psalmodie de ses 6236 versets tout au long du mois, par la lecture, chaque jour d’une dizaine à une vingtaine de pages, à l’occasion de prières collectives de la nuit ou de lectures individuelles en journée. Par la réflexion aussi, sur le sens de ses versets, qui rappelons-le traitent autant des obligations et interdictions, que des histoires des Prophètes tous autant qu’ils sont – Issa (Jésus), Moussa(Moïse), Ibrahim(Abraham), Youssef (Joseph), Yaqub (Jacob), Ishaq (Isaac), Ismaïl (Ismael) et tous les autres – que de la Création et du Créateur, le Tout Puissant, le Tout Sachant, le Miséricordieux…
Le musulman passe une dizaine à une vingtaine d’heures par jour à jeûner pendant le mois du Ramadan selon son fuseau horaire, mais il passe aussi deux heures ou plus par jour en prières et en invocations ce que l’on oublie souvent de dire. Oui, les mosquées nous manquent terriblement, car le musulman est attaché aux mosquées tout au long de l’année et particulièrement pendant le mois de Ramadan (pour écouter les meilleures récitations du Coran en groupe pendant les nuits). Mais l’essence même de l’Islam est d’avoir cette relation continue avec son Créateur en tout temps et tout lieu: on interrompt cinq fois par jour notre quotidien pour prier nos prières obligatoires, on interrompt notre rythme effréné chaque année pendant un mois pour prier et jeûner un mois entier intensément, et on interrompt notre vie entière une fois au moins dans notre existence pour tout laisser derrière nous pour un pèlerinage vers le Créateur.
Interrompre son quotidien, pour se rapprocher du Créateur. Voilà une autre faveur du Ramadan. Et quelle meilleure occasion que ce quotidien stressant et inquiétant pour voyager le coeur soumis et rasséréné vers le Créateur des Cieux et de la Terre.
Evidemment il y a d’autres faveurs, et il serait trop long de les citer: le partage, avec les voisins, avec les proches, avec les pauvres, car le mois du Ramadan est le mois du partage. Le repentir, car la promesse du Créateur est de pardonner pendant ce mois béni les péchés de tous les serviteurs sincères. L’humilité.
Il faut vivre le Ramadan pour en parler. Et nous sommes si heureux de le vivre. A vous de partager. N’hésitez pas à nous dire en quoi ce mois de Ramadan sera si spécial pour vous. Et de partager ces quelques paragraphes avec ceux que vous appréciez.