L’attaque coordonnée du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM) dans la région de Kayes, à la frontière entre le Mali, le Sénégal et la Mauritanie, suscite une vive inquiétude. Le chercheur Bakary Sambe, spécialiste des radicalismes religieux, y voit un tournant préoccupant dans la stratégie du groupe terroriste.

Le 1er juillet 2025, aux premières heures de la matinée, plusieurs localités maliennes ont été la cible d’assauts simultanés du JNIM, notamment Diboli, Gogui, Niono, Sandaré et Nioro du Sahel. L’attaque de Diboli, située à quelques kilomètres de la ville sénégalaise de Kidira, a particulièrement attiré l’attention, posant la question de l’extension régionale de la menace.

Le Dr Bakary Sambe, enseignant-chercheur au Centre d’étude des religions (CER) de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis et directeur du Timbuktu Institute, analyse ces offensives comme le signe d’une montée en puissance du groupe. Il souligne la capacité du JNIM à combiner des tactiques militaires sophistiquées avec l’instrumentalisation des fragilités socio-économiques des régions concernées.


Une nouvelle étape tactique du JNIM

Selon Dr Sambe, cette série d’attaques révèle une stratégie bien rôdée : affaiblir davantage l’État malien en ciblant ses points névralgiques — postes douaniers, bases militaires, axes logistiques — et prendre le contrôle de zones frontalières stratégiques. La région de Kayes, marquée par une faible présence étatique et des frontières poreuses, offre un terrain idéal pour les opérations du JNIM, qui semble vouloir étendre sa sphère d’influence jusqu’aux portes du Sénégal.

La Katiba Macina, la branche la plus active du JNIM, aurait mobilisé environ 8 000 combattants pour ces opérations, selon les sources analysées. Le groupe, qui a revendiqué les attaques via sa chaîne Al-Zallaqa, démontre une coordination tactique avancée et une capacité de communication rapide. Il tire ses ressources non seulement du trafic d’or et de bétail, mais aussi d’un lucratif trafic de bois qui aurait généré plus de 13 millions de dollars rien que dans la zone de Kéniéba entre 2019 et 2021.


Un vide sécuritaire exploité

Le désengagement des forces internationales, notamment le retrait de la MINUSMA en 2023 et celui des forces françaises en 2022, a laissé un vide sécuritaire que le JNIM exploite habilement. La coopération militaire avec la Russie via le groupe Wagner puis Africa Corps peine à stabiliser la situation, d’autant que des exactions présumées entachent leur crédibilité auprès des populations locales.

Bien que les Forces armées maliennes (FAMa) aient réussi à repousser certaines attaques, notamment à Niono où 30 terroristes auraient été neutralisés, le bilan global souligne l’ampleur du défi. Pour Bakary Sambe, une réponse strictement militaire ne peut suffire face à une guerre asymétrique. Il appelle à une approche multidimensionnelle intégrant coopération transfrontalière, partage du renseignement, et investissements dans la résilience socio-économique des territoires vulnérables.

Une stratégie d’isolement de Bamako et de régionalisation de la menace

Le véritable objectif du JNIM semble être l’isolement progressif de Bamako, à travers la perturbation des circuits logistiques et le contrôle des axes commerciaux. En consolidant sa présence dans l’ouest du Mali, le groupe cherche à étendre son influence vers le Sénégal et la Mauritanie, menaçant ainsi la stabilité régionale.

Dr Sambe met également en garde contre une communautarisation croissante de la violence, qui pourrait aggraver les tensions intercommunautaires et compliquer davantage la lutte contre le terrorisme. Il plaide pour une révision en profondeur des stratégies de sécurité, tenant compte des dynamiques locales, culturelles et économiques.

Conclusion

Les attaques du 1er juillet marquent un tournant dans la trajectoire du JNIM. Le groupe démontre une capacité de projection régionale préoccupante. Pour Bakary Sambe, seule une réponse coordonnée, transversale et inclusive pourra freiner cette menace en constante évolution.