Le Sénégal n’a pas le choix, les populations doivent apprendre à vivre avec le virus
Hier 10 mai, le Sénégal a enregistré 75 nouveaux cas positifs, ce qui porte le nombre de cas déclarés positifs depuis le 2 mars à 1709 dont 650 guéris et 18 décès, officiellement. L’optimisme qui a prévalu au début commence à laisser de plus en plus la place au doute et à l’inquiétude ; du fait de la stratégie adoptée par le régime pour endiguer le fléau, mais qui semble n’avoir pas toute l’efficacité escomptée quand il s’agit d’interrompre la propagation de la maladie.
Malgré l’instauration de l’état d’urgence et du couvre-feu, les cas de contamination ne faiblissent pas. Bien au contraire, ils ont tendance à prendre une courbe ascendante. Le remède prescrit pour freiner la propagation du virus, à savoir la fermeture des lieux de commerce et autre lieux de culte, semble plus toxique que le mal, et risque même d’emporter le patient. De sorte qu’ils sont de plus en plus nombreux ces Sénégalais qui réclament un assouplissement des mesures, étant donné qu’elles ne semblent pas avoir les effets escomptés. Des mesures restrictives qui sont en train d’asphyxier des pans entiers de l’activité économique adossée à plus de 90% sur le secteur informel. Comme le disait le docteur Moussa Thior, il faut «penser global et agir local». En d’autres termes, il faut certes s’inspirer des autres, mais tout en prenant en compte ses réalités et ses spécificités et éviter le mimétisme en tentant de greffer des réalités venues d’ailleurs chez nous, ce qui risque d’entraîner des phénomènes de rejet. Et d’ailleurs, cela a commencé car on note de plus en plus des vagues de contestation concernant la fermeture des marchés et celle des lieux de culte.
Pour éviter la propagation du virus, le préfet de Dakar avait pris des mesures consistant en une ouverture alternée des commerces, une mesure qui risque d’entraîner la paupérisation des commerçants qui n’ont pas caché leur désapprobation face à cette situation qui leur cause un énorme manque à gagner. Dans les marchés, des commerçants dénoncent de plus en plus ces mesures et à moins que le régime ne se réajuste, il est à craindre une explosion de colère surtout avec l’approche de la fête de Korité, période propice pour des affaires florissantes.
Autre secteur impacté, celui de la pêche où les pêcheurs ont des difficultés, qui pour aller en mer, qui pour écouler ses produits halieutiques du fait du couvre-feu et de l’interdiction du transport interurbain. Donc aujourd’hui, le remède prescrit par le Président Sall pour endiguer la pandémie semble être plus fort que le mal et risque, si on ne l’allège pas, de tuer simplement le patient. Car cet arrêt brusque de l’économie qui, encore une fois, est tenue par le secteur informel, menace tout simplement d’asphyxier les gorgorlous. Quant à la fermeture des lieux de culte, elle doit être repensée pour éviter des frustrations qui risquent de déboucher sur la révolte des populations. Et on assiste de plus en plus à des scènes de défiance de l’autorité. Parce que laisser certains prier au moment où on l’interdit à d’autre ne peut que créer des sentiments d’injustice, et par-delà, une révolte.
Par conséquent, quand une mesure ne peut pas s’appliquer de façon uniforme sur toute l’étendue du territoire, elle doit être abrogée sinon elle créera plus de problèmes qu’elle n’en résoudra. Aussi, l’État gagnerait à trouver la bonne formule pour relancer l’économie tout en incitant les populations à respecter les mesures barrières pour barrer la route au coronavirus. Parce qu’un pays aussi pauvre que le Sénégal ne peut pas se permettre le luxe de promouvoir le «restez chez vous» dès lors que les gens vivent au jour le jour. Quant à l’État, il doit accélérer la cadence pour relancer les activités, afin de pouvoir payer les milliards empruntés pour alimenter le fonds covid-19 destiné à faire face à la maladie.