Comme dans beaucoup d’autres pays du monde, le coronavirus a imposé une trêve à la classe politique sénégalaise. Une pause qui semble trop durer puisque certains commencent à sortir de leur “quarantaine”.

“Notre présence ici suffit à indiquer que l’heure est grave”, déclarait Ousmane Sonko, le 24 mars dernier, au sortir d’une audience avec le président de la République. A sa suite, Idrissa Seck, également reçu par le chef de l’Etat, indiquait: “L’eau qui est destinée à éteindre le feu n’a pas besoin d’être filtrée.” Autrement dit, tous les moyens sont bons pour lutter contre le Covid-19. Le chef du parti Rewmi appelait même les députés à voter à l’unanimité la loi d’habilitation. Dès lors, la classe politique était entrée en “quarantaine”. Plus un seul avis critique sur la gestion de la crise sanitaire par le gouvernement. Le débat démocratique est ainsi mis entre parenthèses. Aucune voix, en dehors de quelques défenseurs des droits de l’homme, pour dénoncer la violence exercée par les forces de l’ordre sur les citoyens lors des deux premiers jours du couvre-feu. Aucune voix discordante en dehors de celles à peine audibles d’un Abdoul Mbaye ou du député Mamadou Lamine Diallo.

Eh bien, il semble de plus en plus que cette mise en quarantaine volontaire était une erreur. Puisqu’elle a permis à Macky Sall et à son pouvoir de dérouler en toute tranquillité. La preuve: beaucoup de manquements sont notés dans l’attribution des marchés des denrées alimentaires destinées aux populations. Un seul homme d’affaires a ainsi pu gagner deux marchés d’une valeur estimée à plus de 17 milliards. Le député Demba Diop Sy s’est adjugé le marché du transport des vivres. Alors que, selon les spécialistes, la loi ne le lui permet pas. Et c’est le moment choisi par les acteurs politiques pour sortir timidement de leur confinement. Sur la chaîne de télévision privée Walf Tv, le député Cheikh Bamba Dièye soutient que l’Assemblée nationale n’a pas le choix, elle est obligée de réclamer des comptes à l’exécutif. Mais pour Me Abdoulaye Tine, avocat inscrit au barreau de Paris, le débat critique n’aurait jamais dû cesser. Selon lui, il faut que l’Assemblée continue de contrôler ce que fait le gouvernement. “Le coronavirus tue, mais il enrichit des gens sur le dos des populations vulnérables”, dénonce les Forces démocratiques du Sénégal (Fds) de docteur Babacar Diop.

Toutefois, si ces quelques salves annoncent une timide fin de quarantaine pour la classe politique, les grands partis comme le Parti démocratique sénégalais (Pds) ou encore le Rewmi d’Idrissa Seck préfèrent garder le silence sur ce que d’aucuns perçoivent comme un parfum de scandale. Pourtant, dans un pays comme la France où le Covid-19 fait beaucoup plus de dégâts, l’opposition continue de jouer son rôle en critiquant le gouvernement d’Emmanuel Macron, notamment sur le dossier des masques ou des maisons de retraite et même de la protection du personnel soignant. Des critiques qui, sans aucun doute, aident le pouvoir à s’ajuster et à respecter les lois et règlements.