Le journaliste sénégalais et membre de la Cellule Norbert Zongo (CENOZO)qui regroupe les journalistes d’investigation en Afrique de l’Ouest, a sorti un livre intitulé : «scandale au cœur de la République :le dossier COUD». Pape Alé Niang (re)met ainsi Cheikh Oumar Hann au banc des accusés.

Le peuple, apparemment atteint d’une amnésie collective, avait rangé aux oubliettes l’affaire Cheikh Oumar Hann. Après s’être indigné à chaud des révélations accablantes de l’Office National de lutte contre la Fraude et Corruption (Ofnac) contre Monsieur Hann, les Sénégalais ont très vite tourné la page. Aucune exigence véritable de l’opinion demandant la lumière dans cette affaire. Et quand l’étau s’est desserré autour de l’ancien Directeur du Centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud), celui-ci a même bénéficié d’une promotion puisqu’il a été bombardé ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. C’est certainement fort de ce constat que le journaliste Pape Alé Niang a décidé de consacrer un ouvrage sur la question : «Scandale au cœur de la République : le dossier COUD». «L’As » partage avec vous les bonnes feuilles.

«LES DEBOIRES DE L’OFNAC»

D’emblée, Pape Alé Niang est revenu sur la création de l’Ofnac et les difficultés que l’organisation a rencontrées à ses débuts. « L’Ofnac a été créé par la loi 2012-30 du 28 décembre 2012, ce n’est que 6 mois plus tard, le 25 juillet 2013, que le Président Macky Sall se décidera enfin à trouver à l’organe une présidente en la personne de Mme Nafy Ngom Keita. L’Ofnac a été élevé au rang d’autorité administrative indépendante, dotée de l’autonomie financière. Mais, à l’instar d’ailleurs de bon nombre d’organes de contrôle, l’Ofnac démarrera difficilement ses activités à cause de la lenteur de la mise en place de son budget. Plus généralement, les autorités onttardé à doter la structure des moyens matériels financiers et des ressources humaines nécessaires à son fonctionnement », écrit Pape Alé Niang. Qui déplore dans la foulée un manque de volonté du régime de Macky Sall d’aller à l’assaut de la corruption qui a fini de gangrener l’administration sénégalaise.

«RAPPORT D’ACTIVITES 2014-2015 DE L’OFNAC : LE COUP DE TONNERRE»

Une partie du livre a été consacré au rapport d’activités 2014- 2015 de l’Ofnac. Explications de l’auteur : «C’est le 24 mai 2016, soit deux ans après la création, que l’Ofnac va rendre public son premier apport d’activités 2014- 2015. Epluchant le rapport de l’Ofnac, la Présidente révéla que deux personnalités proches du président de la République étaient épinglées. Il s’agit de Cheikh Oumar Hann, responsable APR à Ndioum et directeur général du COUD et Siré Dia, Directeur général de la Poste et responsable APR à Thiès. (…) Pour ce qui concerne le Directeur du COUD, il était accusé par le rapport d’avoir, entre autres, procéder au fractionnement des commandes dans les marchés, octroyé des subventions irrégulières, mais aussi de détournement de deniers publics et de faux et usage de faux.»

«LE COUD, LA VACHE A LAIT DE TOUS LES REGIMES POLITIQUES»

Dans son ouvrage, le tonitruant journaliste a laissé entrevoir en outre que l’Ofnac n’a pas été le premier organe de contrôle à avoir épinglé et décrié la gestion du COUD. En vérité, dit-il, le COUD est assimilé à la vache à lait de ses directeurs au service de tous les régimes qui se sont succédé à la tête de ce pays. Il estime que Cheikh Oumar Hann a bel et bien agi dans le respect de la tradition en matière de malversations. «Les Sénégalais se souviennent de l’affaire Sada Ndaye. Ce dignitaire du PS, directeur du coud a été emprisonné en 2001 un an après la première alternance. Il a été accusé de détournement de sommes relatives, entre autres, à l’achat d’une cinquantaine de climatiseurs, à l’achat de carburant, aux retenues sur les salaires des employés du COUD et à la location du logement du Directeur du COUD. Mais, il finit par obtenir la liberté après plusieurs mois de détention.(…) Il y a eu le cas Matabara Diop. Un rapport accablant précipitera son départ du COUD. La Cour des comptes, dans son rapport 2006-2010, avait aussi épinglé les gestions de feu Iba Gueye et Sitor Ndour pour des malversations graves. Le COUD était accusé d’octroyer des subventions illégales ou des primes indues accordées à des étudiants à des particuliers et au personnel de l’établissement public. Sans oublier le double paiement de certaines factures », rappelle, Pape Alé Niang.

