Non monsieur le Président, il ne s’agit pas d’un « débat au ras de pâquerettes » comme vous avez bien voulu le faire croire sur France 24. Il s’agit d’un débat tout simplement sur la transparence qui doit prévaloir dans tout acte de gestion, quel qu’il soit, quel que soit le moment et les circonstances. Il n’est point accessoire et ne prend pas le dessus sur l’essentiel, comme d’aucuns ont tenté de le souligner sur les plateaux-télés.
Que ceux qui défendent Mansour Faye – et qui en ont le droit d’ailleurs – le fassent sans chercher à étouffer la question de la transparence. Ils doivent surtout se garder de laisser penser que, sous couvert de cohésion dans la lutte contre le COVID-19, l’on devrait se garder de relever ce qui paraît peu clair, voire nébuleux à leurs yeux.
jadis connu pour être un homme serein, poli, courtois et pondéré, l’oral de Mansour Faye a révélé au grand public, un autre visage du beau-frère du président. Serein, il ne l’a en tout cas pas été face à Babacar Fall, lors de cette fameuse conférence de presse au cours de laquelle, il a tenté de s’expliquer. Il était visiblement mal à l’aise et manquait d’assurance. Ce n’est pas un as de la communication, c’est sûr. Mais Mansour Faye s’est montré plutôt impulsif, colérique et même irrespectueux surtout après ce rire moqueur, suite à la question du journaliste. Mais de là à menacer de plainte un journaliste, de cette manière-là et surtout pour une question aussi simple ! A « Grand Diner » de ce vendredi 17 avril sur Walf FM, le journaliste Aliou Sow y, connu pour sa liberté de ton, y est allé de son commentaire pas très sympa. Il pense tout simplement que Mansour Faye est un thiouné. « Il ne sait pas gérer ». Il manque de maîtrise et ne sait pas prendre de la hauteur. De mémoire de Sénégalais en tout cas, c’est un fait assez rare pour ne pas être commenté. S’il n’était pas beau-frère du Président, il ne se serait certainement pas permis un tel écart, une telle posture aussi osée.
Mais c’est quand même un sacré petit emmerdeur que ce Babacar Fall ! Il sait parfois poser de petites questions bien embarrassantes. Macky Sall en a fait l’amère expérience, lors du discours de fin d’année sur le sujet du 3ème mandat. Certains confrères se sont même dit que Babacar cherchait le buzz. Enfin, c’est à l’appréciation de chacun. Toujours est-il qu’il est arrivé à désarçonner le tout puissant Mansour Faye en le comparant à celui qu’on appelait ministre du ciel et de la terre pour ne pas nommer ce cher exilé de Karim Wade. Tiens, tiens, où est-il passé celui-là ? Il a complètement disparu des radars, même si la rencontre de Massalikoul Djinaan avait fini par donner, à certains, l’espoir de le revoir.
Ce n’est donc guère un hasard si les règles de la gouvernance interdisent ce type de nomination au regard de la proximité que le président de la République pourrait avoir avec ceux qu’il nomme. Mansour Faye, voilà un ministre qui concentre beaucoup trop de directions dans son ministère et pas des moindres. Un ministère taillé sur mesure avec des programmes très liquides comme le PUDC, Promovilles, Puma, les bourses de sécurité familiale, la CMU…. Lorsque les analystes de la presse déploraient ce fait, Macky Sall n’en avait pourtant cure. Lorsque sa gestion est critiquée, il s’en offusque ! Avec Aliou Sall, c’était du pareil au même. Lorsque le dossier Petrotim fut soulevé, c’était la même ligne de défense. Il est donc aujourd’hui plus que nécessaire que Macky Sall endosse les conséquences de ses actes. Certaines nominations n’ont point de sens en république.
En ces temps de pandémie, Mansour a réussi la prouesse de faire rompre l’élan national de solidarité qui se dessinait autour de son mentor de président qui, jusque là, s’était comporté en vrai général à la tête ses troupes. Il doit bien en vouloir à Mansour Faye, ce cher Macky, même s’il a tenté de se livrer à un exercice de défense de son beau-frère, en sachant qu’il ne trouverait pas les bons arguments pour cela. L’aurait-il fait pour un autre de ses ministres ou directeurs ?
C’est Idrissa Seck qui doit être bien déçu. Lui qui avait récemment estimé, à la sortie de la fameuse ronde des opposants au palais, qu’il n’est pas nécessaire de filtrer l’eau qui doit servir à éteindre un incendie ? Faut-il désormais la filtrer ? Il nous fournira certainement une réponse.
Dans le but d’instaurer une gestion efficace de la pandémie, les acteurs politiques de tous bords, y compris les irréductibles opposants de Macky Sall s’étaient rendus au palais dans une communion rarement vue sous la gouvernance de celui-ci. D’aucuns s’étaient même étonnés de voir Idrissa Seck, Ousmane Sonko, Mamadou Lamine Diallo, Khalifa Sall, etc avec Macky Sall s’amuser à se saluer avec le coude ou la main sur la poitrine. Une situation bien rigolote à tel point que certains s’étaient même demandés s’ils ne rêvaient pas. Non, ils n’étaient pas amnésiques, c’étaient bien eux et Macky Sall qu’ils voyaient rigoler sur les images de la RTS.
Le comité de suivi des opérations des opérations de la Force Covid(19 enfin mis en place !
Il était d’ailleurs prévu de mettre en place un comité de suivi de la mise en œuvre des opérations de la Force Covid 19, Macky vient de passer à l’acte seulement maintenant après cette tempête sur la question de la transparence. Il a nommé à sa tête le général de division François Ndiaye. Et même si ce dernier jouit d’une excellente réputation aussi bien au Sénégal qu’à l’étranger pour avoir mené les troupes de la Cedeao lorsqu’il s’est agi de chasser Yaya Jammeh du pouvoir pour installer Adama Barrow, le mal est déjà profond, la suspicion si grande, que cette décision présidentielle ne pourra pas éteindre le feu.
