Faire entrer dans la tête des Sénégalais que Macky Sall peut briguer un troisième mandat en 2024. C’est l’objectif que se sont assignés des responsables de l’Apr et proches collaborateurs du président de la République. Une mission dans laquelle plusieurs fausses pistes sont vendues à l’opinion. Mais la manœuvre reste quand même dangereuse pour le chef de l’Etat et son pouvoir.
Dans le débat autour d’une éventuelle candidature de Macky Sall à la présidentielle de 2024, les ténors de l’Alliance pour la république (Apr) se comportent comme des cyclistes sur des pistes dangereuses. Ils sont convaincus de finir par tomber s’ils cessent de pédaler. Résultat : certaines chaines de télé sont devenues des zones de stationnement réservées aux seuls responsables du parti au pouvoir. Ils y disent du tout et du n’importe quoi.
L’ancien Premier ministre Mouhamad Boun Abdallah Dionne fait d’abord une sortie surprenante à Guédiawaye. Devant les jeunes de l’Apr, il laisse entendre : «L’histoire entre Macky Sall et le peuple sénégalais n’est pas encore terminée. Elle ira jusqu’en 2035.» Et c’est la porte ouverte à toute forme de spéculations. Mais puisqu’il faut toujours battre le fer pendant qu’il est encore chaud, Dionne enchaîne sur Itv. Cette fois-ci, il remet en cause le principe de la limitation des mandats consacré à l’article 27 de la Constitution de 2016. Un article qui dit : «Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs.» 48 heures après, c’est le directeur des structures de l’Apr qui s’invite sur la Tfm. Mbaye Ndiaye dit à qui veut l’entendre que Macky Sall est à son premier mandat sous l’empire de la Constitution de 2016. Autrement dit, l’actuel locataire du palais de l’avenue Léopold Sédar Senghor peut bien briguer un troisième mandat. Des sorties qui créent un véritable désordre dans les rangs de l’Apr. Et Yaxam Mbaye est le premier à ouvrir le feu sur Mbaye Ndiaye et Dionne. «Nous ne méritons pas Macky Sall», assène le directeur général du quotidien «Le Soleil» à ses camarades de partis. Les cadres de l’Apr, eux aussi, ont tenu à critiquer Dionne et Ndiaye.
En fait, dans cette affaire, tout est fait pour présenter le président de l’Apr comme une… victime de ses propres partisans. Ceux-là mêmes que l’avocat El hadji Diouf traite d’«idiots» et de «fous». Mais la manœuvre du pouvoir semble plus complexe que cela. De nombreux Sénégalais s’étonnent d’ailleurs de constater que le Président Macky Sall ne prenne aucune sanction contre Mbaye Ndiaye et Mouhamad Boun Abdallah Dionne alors qu’il s’était empressé de virer Moustapha Diakhaté et Sory Kaba qui avaient abordé la question sous un angle qui ne plait pas forcément au pouvoir. Et tout se passe comme si le chef de l’Apr était la main invisible qui manœuvre dans l’ombre avec comme seul objectif : installer le débat et mettre dans la tête des Sénégalais qu’il peut bien être sur la ligne de départ en 2024. Ce qui lui permet de préparer l’opinion, mais aussi et surtout de maintenir la pression sur les responsables de son parti tels qu’Amadou Ba, Aminata Touré… à qui on prête des ambitions présidentielles. De fausses pistes donc pour un président qui a la réputation de toujours bien cacher son jeu. Mais la manœuvre peut être lourde de dangers car comportant plusieurs incertitudes. Macky Sall n’a aucune garantie qu’il ne sera pas défié dans son propre camp. Il s’y ajoute qu’après avoir crié sur tous les toits qu’il ne pouvait pas se présenter en 2024, le patron de l’Apr aura du mal à convaincre ses compatriotes d’un nouveau «wax waxeet» après celui de Wade. Sauf qu’en tant que lecteur assidu de Machiavel, Macky Sall croit dur comme fer que «le trompeur trouvera toujours quelqu’un qui se laisse tromper».