Le journaliste ne manque d’évoquer la conclusion de Cour des comptes qui martèle que: «le COUD est une société qui distribue de l’argent à flots en accordant surtout des subventions illégales aux amicales, aux délégués et à des particuliers. La Cour des comptes avait révélé que les subventions sont payées sans base juridique et sans aucune pièce justificative à l’appui ». Plus tard, Cheikh Oumar Hann sera épinglé pour les mêmes forfaits par l’Ofnac, a-t-il déploré.

«LES REVELATIONS DU RAPPORT DE L’OFNAC»

Pape Alé Niang a aussi repris dans son ouvrage certains passages du rapport de l’Ofnac. Il s’agit de la bizarrerie de l’organigramme, du fractionnement des marchés publics et la prédominance des marchés de gré à gré. Le journaliste a aussi fait état, toujours citant le rapport, du marché irrégulier octroyé par la direction du COUD à l’ancien ACP Bara Fall ; les décaissements irréguliers et non justifiées autorisés par le Directeur Cheikh Oumar Hann. Sans compter des faits cocasses comme le décaissement sans la moindre justification de la somme de 3 000 000 de F CFA lors d’une soirée de Doudou Ndiaye Mbengue. Aussi, 15 millions de francs dégagés pour organiser un «Ndogu (Ndlr : mets préparés pour la rupture du jeûne)» en faveur des étudiantes à la cité Claudel ainsi que des primes budgétaires irrégulières et non justifiées. Le journaliste soulève également du népotisme et du clientélisme politique flagrant dans le recrutement du personnel, entre autres faits soulevés dans le rapport et repris dans son livre.

«GASPILLAGE DE DENIERS PUBLICS»

Toujours dans le chapitre réservé aux révélations du rapport de l’Ofnac, un focus a été fait sur Cheikh Oumar Hann l’accusant ainsi de gaspiller les deniers publics. Dans cette partie intitulée «quand Cheikh Oumar Hann se fait plaisir», l’auteur cite entre autres, les dépenses exorbitantes effectuées par le Directeur du Coud au sommet de la qualité de New York ; les dépenses estimées à 89 millions débloqués par le COUD pour l’accueil du chef de l’Etat au campus social d l’UCAD le 31 juillet 2015 ; le COUD qui supporte les dépenses de la commune de Ndioum ; des emplois fictifs et le recrutement à titre posthume. Aussi, Pape AléNiang indique que l’Ofnac a noté que cette fraude a conduit à une importante surfacturation sur des denrées alimentaires, parfois homologués de plus de 867 677 330 F CFA. Il en est de même, rapporte-t-il, pour des décaissements inhérents aux régies d’avance de 2013 et de 2014 respectivement de 1 512 825 050 F et de 359 369 110 F CFA sur lesquels l’Ofnac ne dispose d’aucune facture ni d’aucune pièce comptable à l’appui. «Pour l’OFNAC, les anomalies soulignées relèvent purement et simplement de la déliquescence financière. L’Ofnac a non seulement recommandé qu’il ne soit plus nommé à la tête d’un organe public, en plus de l’ouverture d’une information judiciaire», écrit Pape Alé Niang.

«CHEIKH OUMAR HANNE CONTRE-ATTAQUE»

Le journaliste a cependant repris des propos de Cheikh Oumar Hanne qui dès le lendemain de la présentation du rapport, a démenti les informations l’accablant. A en croire Pape Alé Niang, le maire de Ndioum dit «n’avoir pas reçu de pré-rapport qui pouvait lui permettre d’apporter sa version des faits avant la publication du document qui indexe sa gestion.»

Sur les 89 millions dépensés, Cheikh Oumar Hann estime que «toutes les pièces justificatives concernant ces subventions datent du 29 juillet 2015 (soit deux jours avant l’évènement qui a eu lieu le 31 juillet 2015). «Tout ce qui a été fait se fonde sur des pièces justificatives existantes archivées au niveau de l’agence comptable du COUD. En ce qui concerne les subventions de 2014-2015, le Directeur du COUD soutient que «l’importance du montant avancé (434 476 081 F CFA) se justifie essentiellement par l’indemnisation assimilée à des subventions accordées aux étudiants victimes de blessures graves et handicaps lors des évènements du 14 aout qui avait entrainé la mort de Bassirou Faye ».

En plus de nier les allégations à son encontre, le maire de Ndioum a porté plainte pour diffamation et violation du secret professionnel contre les services de Mme Nafy Ngom Keita, rapporte Pape Alé Niang. Il faut préciser que l’ouvrage traite des rapports entre le Président Macky Sall et Nafy Ngom Keita et d’ «une séparation à la tronçonneuse » ; mais aussi des misères de Nafy Ngom Keita et de la prise de position du procureur de la République présenté comme l’avocat de Cheikh Oumar Hann.