Dans ma vidéo d’hier, j’ai dénoncé la scandaleuse nomination de ce Mouhamadou Lamine Massaly comme président du Conseil d’administration (PCA) d’un établissement aussi important que l’Office national de Formation professionnelle (OFNP). Voilà ce qu’on lit dans le communiqué du Conseil des ministres du 30 novembre 2022 : « Monsieur Mouhamadou Lamine Massaly, titulaire d’un Master en relations internationales, est nommé Président du Conseil d’Administration de l’Office national de Formation professionnelle, en remplacement de Monsieur Moussé Diagne, appelé à d’autres fonctions. » Le « héros », comme l’appelait Madiambal Diagne dans son « Lundi » du 24 août 2015, n’a pas tardé à réagir à ma vidéo, en faisant publier à un site de la place, un texte ayant pour titre : « Mody Niang, ce vieux menteur décati doublé d’un aigri ». Dans ce texte, celui ou celle qui le lui a écrit, probablement sous sa dictée, m’a traité de tous les noms d’oiseaux, notamment des qualificatifs qui suivent : méchant, ignoble, menteur, jaloux, ivrogne, imposteur, lâche, vil, ingrat. Je n’ai rien inventé : je serais tout cela à la fois. Il m’accuse aussi d’ « ignorance crasse du mode de fonctionnement d’une administration, d’une direction générale ». Et notre « héros » de se poser cette question : « Comment peut-on m’accuser d’avoir fait main basse sur des fonds alors que je ne suis pas ordinateur de dépenses ? » Nous y sommes.
Ce Massaly, qui ne ratait aucun déplacement, aucun meeting du vieux président-politicien dans la Région de Thiès, finit par attirer l’attention de ce dernier. Il le reçoit à la présidence de la République et le copte, sans autre forme de procès, dans le Comité directeur du PDS. Quelque temps après, à la surprise générale, il le bombarde président du Conseil d’administration (PCA) de la Société des Infrastructures et de Réparation navale (SIRN). Cette nomination n’avait pas manqué, à l’époque, de m’inspirer une contribution, celle-ci : « Mouhamadou Massaly, ce héros pilleur de deniers publics ! », publiée alors parLe Quotidien du 28 août 2015. Et j’y exprimais ma surprise et mon indignation en ces termes : « Une société aussi technique, alors que le garçon a arrêté ses études à la classe de troisième de l’Enseignement moyen ! Il a fait d’ailleurs cette dernière classe dans un modeste collège privé dont je connaissais parfaitement le directeur, aujourd’hui décédé. J’ai du mal à m’imaginer comment ce garçon présidait les conseils d’administration, surtout comment il a présidé le tout premier. En tout cas, il les a présidés de mai 2008 (date de sa nomination) à juillet 2011, à côté de deux directeurs généraux : Marcel Ndione jusqu’au 31 juillet 2009, puis Samba Ndiaye à partir de cette date. »
Comme toutes les directions, agences et autres structures publiques, la SIRN portait la marque de la très mauvaise gestion de la gouvernance des Wade, qui se prolonge malheureusement aujourd’hui avec celle de son successeur et sosie.
Á l’époque, j’ai lu attentivement le Rapport public 2013 de la Cour des Comptes, comme j’en lisais de nombreux autres. C’est là que la personne de ce Mouhamadou Lamine Massaly a retenu mon attention. Je me suis alors arrêté sur deux actes de gestion avant de revenir sur le PCA Massaly et ses avantages exorbitants. Le Rapport public 2013 de la Cour des Comptes passait en revue le « Contrat onéreux conclu avec Dakarnave », celle-ci étant une société privée de droit sénégalais créée pour « reprendre l’exploitation des activités des chantiers de réparation navale ». Dans cette perspective, il a été signé, « entre l’État du Sénégal, la SIRN et DAKARNAVE, un contrat de concession pour l’exploitation et la gérance des infrastructures de réparation navale pour une durée de 25 ans renouvelable par tacite reconduction pour des périodes de dix ans ». Une disposition de ce contrat léonin a particulièrement retenu l’attention des magistrats de la Cour des Comptes. La SIRN « a mis à la disposition de DAKARNAVE vingt-quatre (24) appartements pour le logement de ses agents pour la même durée du contrat de concession, soit 25 ans ». Les montants des loyers sont déterminés à partir des dispositions de l’Arrêté n° 2888/MEF/DGID du 6 mai 2003, celui-ci abrogeant un autre, celui n° 2026/MEF/DGID du 19 février 1990.
