Il est préoccupant de constater que l’on nous distrait avec une nouvelle loi d’amnistie dont les principaux bénéficiaires sont ceux qui l’ont initiée. L’histoire de l’effacement fiscal des entreprises de presse par Macky Sall ressemble à un conte de fées, un « naxe mbaay ». Ayant besoin du soutien de certains dirigeants de presse, qu’il connaît bien, il n’a pas hésité à leur promettre cet avantage fiscal. Certes, les médias ont un rôle de service public par les concessions qu’ils signent, mais cela ne justifie pas qu’ils cherchent à faire oublier illégitimement la rétention d’impôts et de taxes par des entreprises privées. L’actuel président avait déjà exprimé son avis sur l’annonce attribuée à Macky Sall de transformer l’argent des contribuables en cadeaux pour les entrepreneurs de presse. Comment les médias peuvent-ils, d’une part, publier et diffuser les rapports de la Cour des comptes, encourager la contribution de la société civile à la bonne gouvernance et, d’autre part, solliciter des faveurs fiscales ? L’impôt est un versement obligatoire et sans contrepartie aux administrations publiques. L’État doit soutenir la presse à travers des mécanismes permettant de maintenir et de créer des emplois, ainsi que de renforcer les formations. En même temps, il devrait abolir les pratiques opaques de transfert d’argent vers des comptes personnels des dirigeants. Cette prétendue « aide » à la presse, dont le montant avoisine les deux milliards de francs CFA, est un « tonk-tonk » public dont les règles d’attribution n’ont jamais été transparentes. En outre, au-delà de l’effacement de la dette fiscale, les diffuseurs ont demandé une réduction des frais de raccordement à 500 000 francs CFA par mois, au lieu du million de francs actuellement exigé par TDS aux télévisions. Comment peut-on effacer une dette de plus de 42 milliards de francs CFA tout en demandant l’annulation des redevances à l’ARTP ? Les positions éditoriales semblent être bien assumées. La création d’un média répond à des objectifs clairs, comme soutenir ou combattre une cause. Au Sénégal, la presse soutient des opposants et déstabilise des régimes sous les yeux de tous. Des hommes politiques financent ou possèdent des médias qui oscillent entre manipulation et information, tandis que le régulateur, dépendant du décret de nomination, reste inactif. La publicité, quant à elle, n’est pas proportionnelle à la qualité des programmes. Les annonceurs se manifestent en fonction des relations et des lignes éditoriales, minant le secteur de conflits d’intérêts et de lobbies. Une élite s’accroche à un patronat divisé, tel un train à plusieurs locomotives, imposant ses besoins aux autres confrères. Pour mener à bien ce projet d’amnistie, les demandeurs devront d’abord confronter les experts et législateurs pour convaincre les sceptiques et les acteurs de la lutte contre la corruption.