Le parquet financier sénégalais a ordonné ce vendredi une enquête criminelle sur un contrat d’armement de 45,3 milliards FCFA (68 millions €) signé fin 2021 sous la présidence de Macky Sall. La Division des investigations criminelles (DIC) devra élucider des soupçons de détournement de fonds publics et blanchiment, révèle une source judiciaire confirmant une information de Libération.
Un contrat controversé
Attribué le 30 décembre 2021 par le ministère de l’Environnement à la société Lavie Commercial Brokers-SUARL, ce marché classé « secret défense » couvrait des équipements de sécurité, véhicules et matériel logistique. Problème : l’entreprise venait d’être créée six semaines plus tôt à Dakar.
Les acteurs-clés
Deux hommes émergent :
David Benzaquen, signataire officiel et ex-employé d’un marchand d’armes israélien ;
Aboubacar Hima dit « Petit Boubé« , courtier nigérien dont le numéro de téléphone servit à immatriculer Lavie Brokers selon le parquet.
L’alerte financière
La CENTIF (Cellule anti-blanchiment) a décelé des flux suspects dans une banque dakaroise :
Trois comptes ouverts par Hima (Lavie, Eurocockpit, Technologie Service International) ;
3 milliards FCFA transférés entre ces entités ;
605 millions FCFA retirés en espèces sur 48 heures (dont 185 millions en une seule opération) sans justificatif ;
565,5 millions perçus par « Petit Boubé » pour des conteneurs… jamais existants selon les enquêteurs.
Les incohérences majeures
Le dossier révèle deux anomalies criantes :
Une avance de 34 milliards FCFA versée alors que le contrat exigeait un préfinancement par l’entreprise ;
Des virements fragmentés vers l’étranger et conversions en devises non justifiées.
La réponse judiciaire
Le procureur financier Alioune Abdoulaye Sylla suspecte un système de « surfacturation et commissions occultes« . Il a ordonné à la DIC :
D’identifier tous les responsables ;
De tracer les flux financiers ;
D’établir les responsabilités dans cette opération jugée « complexe et opaque« .
Contexte politique
Ce contrat signé à la fin du deuxième mandat de Macky Sall relance le débat sur la gouvernance des marchés « secret défense ». Aucun commentaire n’a été obtenu de l’ancien président à l’heure de publier cet article.