C’est le moment d’offrir une porte de sortie honorable à Salif Sadio en lui reconnaissant que son combat n’a pas été vain, pour nous avoir permis d’avoir un nouveau contrat social sénégalais, qui fonde une société plurielle mais indivisible.
César Atoute Badiate est venu à Canossa. C’est juste une question de temps mais Salif Sadio aussi viendra à Canossa. Depuis l’offensive lancée par le Colonel Kandé pour nettoyer le Sud de la Casamance en janvier 2021, ce qui restait du Front Sud n’avait vraiment plus que le choix de la capitulation et l’Etat, grâce au président Embalo, est intervenu au bon moment pour leur offrir une porte de sortie honorable avec les accords de Bissau, appliquant une sagesse churchillienne qui dit que «la magnanimité envers un adversaire vaincu est non seulement morale, mais c’est un bon investissement pour l’avenir». Et l’avenir ici, c’est la paix durable, parce que les maquisards du Mfdc ne peuvent pas faire comme les combattants de l’Olp au Liban, qu’on avait mis dans des bateaux pour les exfiltrer à Tunis.
Salif Sadio aussi viendra à Canossa. Il l’aurait fait depuis longtemps si la pression de l’Armée, avec la dernière offensive, avait été plus forte. «La conversion ou la valise», c’était le choix qu’on offrait aux musulmans et aux juifs après la reconquête catholique en Espagne. Aujourd’hui, c’est le choix qui s’offre à Salif Sadio. La conversion à la paix ou la valise. Et même le choix de la valise est hypothétique avec des pouvoirs démocratiques et amis du Sénégal à Banjul et Bissau. L’histoire montre qu’une rébellion ne négocie sérieusement que si elle est convaincue que l’option militaire est impossible. Et aujourd’hui, toutes les ailes du Mfdc, aussi bien politiques que militaires, en sont convaincues. Pour une rébellion, avant d’en arriver à cette conviction qu’il est militairement impossible de gagner, la négociation n’est rien d’autre que la continuation de la guerre par d’autres moyens. Et le Mfdc a souvent usé et abusé de cette ruse des négociations comme stratégie pour continuer la guerre par d’autres moyens.
Ces négociations et accords sont probablement les bons parce qu’on peut enfin croire à la sincérité du Mfdc qui n’a plus le choix avec l’épée de Damoclès sur sa tête et qui fait que le mouvement n’a pas grand-chose à mettre sur la table pour négocier. Donc, c’est le moment d’offrir une porte de sortie honorable à Salif Sadio en lui reconnaissant que son combat n’a pas été vain, pour nous avoir permis d’avoir un nouveau contrat social sénégalais, qui fonde une société plurielle mais indivisible et qui a permis à notre Administration territoriale de passer de «Faidherbe à Claude Levis Strauss». Cette porte de sortie honorable à monsieur Salif Sadio est un bon investissement pour l’avenir, comme ce fut le cas avec Jefferson Davis, le dirigeant des Etats sécessionnistes du Sud des Etats-Unis, qui est mort tranquillement dans son lit plus de 20 années après la guerre de sécession, grâce à la magnanimité de Lincoln, qui avait compris que c’est indispensable pour la réconciliation et la reconstruction.
La paix revenue, il va falloir songer à la réinsertion des maquisards.
Le Mfdc a perdu les deux batailles essentielles : la bataille militaire et celle de l’opinion internationale. Le Sénégal doit aujourd’hui son intégrité territoriale à son armée mais aussi au consensus politique national sur la question, malgré les alternances. Le Mfdc a été successivement affaibli par le tout-militaire de Diouf, la division du maquis grâce aux mallettes de Wade et au désenclavement accéléré par Macky Sall qui a eu le mérite de virer Jammeh et d’accélérer la construction du pont de Farafegny.
La chute de Jammeh a été décisive dans l’agonie du Mfdc qui a perdu soutien et base arrière. Malgré les accords, il peut y avoir de la violence résiduelle mais le retour de la paix est devenu irréversible. Un long cycle des guerres du Sud, ouvert avec le coup d’Etat de Kukoi Samba Sagna en juillet 1981, s’est fermé à Bissau la semaine dernière, avec des épisodes comme l’opération Gabou ou Micega, sans oublier les affrontements en Casamance. L’Armée a été à la hauteur des guerres du Sud dont le cycle se ferme. Elle doit se concentrer maintenant sur celle de l’Est, avec le fleuve Sénégal comme ligne de Front, avec un djihadisme parti de Kidal et qui est maintenant à Kayes. La plus grande leçon des guerres du Sud est qu’un pays ne doit jamais sous-traiter sa sécurité. C’est pourquoi nous devons tous une grande gratitude à l’Armée qui a payé le prix fort pour éviter la partition du pays.
Par Yoro DIA