Sept ans avant l’échéance, l’AIBD SA a réussi à rembourser les 600 millions d’euros (390 milliards de francs CFA) qu’il devait à ses partenaires financiers. Une prouesse qui permet au Sénégal de devenir propriétaire de son principal aéroport et de faire des économies substantielles qui seront consacrées au financement du projet Hub aérien. Mais ça, c’est la version servie par la direction générale de l’Aéroport. La réalité est bien différente. Et beaucoup moins reluisante.
Pour marquer la première année de sa fusion avec les Aéroports du Sénégal (ADS), la direction générale de l’AIBD SA a sorti un film intitulé «AIBD vision 2035 : Chronique d’une ambition annoncée». La vidéo tire le bilan d’étape de la fusion et trace les grandes lignes des projets en cours au niveau de la plateforme aéroportuaire, dans le cadre de la stratégie «Sénégal hub aérien».
Le directeur général de l’AIBD SA, Doudou Kâ, en a profité pour annoncer une bonne nouvelle. «AIBD est propriétaire entièrement de son principal aéroport pour avoir soldé l’ensemble des dettes contractées en 2011 auprès des partenaires financiers», a-t-il confié aux médias qu’il avait conviés à la projection de film.
Les dettes en question s’élèvent à 600 millions d’euros (390 milliards de francs CFA). Elles devaient être entièrement remboursées en 2029. Avec leu paiement anticipé, l’AIBD gagne sept ans. Il fait même mieux : «Nous avons pu négocier avec l’ensemble de nos partenaires financiers pour rembourser cette dette sans frais», a ajouté le patron de l’aéroport de Diass.
Ce qui permet au Sénégal, selon Doudou Kâ, au-delà de la souveraineté retrouvée en matière aéroportuaire, de faire des économies substantielles qui permettront de financer des projets comme la réhabilitation et la construction des aéroports de l’intérieur du pays ainsi que le Centre de maintenance aéronautique et l’Académie internationale des métiers d’aviation.
Les perfusions du ministère des Finances
Ce tableau idyllique ne colle pas avec la réalité, selon des informations de Seneweb. A en croire nos sources, l’Aéroport est «loin d’avoir payé ses dettes». «Au contraire, s’exclame une de nos sources. AIBD SA doit aux partenaires financiers plus de 100 milliards de francs CFA, rien que pour le financement des projets du Hub aérien. Il s’agit, notamment,du Centre de maintenance des avions, du Centre de formation aux métiers aéronautiques, et d’une partie des dépenses relatives à la réhabilitation et à la construction des aéroports régionaux.»
Notre interlocuteur informe que «le remboursement de ces 100 milliards devait être supporté par la Redevance pour le développement des infrastructures aéroportuaires (RDIA) et payable sur huit ans». «A ce jour, poursuit-il, aucun remboursement n’a été payé. C’est l’Etat par le biais du ministère des Finances, qui se substitue à AIBD qui ne peut pas payer pour le moment du fait des conséquences de la crise de la Covid-19qui a foudroyé le secteur.»
A preuve, soufflent nos sources, quatre gros postes de dépenses sont supportés, pour le compte de l’AIBD, par les services de Abdoulaye Daouda Diallo. «Pour l’Académie international des métiers de l’aviation, entre février et septembre 2022, le ministère des Finances et du Budget a décaissé 19 milliards 754 millions 674 mille 912 francs CFA. Un autre versement de 11 milliards 503 millions 116 mille 609 est prévu pour 2023», renseigne nos informateurs.
Ces derniers précisent que «ces montants comprennent l’acquisition de huit hélicoptères pour 8 milliards de francs CFA, dont un peu moins de 6 milliards qui doivent déjà être payés par l’Etat courant 2022 ainsi que l’acquisition de huit avions type DA 40 DA et simulateurs FSTD pour 5 milliards 763 millions 444 mille francs CFA, déjà inscrits dans le budget 2022».
Il faut compter en plus, d’après nos informations, le financement d’une partie du projet des aéroports régionaux (plus de 30 milliards), du Centre de maintenance aéronautique (plus de 68 milliards) etde la construction et l’équipement de l’aérogare Fret de l’AIBD (12 milliards). «Sans compter que AIBD a contracté une dette de 11 milliards auprès d’une banque de la place, pour financer des projets biométriques et de sécurité, et les reversements non encore effectués auprès des acteurs de la plate-forme aéroportuaire des redevances collectées», soulignent nos interlocuteurs.