L’Arrêté du 6 mai 2003 fixait les montants des loyers ainsi qu’il suit :
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120.000 FCFA par mois pour un appartement de type F4 ;
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90.000 FCFA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . de type F3 ;
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60.000 FCFA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . de type F2.
Pour vingt-quatre (24) appartements situés en plein Dakar-Plateau (à Calmette et à Pinet Laprade), la SIRN ne percevait qu’un loyer mensuel de 2.340.000 FCFA. Une expertise de la Direction du Cadastre, sur saisine de la Direction générale de la SIRN, estimait la location mensuelle des 24 appartements à 11.760.000 FCFA. La SIRN enregistrait ainsi un manque à gagner de 9.420.000 FCFA tous les mois. Les magistrats de la Cour des Comptes constataient que DAKARNAVE refusait toujours de s’aligner sur ces montants, s’abritant confortablement derrière les dispositions de l’Arrêté du 6 mai 2003. La SIRN avait au moins le mérite de porter cette affaire devant les juridictions compétentes. A-t-elle été par la suite jugée ? Je n’en sais rien, mais je ne le crois pas du tout, du moins jusqu’à preuve du contraire. Dans notre cher pays, on laisse souvent pourrir de telles situations, pour ne pas remettre en cause des avantages indûment acquis, et pour éviter des déboires judiciaires aux proches du président en exercice.
Les trois régimes qui se sont succédé au Sénégal, surtout depuis le 1er avril 2000, sont tous responsables de ce scandale – puisque c’en est un. Comment peut-on louer à 120.000 FCFA un appartement qui se trouve à la rue Calmette ou à Pinet Laprade, alors que les experts estimaient ce loyer mensuel à au moins 600.000 FCFA ? Il y avait sûrement anguille sous roche dans ce dossier, où des gens tapis dans l’ombre gagnaient illicitement beaucoup d’argent, sous le nez et la barbe de nos autorités, les anciennes comme celles qui nous gouvernent depuis le 2 avril 2012. Il n’était même pas exclu que les bénéficiaires de ces appartements les sous-louaient à prix d’or.
Un autre cas patent avait retenu l’attention des magistrats de la Cour des Comptes. Il concernait une dame, une certaine Mme Ndiane Samb, à qui des rémunérations indues ont été versées pendant de longs mois. Cette dame a été recrutée par la SIRN le 1er octobre 2007 comme assistante administrative, et mise immédiatement à la disposition du cabinet du Ministre de l’Économie maritime. Ce dernier, Souleymane Ndiaye, nommé Premier ministre, recrutait Mme Samb comme secrétaire à son cabinet, par Arrêté n° 6004/PM/SGG/SAGE du 12 mai 2009. Il n’était sûrement pas étranger à son recrutement par la SIRN. Il l’a d’ailleurs sûrement inspiré, en qualité alors de ministre de tutelle.
Á la Primature où elle était donc sous contrat avec la Fonction publique depuis mai 2006 et percevait régulièrement le salaire dû à cet effet, notre très privilégiée dame continuait d’être rémunérée par la SIRN en qualité d’assistante administrative. Ce n’est que plus tard, le 18 février 2010, que cette situation a été régularisée par décision n° 2010.049/DG//SIRN. Elle a donc cumulé deux rémunérations de 2007 à 2010. Ainsi, pendant cette période, 13.926.288 FCFA lui ont été versés par la SIRN et 12.928.072 FCFA par la Fonction publique. Les magistrats de la Cour des Comptes ont notamment recommandé au Directeur général de prendre toutes les dispositions nécessaires pour que Mme Samb remboursât les sommes importantes qui lui ont été indûment versées.
Dans sa réponse à la partie du pré-rapport qui concernait le Ministre de la Pêche et de l’Économie maritime (qu’il n’était pas encore à l’époque), Oumar Guèye a notamment répondu que, pour ce qui concernait le versement de rémunérations indues à Mme Ndane Samb, « toutes les mesures correctives ont été prises et (que) le Ministre de l’Économie et des Finances a même émis un ordre de recette à son encontre ». J’aurais aimé, à l’époque comme aujourd’hui, pouvoir vérifier si ces dispositions ont été effectivement prises et que Mme Samb a rendu toutes les sommes indûment perçues. En tout cas, nos gouvernances étant ce qu’elles sont, j’en douterai jusqu’à preuve du contraire.
