Pour le facilitateur général, l’esprit du Dialogue, c’est la co-construction et l’inclusion. Loin d’être un exercice de forme, soutient le Dr Cheikh Gueye, l’exercice doit être un tournant utile pour notre démocratie.
Dr Cheikh Guèye, vous avez été nommé facilitateur général du Dialogue national sur le système politique. Vous avez entamé une tournée auprès des chefs religieux. Pourquoi une telle initiative ?
Effectivement, dès ma nomination, j’ai tenu à initier une tournée d’information et de concertation auprès des chefs religieux. Cette démarche répond à une double exigence. D’abord, elle vise à reconnaître le rôle éminent que ces autorités spirituelles qui, de par notre histoire, notre géographie, nos réalités socio-culturelles, sont des piliers de notre contrat social qui nous a assuré une certaine stabilité depuis l’indépendance.
Les khalifes généraux des grandes confréries musulmanes, les associations islamiques de toute obédience, l’Église sont essentiels dans la préservation de notre cohésion sociale et constituent les derniers recours dans les situations de crise. Ensuite, il s’agit d’associer toutes les forces morales à ce processus, afin de renforcer l’ancrage du dialogue dans notre socle de valeurs partagées : l’écoute, la tolérance, la paix et la recherche du consensus. Leur bénédiction, leurs conseils et leur implication sont essentiels pour créer un climat favorable à des échanges sincères et productifs.
Le Dialogue débute le 28 mai prochain. Où en êtes-vous en termes de démarches ?
Nous sommes dans une phase très active de préparation. Après l’envoi des Termes de référence provisoires dès début avril aux parties prenantes, elles ont été invitées par le président de la République à y intégrer leurs propositions. Un premier délai avait été donné, mais après ma nomination, j’ai demandé une meilleure dissémination des Termes de référence en direction des autres forces vives de la Nation et un nouveau délai, jusqu’au 15 mai, pour recevoir des réactions.
L’État a également relancé la plateforme « Jubbanti » qui avait servi à recueillir les points de vue des citoyens d’ici et de la diaspora durant les Assises de la justice. Cette plateforme est un dispositif d’inclusion et un espace d’expression qui permet de contribuer directement au Dialogue en répondant à un questionnaire simple ou à télécharger des documents ou des vidéos. Par ailleurs, je poursuis les consultations avec les différentes parties prenantes : acteurs politiques de l’opposition comme du régime, société civile, organisations de jeunesse et de femmes, etc.
L’objectif est d’assurer une participation large, équilibrée et représentative à ce Dialogue national pour lui donner une légitimité forte et construire des consensus solides sur le système politique sénégalais après une quinzaine d’années qui ont vu se succéder les Assises nationales, les travaux de la Commission nationale de réforme des institutions (CNRI) et d’autres concertations dont ce Dialogue-ci doit être un aboutissement. Tout est donc mis en œuvre pour que ce Dialogue soit inclusif, méthodique et orienté vers des résultats concrets.
C’est quoi, selon vous, l’esprit de ces concertations ?
L’esprit du Dialogue, c’est la co-construction et l’inclusion. C’est en tout cas ce que le chef de l’État Bassirou Diomaye Faye m’a instruit de favoriser inlassablement. C’est aussi la reconnaissance de notre interdépendance. C’est admettre que, quelles que soient nos divergences, nous partageons une volonté commune : celle de bâtir un Sénégal stable, démocratique et prospère. Le Dialogue doit être un espace de vérité, mais aussi d’ouverture et de respect mutuel. Il ne s’agit pas de négociations partisanes, mais d’une démarche où chacun vient avec la volonté de construire ensemble, dans l’intérêt supérieur de la Nation. L’écoute active, la bonne foi et la recherche du consensus doivent être nos lignes directrices.
Et qu’en est-il de la méthodologie ?
La méthodologie repose sur plusieurs principes : la transparence, l’inclusivité, la rigueur et l’efficacité. Le dialogue est organisé autour de commissions thématiques qui traiteront des grandes questions de notre système politique : démocratie participative, libertés, droits humains, institutions, partis politiques, financements, réforme électorale, entre autres. Chaque commission sera animée par des modérateurs neutres, et les travaux se feront sur la base de documents de référence validés par les parties. Nous veillons à une bonne représentativité dans chaque groupe de travail. Des mécanismes de remontée des contributions citoyennes sont également mis en place, car le Dialogue ne peut être confiné aux seuls cercles institutionnels.
Certains acteurs politiques proposent la mise en place d’une structure chargée de faire le suivi des engagements. Vous en pensez quoi ?
C’est une proposition pertinente, et elle mérite toute notre attention. L’une des critiques récurrentes à l’égard des dialogues passés concerne justement l’absence ou la faiblesse du suivi. Pour garantir la crédibilité et l’efficacité de ce processus, il est indispensable qu’un dispositif de suivi-évaluation soit mis en place, avec une composition pluraliste, un mandat clair et des moyens suffisants. Cela permettra de s’assurer que les engagements pris sont effectivement traduits en actes, dans un esprit de redevabilité et de transparence. Ce Dialogue ne doit pas être un exercice de forme, mais un tournant utile pour notre démocratie.
Propos recueillis par Aly DIOUF