Nombre d’observateurs pensent, à juste titre d’ailleurs que ce «comité indépendant» devait être installé avant même que l’appel d’offres pour la distribution des vivres aux populations ne soit effectué, avant même que Mansour Faye ne soit accusé de concussion avec quelques-uns de ses «amis». L’on pense en effet que cette nomination est juste du saupoudrage pour sauver le beau-frère du chef de l’Etat qui s’est mal débrouillé avec sa piètre prestation lors de sa conférence de presse.
Les critères érigés à savoir la disposition de 50 camions, étaient-ils vraiment sérieux et raisonnables ? Bouba Ndour l’a fait remarquer à « Jakarloo » et son argument ne manque pas de sens. Pour lui, c’était l’occasion pour ceux qui ont 2, 3 camions, d’avoir du boulot et de ne pas laisser leur business péricliter. Il est aussi reproché à Mansour Faye d’avoir accordé la plus grande partie de l’approvisionnement en riz à un homme d’affaires franco-libanais méconnu dans la
filière. Il y a aussi l’attribution du marché à Diop SY qui a aussi fait polémique.
Sur I- TV, le député Demba Diop Sy que d’aucuns ont accusé d’être dans une sorte d’incompatibilité fonctionnelle, a étalé son palmarès et montré qu’il est l’un des rares Sénégalais à disposer de motopompes capables d’aspirer l’eau à Kaolack, lors de récentes inondations. Il nous a aussi appris qu’il est le roi du terrassement et qu’à ce titre, sur les chantiers de l’autoroute, ce sont ces engins qui ont été mis à contribution. Toujours dans sa sortie, il a tenté de montrer qu’il fait un peu de tout, lorsque Khalifa Diakhaté lui a attribué le sobriquet de monsieur « dans toutes les sauces ». Il nous a informés qu’il a vendu du foin, de la viande, fourni des restaurants en denrées, géré des restaurants universitaires, fait du terrassement d’espaces à viabiliser, etc.
Tout y est passé dans son souci de se défendre. Même son statut de talibé qui lui recommande de faire du bien, Demba Diop Sy, ne nous l’a pas épargné. Il n’a pas manqué de se définir comme un homme qui s’est beaucoup préoccupé des Daras au cours de cette épidémie, qu’il fait « beaucoup de social ». Mais, le problème de M. Sy, c’est qu’il ne peut pas convoyer gratuitement ces vivres puisqu’il est dans le cadre des affaires ! Il n’aurait de toute façon pas demandé de se faire rembourser son carburant, si tant est qu’il devait convoyer gratuitement les vivres. Il a en tout cas raté l’occasion de faire une bonne action pour le talibé Tidjane qu’il est. Le député homme d’affaires a, dans la foulée, surtout tenté de discréditer les transporteurs en montrant la division en leur sein, au moment de la réunion avec le ministre. Il a ainsi déclaré que ces transporteurs qui proposaient de convoyer gratuitement les vivres, se sont chamaillés et ont fini par n’apporter que 62 camions pour un besoin de 1000. L’homme d’affaires estime dès lors qu’il n’a fait que « casser le deal des transporteurs » au regard du prix qu’ils proposaient puisque ceux-là au fond, ne croyaient pas du tout à cette histoire de gratuité prônée.
Les mauvaises habitudes politiciennes refont surface
La gestion de l’acheminement des vivres et leur transport sont pour le moment un sacré gros bordel. Des maires sont ainsi pris dans le piège de la confection des listes dont le nombre de bénéficiaires est inférieur au nombre de personnes dans le besoin. Ils sont face à une grosse équation et ne savent pas à quel saint se vouer. Une distribution qui a tout simplement créé une confusion et un attroupement contraire à l’esprit de la distanciation sociale. Une atteinte à la dignité même de ces personnes qui se retrouvent dans une situation de demande de pitance puisqu’elles ne figurent pas sur les listes. A l’opposé, d’autres pays ont soutenu les populations sans tambours, ni trompettes.
Dans plusieurs localités dominées par la mouvance présidentielle à travers le Sénégal, les mauvaises habitudes politiciennes semblent être revenues en surface. La politisation de l’attribution de l’aide alimentaire est pointée du doigt. A la mairie des Parcelles-Assainies, le maire est accusé d’avoir choisi ses partisans et de leur avoir confié les postes clés du comité communal de ciblage des ménages bénéficiaires de l’appui alimentaire. A Ourossogui, le Conseil communal de la jeunesse, de même que des conseillers municipaux, accusent le maire Moussa Bocar Thiam de détournement d’objectif, alors que ce dernier se défendant brandissant une cabale politique contre sa personne. A Kaffrine, c’est une association de retraités qui dénonce une distribution partisane basée sur l’expérience de distribution de vivres pendant les périodes de soudures passées.
Dans cette affaire de solidarité, reconnaissons, le transfert d’argent aurait été bien plus efficace et plus simple que la distribution de vivres qui requière une logistique énorme. Il aurait permis à ceux qui disposent de riz, de pouvoir acheter de la viande ou du poisson. N’est-ce pas la logique de l’aide que de laisser aux bénéficiaires, la liberté d’acheter les produits de leur choix ?
La bataille pour la transparence est en tout cas loin d’être gagnée au Sénégal. Elle la sera un peu plus lorsque les Sénégalais réussiront la prouesse de bâtir des institutions plus fortes, plus libres avec une véritable séparation des pouvoirs.
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