On est en droit d’en douter sérieusement si on s’attarde sur les rémunérations et avantages qui étaient si facilement octroyés au PCA Mouhamadou Lamine Massaly. Sa rémunération mensuelle était fixée par arrêté à 1.770.000 FCFA. En sus de cette rémunération, il était mis à sa disposition un véhicule de fonction, en même temps qu’une dotation mensuelle de 1000 litres de carburant, alors que la lettre n° 4210 PR/ME/MSAP/SGP/CF du Président de la République adressée au Premier ministre limitait cette dotation à 350 litres. Notre « héros national » avait également à sa disposition un bureau aménagé dans les locaux de la SIRN. Une secrétaire et un chauffeur étaient en outre mis à sa disposition. Mais le chauffeur était recruté hors du personnel de la SIRN et était rémunéré par celle-ci. Ce qui était contraire à la réglementation en vigueur. Notre PCA bénéficiait aussi d’un logement de fonction, cumulativement avec une indemnité de logement de 150.000 FCFA. Á la fin de son mandat, Massaly, comme Baïla Wane avant lui, a refusé catégoriquement de libérer son logement de fonction. Il a fallu recourir aux tribunaux pour le faire expulser par voie de huissier, plusieurs mois après. De remboursement des sommes indûment perçues par le PCA Massaly, il n’en fut question nulle part, pas même dans le Rapport de la Cour des Comptes.
La SIRN payait aussi les factures exorbitantes des lignes Téranga et du téléphone fixe de l’appartement qui était affecté à notre « héros national » et PCA. Quelques exemples, parmi tant d’autres :
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mai 2008 : 1.378.223 FCFA ;
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juin 2008 : 1.859.651 F ;
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juillet 2008 : 1.019.208 ;
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juin 2009 : 1.384.667 ;
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octobre 2010 : 1.033.100 ;
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novembre 2010 : 1.020.000.
Ce n’était pas tout. Notre « sympathique » et « attachant » « héros » recevait de la SIRN d’importants fonds pour financer ses activités politiques : mobilisation des jeunes wadistes et autres militants pour l’accueil du Président de la République dans ses différents déplacements, appui à certaines activités de la « Génération du Concret », organisation de conférences de presse et de manifestations diverses des jeunesses libérales de Thiès, confection de tee-shirts avec l’effigie de l’ancien Président de la République, de casquettes, de banderoles, etc. Ainsi, pendant la période considérée, la SIRN a décaissé pour son « prestigieux » PCA, la coquette somme 19.556.700 FCFA. Je fais table rase des lourdes enveloppes que lui donnait personnellement le président Wade, pendant les périodes de campagne électorale en particulier.
Mouhamadou Massaly faisait donc partie des pilleurs de nos deniers publics pendant la longue gouvernance des Wade. ET le président-politicien Jr lui donne aujourd’hui l’occasion de continuer son pillage, si le Directeur général de l’ONFP place l’APR au-dessus de la Patrie. Si nous vivions dans un pays véritablement démocratique, avec à la tête des autorités dignes de la fonction, une justice indépendante et des citoyens conscients de leurs responsabilités, on ne parlerait plus d’un Mouhamadou Massaly, ni d’un Samba Ndiaye, aujourd’hui encore maire de Ndofane. Á la lettre que lui avait alors envoyée la Cour des Comptes pour lui permettre de s’expliquer, l’ancien Directeur général et actuel maire illégitime de Ndofane ne répondait que par ces mots laconiques : « Faisant suite à votre lettre ci-dessus référencée, je vous fais parvenir notre observation unique portant sur le nom de notre société : c’est Société des Infrastructures et de réparation navale (SIRN) au lieu de Société d’Investissement et de restructuration navale. » Point final. Il assumait donc toutes les graves fautes de gestion de la SIRN qui ont été soulevées dans le Rapport public 2013 de la Cour des Comptes (pp. 209-227). Tout au moins, pour ce qui concerne ses années de gestion qui s’y taillaient quand même la part du lion.
On se fait une idée plus nette encore de la qualité de cette gestion, si on jette seulement un coup d’œil sur la rubrique « autres dons accordés par la SIRN en 2009, 2010 et 2011 » (page 223). Quelques exemples parmi de nombreux autres :
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soutien à la Jeunesse libérale de Ndoffane : 800.000 FCFA ;
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soutien à l’ASC Laghem (c’est toujours Ndoffane) : 990.000 ;
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subvention au Dahira Laghem et FDK : 600.000 ;
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subvention Association des femmes de Ndoffane : 250.000, etc.