Macky Sall est à peu de mois de la fin de son deuxième et dernier mandat. Mais, il garde toujours la haute main sur la disposition du puzzle. Le retour inattendu de Mouhamadou Makhtar Cissé dans l’espace politique, est, à l’apparence, à inscrire dans la volonté de contrôler le jeu en cours. Cissé est-il là pour aider à serrer davantage Amadou Bâ ? La question reste entière.

Le dernier remaniement ministériel a été marqué par le retour de l’ancien ministre du Budget, puis de l’Energie, Mouhamadou Makhtar Cissé. Inspecteur général d’Etat jusqu’à sa nomination au poste stratégique de Directeur de Cabinet du président de la République, Mouhamadou Makhtar Cissé avait été cité parmi la dizaine de candidats à la candidature de Benno Bokk Yakaar à la présidentielle de 2024.

A son corps défendant ? Sans doute, car l’intéressé avait laissé entendre ne pas être candidat en raison de son statut de fonctionnaire assujetti à l’obligation de réserve. Le corps des inspecteurs généraux d’Etat, plus haute station dans la hiérarchie de la fonction publique, est totalement hors du champ politique et de l’espace public. « Les fonctionnaires de l’Inspection générale d’État effectuent et dirigent les missions de vérification, d’études, de contrôle et d’enquête, qui leur sont confiées par le président de la République », précise-t-on dans leur statut et mission.

En quoi la présence de Mouhamadou M. Cissé par les candidats à la candidature, avait intrigué plus d’un. Il a, d’ailleurs, vite été retiré de la liste des concurrents. Sans que le soupçon ne se dirige vers le chef de l’Etat. Macky Sall voulait-il préparer l’opinion au retour de Cissé par une autre porte ? En tout cas, le mercredi 11 octobre dernier, jour de la publication du nouveau gouvernement, Mouhamadou Makhtar Cissé est bien revenu. Il tient, en effet, son décret de Directeur de Cabinet du président de la République, une position où des hommes politiques fortement marqués se sont succédé sous le magistère de Senghor, Abdou Diouf, Abdoulaye Wade et lui-même, Macky Sall.

D’ailleurs, Mouhamadou Makhtar Cissé s’en rendra bien compte, s’il ne le sait déjà, pour avoir été en 2014, Directeur de Cabinet du président de la République, en recevant le témoin de son prédécesseur Abdoulaye Daouda Diallo, actuel président du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Avant ADD, c’est le tout nouveau ministre des Forces armées, Oumar Youm, qui était Directeur de Cabinet du président de la République, une position qu’il avait dû abandonner pour aller occuper le très politique fauteuil de la présidence du groupe parlementaire de BBY.

C’est clair : Mouhamadou Makhtar Cissé est entré de plain-pied dans la politique, à partir de cette station de Directeur de Cabinet du chef de l’Etat. Il revient aux affaires, alors que le Premier ministre Amadou Bâ avec qui il formait un couple au ministère de l’Economie et des Finances, est désigné par le Président Macky Sall, candidat de BBY à l’élection présidentielle. On est en 2013. Cissé est, en effet, nommé ministre du Budget, délégué auprès d’Amadou Bâ, ministre de l’Économie et des Finances en 2013. Cette position lui permettra de participer à l’élaboration du Plan Sénégal Émergent (PSE) et au Groupe consultatif de Paris de février 2014. Les deux hommes ne s’entendent pas. La mayonnaise n’a pris entre Bâ et Cissé.

De mauvaise langues ont accusé le ministre du Budget, d’entretenir vis-à-vis de son patron, un complexe de supériorité. Plus jeune qu’Amadou Bâ, Cissé, né en 1967, bardé de diplômes, avait été accusé, à tort ou à raison, d’entretenir en orgueil débordant. Le compagnonnage s’arrête. La mésentente entre les deux hommes aurait commencé, explique-t-on, quand ils étaient tous les deux DG. Cissé, Directeur général des Douanes, Amadou Bâ, Directeur général des Impôts et Domaines. Ont-ils fini par solder le prétendu contentieux qu’ils entretiendraient ? Difficile de trancher la question. 2015 arrive.

D’après le journal « Point Actu », Mouhamadou Makhtar Cissé, éphémère Directeur de Cabinet de Macky Sall, est nommé Directeur général de la SENELEC. Il quitte la boîte en avril 2019 et revient au gouvernement comme ministre de l’Énergie et du Pétrole. Après son départ, une grosse polémique éclate. Il s’agit du contrat décennal signé en février 2019, entre la SENELEC et son partenaire Akilee, pour l’installation de compteurs intelligents et qui a fait couler beaucoup d’encre, ces deux derniers mois dans le pays. Le nouveau DG de la société, Pape Demba Bitèye, ancien cadre de la Senelec, demande la renégociation des termes avec Akilee.

A l’époque, un groupe de l’opposition regroupant les partis de l’ex Premier ministre Abdoul Mbaye, de l’ancien ministre de l’Énergie, Thierno Alassane Sall et du député, Mamadou Lamine Diallo, incrimine un contrat attribué sans appel d’offres, alors même que la Senelec est actionnaire à 34 % d’Akilee, ce qui constitue selon les opposants, un « délit d’initié ». D’autre part, ces derniers dénoncent un « conflit d’intérêt », car Amadou Ly, Directeur général d’Akilee, a été le consultant qui a préconisé à la Senelec la mise en place de compteurs intelligents.

Mouhamadou Makhtar Cissé est, sûrement affecté, d’autant qu’on commence à le soupçonner de vouloir candidater en 2024. En dépit de tous ces soubresauts, Cissé revient pour occuper un poste qui le replonge dans la politique. A quelles fins ? Le projet est, sans conteste, entre les mains du chef de l’Etat Macky Sall. Nombreux voient dans ce retour gagnant, une façon de contrôler Amadou Bâ, dont on n’a aucune certitude de la ligne de conduite, une fois élu président de la République. Et c’est Macky Sall lui-même, qui en a donné une idée à Touba, lors du dernier Magal. Face au Khalife général des Mourides, Serigne Mountakha Mbacké, le président de la République a sollicité ses prières pour que son remplaçant ne trahisse pas la ligne qu’il a tracée.