Mame Thierno Birahim Mbacké

Ibrahima Sall économiste, petit-fils de Mame Thierno Birahim Mbacké dit Borom Darou ne dit pas autre chose. «La principale activité de ces pionniers était l’agriculture et dans une moindre mesure le com-merce avec Mame Cheikh Anta Mbacké», explique l’ancien minis-tre, originaire de Darou Mousty, deuxième capitale du mouridisme, après Touba.

Qualifié de richissime, Mame Thierno Birahim Mbacké frère du vénéré Cheikh Ahmadou Bamba, selon son petit-fils, a créé autour de Darou Mousty plus de 72 villages essentiellement consa-crés aux activités agricoles avec les daaras. Selon lui, l’organisation économique mouride, qui en a découlé a dès les premiers ins-tants de sa fondation permis à la tarikha d’avoir de grands agriculteurs. Parmi eux Borom Darou, dont la capacité productrice peut se mesurer d’après l’ancien minis-tre de l’Education nationale à son soutien pendant la grande famine au gouvernement central avec des centaines de tonnes de mil et de vivres au gouvernement central. Selon le leader du MODEL, on a une idée précise des capacités économiques de Mame Thierno Birahim et par voie de consé-quence des nombreux Cheikhs.

DES DISTRIBUTEURS DE RICHESSES

«Ils étaient des distributeurs de richesses parce qu’ils s’occupaient de toutes les familles vivant autour d’eux. Mais aussi ils assuraient l’éducation des enfants dans les daaras. En plus, ils organisaient toutes les manifestations religieuses et les investissements qu’engageait la pratique de la religion», explique l’ancien DG de la SICAP.

Mame Cheikh Anta Mbacké

Pionnier dans la tarikha mouride, Mame Cheikh Anta Mbacké est également décrit comme un mou-ride fortuné. Dans son ouvrage «Histoire de l’Islam au Sénégal », Paul Marty, dit qu’il avait noué des relations diverses avec les hommes politiques, les agents d’affaires et les commerçants du Sénégal à son époque. Cheikh Anta Mbacké était à cette époque propriétaire à Dakar à la rue Raffenel, d’une belle maison ache-tée à 28 000 francs et louée actuellement à un commerçant marocain. Il avait beaucoup d’ar-gent et était surtout conscient de sa puissance. La sainteté du guide du mouridisme l’obligeant à éviter tout contact avec les Européens, la charge des relations diploma-tiques revenait à Mame Cheikh Anta ainsi qu’à Cheikh Ibrahima Fall.

 

Cheikh Ibrahima Fall

La confession mouride avait dès 1910, vivement attiré à Thiès l’attention de l’administration locale et des commerçants européens des escales. Il apparaît qu’il faut en attribuer les causes, d’abord à la conduite de Cheikh Ibra Fall, principal lieutenant de Bamba dans le cercle de Thiès Paul Marty note un grand intérêt d’Ahmadou Bamba pour Thiès justifié par la présence de Cheikh Ibra Fall, son principal lieutenant dans cette ville ferroviaire.

Ce natif de Kébémer, un des premiers disciples du Cheikh, est remarqué pour son flair dans les affaires, son intelligence et sa ténacité pour l’accroissement des biens. En atteste l’attrait qu’il a eu pour Thiès dont il a senti la valeur agricole des terrains.

On pourrait l’appeler «le ministre des affaires économiques» du mouridisme. Pour son patrimoine, l’auteur français énumère des mai-sons à Saint-Louis et à Dakar, des concessions à Thiès, à Diourbel, à Ndande, à Kébémer. Il a installé des maisons de commerce dans plusieurs escales. Il se dit qu’il cultivait d’immenses champs d’arachide, de mil, de graines diverses et s’occupait avec habileté de leur vente.

Son influence se fait sentir en dehors du cercle de Thiès sur toutes les escales de la voie ferrée du Cayor jusqu’à Louga, ajoute-t-on. Cheikh Ibra possède plusieurs carrés et constructions diverses tant à Dakar qu’à Saint-Louis. Il a créé un grand jardin d’arbres frui-tiers dans son village de Darou Bayré, près de Thiès et y a fait planter des manguiers, bananiers, goyaviers, papayers, citronniers, orangers, qu’il a obtenus à la pépi-nière de Saint-Louis. Toute cette activité dénote sans conteste, d’un sens averti des affaires, lui recon-naît-on entre autres qualités.

El Hadj Serigne Sall

Après la première génération de riches mourides qui étaient les compagnons du fondateur du mouridisme. Une deuxième géné-ration des mourides a pris le relais dans les années 1960. Parmi ceux-ci, Serigne Sall et Momar Sall. La relève donc des pionniers a principalement brillé dans le commerce, dixit Ibrahima Sall. Sur Serigne Sall, son père, en 1967 déjà il réalisait un chiffre d’affaires d’un milliard de F Cfa. Une réus-site dans les affaires due à ses activités dans l’import-export, avec la vente de thé, de riz et de la tomate. Ibrahima Sall, se remé-more du thé 8167, de la tomate Arigoni que son père importait. Le contexte qui prévalait à cette époque dans le commerce était favorable. Il venait juste de se libérer du contrôle des grandes compagnies comme la Sonadis. En ce moment-là, se sont position-nés les grands commerçants, au rang desquels Alla Sène, El Hadj Serigne Sall, Mamadou Dioum pour ne citer que ces précurseurs. Cette seconde génération de riches mourides a su reprendre le flambeau des comptoirs commer-ciaux qui étaient installés au Sénégal depuis plus de deux siè-cles. Ces derniers ont aussi investi dans les industries et les banques en intégrant plusieurs conseils d’administration.

Le culte du travail, en bandoulière, Serigne Sall, se faisait un honneur, à chaque fois qu’il devait construire une maison, d’ériger d’abord une mosquée. La prière, la zakat, se pratiquaient à date et heure échues. Tout comme l’observance du bréviaire, de «la symbiose de la foi et de l’action», de MameThierno Birahim Mbacké dont ilétait adepte.

«Je me rappelle que nous pou-vions rester des semaines sans voir mon père qui partait aux aurores et ne revenait que vers minuit. Il travaillait à plein temps et employait beaucoup de monde. Aujourd’hui cette génération a un peu disparu», se rappelle l’ancien ministre de l’Education nationale Ibrahima Sall.

Mamadou DIALLO