Le régime est responsable au même d’égalité que ceux qui appelaient à manifester. Mais les plus grands responsables sont les réseaux sociaux que certains ont utilisé pour élever le niveau de colère déjà présent dans la société sénégalaise. Ces morts pèseront toujours dans leur conscience.

Toutes les études démontrent que les réseaux sociaux exacerbent les conflits, en radicalisant les tons jusqu’à devenir, dans certains cas, un véritable vecteur de violence. Les manifestations suite à l’affaire Sweet Beauté se sont nourrisi de deux ingrédients : la rage contextuelle et l’algorithme de Facebook.

Encore une fois, Facebook a fonctionné comme un formidable multiplicateur, se nourrissant des ingrédients les plus disparates pour alimenter une épidémie de colère qui s’est transférée de la dimension virtuelle à la réalité. À la base des manifestations, il y avait bien la convocation de Ousmane Sonko, mais l’algorithme déchaîné du réseau social californien a mixé les thèmes avec les appels à la révolte, les fakes news et les théories du complot provenant des sources les plus variées.

Ont ainsi circulé le fameux message de Dior Diagne, les détails d’un complot maçonnique pour casser un opposant, les interview laconiques de la propriétaire de Sweet Beauté. Une autre thèse a également été énormément partagée : celle selon laquelle Ousmane Sonko avait été enlevé et drogué. La liste ethnique de nervis partagée afin de saper la cohésion nationale et d’élargir le spectre d’une guerre Nord -Sud ( pulaar-diola).

Pour se faire une idée de la nature du cocktail explosif qui alimentait la fureur des manifestants, il suffisait, pendant les jours de la contestation, d’aller faire un tour sur certaines pages. Les arguments les plus insensés et les directs alternaient en continu avec les attaques contre les députés, les ministres et les médias comme TFM asservis au régime en place, jusqu’à arriver aux fakes news et aux invitations à prendre d’assaut le palais présidentiel.

Dans sa plasticité, capables de combiner tout et surtout le contraire de tout, les manifestations suite à l’affaire Sweet Beauté ont démontré pour la ième fois que la rage n’est pas seulement d’une cause objective, de nature économique ou sociale. Cette dernière est née de la rencontre de deux grandes tendances. Sur le plan politique, le silence des organisations qui canalisaient la rage traditionnelle : les confréries et la société civile. Et sur le plan de la demande, l’existence des médias très marqués tels que Sen Tv, Wal Fadjri qui semblaient faire exprès – en réalité, ils le sont bien -pour exacerber les passions les plus extrêmes.

Tout cela est présenté dans le but de libérer la colère. Une fois que celle-ci est libérée, il devient possible de construire n’importe quelle opération politicienne « Découvre pourquoi les sénégalais sont tendus et énervés, dis leur que c’est la faute du régime en place, des marabouts, des journalistes, le système, etc » C’est de cette façon simple et simpliste que l’on peut donner assaut au Palais.

Si pour Lenine le communisme c’était les Soviets et l’électricité, aujourd’hui dans le cas de notre pays, le populisme naît de l’union de la colère avec les algorithmes.